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27 / 02 / 2018 | 20 vues
PASCAL DELMAS / Membre
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De l’art de découvrir l’urgence de « professionnaliser » les représentants du personnel et de s’occuper de leur parcours professionnel et de leur reconversion…

La mise en place effective des CSE se fera sur un an et demi (de mi-2018 à fin 2019) du fait que de nombreux DRH et représentants du personnel ont préféré repousser d’un an les mandats des CE/DP venus à expiration fin 2017, personne ne voulant vraiment « essuyer les plâtres » pour les voisins.

Cette mise en place va donc exiger sur cette période de (re-)mettre en cause ce qui aurait dû se pratiquer sur quatre ans (durée légale des mandats), de transformer en profondeur l’équilibre social, les rapports de force syndicaux (recomposition, jeux d’alliance, recherche de compétences et de volontaires pour un mandat (le CSE) plus complexe et plus lourd que chacun des mandats qui pouvaient être détenus séparément auparavant (CE, DP et CHSCT).

À ce bouleversement qui agite les fédérations syndicales de salariés, s’ajoute (notamment pour les entreprises de taille importante) une véritable « bombe à retardement » pourtant prévisible depuis de nombreux mois : que vont devenir les futurs « anciens représentants du personnel » qui ne seront plus élus au CSE demain ?

À en lire la presse non spécialisée, le sujet est crucial.

Les Échos, le 20 février 2018 :

« À tour de rôle, les patrons des centrales ont exprimé leurs inquiétudes. Avec la fusion des instances représentatives du personnel, ils sont notamment préoccupés par le sort des élus qui devraient perdre leur mandat. À la CGT, ils seraient, selon le numéro un du syndicat, Philippe Martinez, pas moins de « 60.000 élus et mandatés » à être menacés dans tout l'Hexagone. Chez FO, le secrétaire général Jean-Claude Mailly, interrogé par L'Opinion, estime qu'au total « près de 150.000 à 200.000 personnes vont perdre leurs mandats, ce n'est pas rien ». D'où la nécessité, selon eux, de « gérer la fusion des instances représentatives du personnel », a martelé Jean-Claude Mailly. « Quels postes ces personnes vont-elles retrouver ? Ce n'est pas simple à gérer, y compris pour les employeurs », a ajouté le syndicaliste. « On veillera à ce qu'aucun élu et mandaté ne soit licencié parce que c'est un risque aussi [...] on veillera à ce qu'ils soient réintégrés et qu'ils soient maintenus dans un poste », a affirmé Philippe Martinez sur l'antenne d'Europe 1 ».

Le Canard Enchaîné, 14 février 2018 :

Une hécatombe : 200.000 des 700.000 représentants du personnel (délégués syndicaux, élus au comité d'entreprise etc.) pourraient disparaître d'ici décembre 2019, à cause de l'ordonnance Macron qui institue dans les boîtes une seule et unique structure, le comité social et économique. Le couperet tomberait principalement sur la CGT et la CFDT, qui perdraient chacune 60.000 délégués : FO ferait une croix sur 35.000 de ses représentants. Les autres formations verraient s'envoler, au total, 50.000 de leurs élus. Ces chiffres ont été présentés le 31 janvier dernier au Ministère du Travail dans le cadre de la préparation du rapport (remis le 16 février 2018) remis à Muriel Pénicaud, Ministre du Travail « Accompagner la dynamique du dialogue social par la formation  et la reconnaissance  de ses acteurs et par la valorisation des meilleures pratiques »  confié à Jean-Dominique Simonpoli (déjà auteur du rapport « la reconnaissance et la valorisation des compétences des représentants du personnel et des mandataires syndicaux » d’août 2017) et Gilles Gateau.

Le rapport préconise un accompagnement des élus qui perdront leur mandat. Il propose, pour les entreprises de plus de 5 000 salariés, de « prévoir par la loi une obligation de négocier sur des mesures spécifiques pour les élus porteurs de « mandats lourds » » (qui représentent plus de 50 % de leur temps de travail). En l’absence d’accord, le rapport suggère un abondement du compte de formation (CPF) à hauteur de 100 heures, à la charge de l’entreprise, pour chaque élu concerné. Sur ce point, la ministre a rejeté la voie législative. Elle s’est simplement engagée à écrire aux 230 entreprises concernées pour leur recommander de négocier sur le sujet.

Interrogée lors d’un point presse après la remise du rapport, la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, a refusé de s’avancer sur un chiffrage, estimant qu’il était « trop tôt pour le dire ». « Dans les PME, leur nombre ne devrait pas être éloigné de celui d’aujourd’hui. La baisse pourrait être significative dans les grandes entreprises. Mais elles peuvent prévoir par accord un nombre d’élus supérieur au minimum fixé par décret », a-t-elle précisé.

Le sort des futurs élus déchus (sort prévisible du fait même de l’application des ordonnances depuis de nombreux mois…) commence à inquiéter (surtout dans les grosses structures) les organisations syndicales mais aussi patronales et beaucoup de DRH.

La ministre du Travail a également insisté sur la nécessité renforcer dans le futur la formation des élus qui resteront en poste car « le champ des négociations sera plus grand », a-t-elle rappelé. En effet, les auteurs du rapport rappellent que « les élus du CSE vont désormais devenir « multi-compétents » du fait de la réunion des compétences des anciens CE, CHSCT et DP sur les mêmes élus, alors que les élus des précédents IRP étaient souvent « spécialisés » jusqu’ici ».

Il y a donc deux sujets de négociations :

  • en effet, il va falloir, d’ici fin 2019, avoir trouvé des solutions non seulement pour les IRP quasi permanents qui ne le seront plus du fait de la baisse du nombre de mandats ;
  • mais aussi mettre en marche une « vraie professionnalisation » des représentants du personnel (au CSE), notamment pour ceux qui, ayant exercé leur(s) mandat(s) depuis longtemps, vont devoir laisser la place à des « élus » (pour mémoire les membres des CHSCT actuels étaient « désignés » et n’apparaissaient pas sur une « liste » syndicale) « poly-compétents » en matière économique, socials et de conditions de travail tout en devant continuer de gérer les activités sociales et culturelles…

Nous incitons donc l’ensemble des partenaires sociaux et des directions à profiter des espaces de négociation qui s’ouvrent (accord de mise en place des CSE, accords pré-électoraux, élaboration des règlements intérieurs des CSE notamment), même dans les entreprises de 50 à 5 000 salariés (afin d’aller au-delà des recommandations du rapport précité) afin de traiter (dès l’origine) de ces deux sujets en les liant.

Il ne faut donc pas limiter ou contenir les négociations relatives à la mise en place formelle des CSE en oubliant ces aspects de « professionnalisation » des élus du personnel. Il est donc urgent, au-delà des « modèles » purement juridiques fournis par les « experts de CSE », de bien éclairer les possibilités offertes (sur le terrain) en prenant en compte des aspects de « relations sociales » plus complexes.

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