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12 / 06 / 2025 | 83 vues
Pascaline Kerhoas / Abonné
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Protection Sociale Complémentaire (PSC) : Comment on est-on arrivé là à Bercy ?

Un peu d’histoire


✓ C’est à la fin du 19ème, qu’apparaissent les premières caisses de secours, prémices des futures mutuelles. A la Douane d’abord, puis en 1927 naît la caisse de secours et de mutualité des comptables directs et agents du trésor. Après guerres, les mutuelles se développent et chaque direction est dotée d’une mutuelle distincte. Ces mutuelles sont quasi intégrées au service administratif, avec une mise à disposition d’agents et de locaux. En revanche, aucune participation de l’Etat employeur n’est versée aux agents.


✓ En 2002, face aux distorsions de droits sociaux croissantes entre actifs du privé et du public, la Mutualité de la Fonction Publique (MFP) demande une révision des conditions de participation de l’État au financement de la protection complémentaire de ses agents. La charte des droits sociaux complémentaires est signée par la MFP et cinq Organisations syndicales (OS) de la Fonction Publique (CGT, CFDT, FO, UNSA et FSU) en 2003.


✓ En 2005, La Commission européenne (CE) remet en cause les modalités de participation de l’État français en direction des mutuelles de fonctionnaires. Elle enjoint la France de mettre un terme au système d’aide existant ou d’ouvrir le marché à tous les opérateurs complémentaires santé.


✓ En 2006, abrogation de l’arrêté Chazelle de 1962 qui encadrait le versement de subventions aux mutuelles de fonctionnaires, jugé incompatible avec le principe de libre concurrence. Les mutuelles sortent alors progressivement du champ administratif. Les personnels mis à disposition sont désormais à charge des mutuelles.


✓ En 2007, la loi de modernisation de la Fonction publique permet la participation de l’employeur public au financement de la protection sociale complémentaire de ses agents en contrepartie de solidarités effectives intergénérationnelles, familiales et contributives. Afin de s’adapter à cette évolution, la plupart des mutuelles directionnelles du ministère décident de créer la MGEFI pour candidater avec succès au premier référencement.


✓ En 2016, Publication de la circulaire de cadrage de la procédure du second référencement ministériel des organismes de protection sociale complémentaire et nouveau succès pour la MGEFI.


✓ En 2019, perte de la gestion du régime obligatoire par MFP Services (mutualité de la fonction publique services), ce qui représentait un avantage comparatif par rapport aux autres acteurs pour attirer des adhérents sur les contrats complémentaires dans le périmètre ministériel des mutuelles adhérentes, dont la MGEFI.


Le second référencement 2016- 2018


Le 27 juin 2016 est publiée la circulaire de cadrage de la procédure de référencement des organismes de protection sociale complémentaire. Commence alors la seconde phase des référencements ministériels en santé et en prévoyance au sein de la Fonction publique d’État. L’État peut financer des organismes complémentaires couvrant à la fois la santé et la prévoyance, référencés tous les 7 ans après appel public à concurrence.
 

Ce dispositif de participation de l’État et des collectivités territoriales à la protection sociale complémentaire de leurs agents a pris la suite de subventions aux mutuelles de fonctionnaires. C’est déjà une première ouverture aux opérateurs privés. Entre multi-référencement et perte de la garantie dépendance en inclusion des contrats, les agents de l’État subissent de plein fouet les changements d’orientation et les nouveaux arbitrages gouvernementaux.


En février 2018, le Secrétaire d’Etat Olivier Dussopt confie aux trois inspections générales, IGF, IGA et IGAS une mission d’évaluation de la protection sociale complémentaire des agents publics, pour établir un bilan des garanties en santé et en prévoyance des agents dans les trois versants de la Fonction publique.


Le rapport de la mission d’évaluation publié en juin 2019, analyse ce second référencement. Les rapporteurs concluent que la protection sociale complémentaire est peu mutualisée entre les ministères et faiblement intégrée à leur gestion des ressources humaines et au dialogue social à l’exception des Ministères économiques et financiers.
En effet, à Bercy, les fédérations ont pris part au référencement, via une concertation sur la stratégie de mise en concurrence : le choix du mono référencement, la définition des garanties, le contenu des cahiers des charges et le choix des organismes complémentaires. Cela a également permis d’être le seul ministère à conserver un contrat référencé incluant la santé, la prévoyance et le risque dépendance.


Malgré trois candidats : MGEFI, MGP et Intériale, la MGEFI a remporté ce référencement en améliorant la couverture proposée. L’ensemble des adhérents ont basculé sur ce nouveau contrat, autre exception de notre ministère. Actuellement environ 85% des agents sont adhérents à la MGEFI.


Le rapport propose trois pistes d’évolution de la PSC dans la FPE, dont une incitant à adopter une logique plus proche de celle des contrats de groupe dans le privé, voire d’ouvrir aux ministères la possibilité de mettre en place des contrats de groupe à adhésion obligatoire.


La négociation Fonction Publique sur la Protection Sociale Complémentaire


En 2021, la ministre de la Transformation et de la Fonction Publiques a donc lancé le chantier de la protection sociale complémentaire dans la Fonction publique. Sa volonté était, à l’instar du secteur privé, de mettre en place une participation financière de l’employeur public pour la prise en charge d’une complémentaire santé.


L’accord sur la Protection Sociale complémentaire (PSC) n’échappe pas à la nouvelle règle de l’accord majoritaire, mais il faut se rappeler un point particulier.


A la différence d’autres négociations ou l’absence d’accord majoritaire entraîne la fin pure et simple d’une discussion sur un thème donné, celle sur la PSC était d’une autre nature. Dès le départ la ministre de la Transformation et de la Fonction publiques avait clairement indiqué qu’en cas d’absence d’accord majoritaire, elle appliquerait le panier de soins du code de la sécurité sociale (issu de l’Accord National Interprofessionnel du privé), sans solidarité intergénérationnelle.


En résumé, cela signifiait un panier de soins à minima qui aurait obligé à une surcomplémentaire et pour les retraités, des cotisations excessivement chères.


FO Fonction publique s’est engagée dans cette négociation et a longuement porté ses revendications dont la majorité a abouti. Soucieux de la liberté du choix des agents, la contrepartie de l’obligation d’un contrat groupe collectif n’était pas l’option souhaitée par FO, mais la protection sociale complémentaire est un sujet majeur, sur lequel notre organisation a su démontrer son sens des responsabilités. Le Bureau fédéral du 21 janvier 2022 a donné mandat de signer cet accord.


Pour rappel, celui-ci a servi de base aux futures négociations ministérielles. Ces négociations ministérielles ont bénéficié du principe de faveur, à savoir que l’accord ministériel ne peut qu’améliorer l’accord interministériel. En cas d’absence d’accord majoritaire dans un ministère, c’est l’accord interministériel qui s’applique de droit.


La négociation ministérielle sur la Protection Sociale Complémentaire 


Notre fédération s’est engagée dans cette négociation sur la protection sociale complémentaire, afin d’obtenir des avancées concrètes pour les agents et améliorer un dispositif « fonction publique » bien peu généreux et empreint de contraintes.


Notre travail a permis de faire progresser les points suivants :


➢ Les modalités de cotisations et de solidarité envers les enfants,
➢ Les options ouvertes, leurs modalités et la participation de l’employeur,
➢ Les critères de sélection de l’opérateur et la pondération des critères,
➢ Le fonds d’aide aux bénéficiaires retraités financé par un taux de cotisation additionnelle de 2%,
➢ Les prestations d’accompagnement social avec un taux de cotisation additionnelle à 3% permettant leur maintien,
➢ Les actions de prévention en présentiel et sur l’ensemble du territoire,
➢ Le couplage obligatoire santé/prévoyance pour les actifs.


Après treize séances de véritables négociations, le bureau fédéral a donc unanimement validé la signature de cet accord, pour une mise en œuvre au 1er janvier 2026.


La procédure d’appel d’offre


Dans la foulée, via la commission paritaire de pilotage et de suivi (CPPS), l’ensemble des fédérations a travaillé sur les critères et leur pondération du futur appel d’offre.


Les fédérations ont fait le choix de limiter les critères financiers afin de privilégier la qualité de gestion et de service offert aux agents du ministère : plateforme et application mobile, centre d’appel téléphonique, permanences physiques, assistance, réseau de soins, actions de prévention en présentiel et territoriales…


Après cela, les fédérations ont été écartées de la procédure, contrairement au dispositif précédent de référencement.


Le dossier d’appel d’offres, avec une phase de candidature et une de négociation, a été publié en septembre 2024. Après l’analyse des candidatures en février 2025, les négociations se sont déroulées d’avril à mai 2025.


La CPPS a été convoquée le 22 mai 2025 pour émettre un avis consultatif sur le rapport d’analyse des offres. Les fédérations ont rapidement déchanté à la lecture du document remis en séance, puisque l’opérateur retenu pour la santé est la start-up ALAN.


Les fédérations a voté à l’unanimité contre ce choix.


Une start-up, un séisme à Bercy


ALAN a été créée en 2016. Cette start-up a été la première entreprise en 30 ans à recevoir l’agrément de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), pour exercer comme assureur.


Depuis, elle a levé plus de 400M€ auprès d’investisseurs, comme Index Ventures, Temasek, Coatue et Ontario Teachers Pension Plan, pour atteindre 296 M€ de capitaux propres en 2024.


ALAN est installé en France, en Espagne et en Belgique. Le groupe place l'intelligence artificielle au cœur de sa stratégie pour accroître l’automatisation des processus clés tels que la gestion des devis, le service client ou la détection des fraudes.


ALAN affiche des pertes depuis sa création, la perte enregistrée en 2024 s’élève à -34 M€. Mais Alan a aussi significativement renforcé ses capitaux propres grâce à une levée de fonds de 143 m€ menée par Belfi us, troisième bancassureur belge.


Alan dispose donc d’un montant de capital de 294 M€, soit 4,6 fois la norme requise par le régulateur. En outre, ce capital est maintenu en majorité sur des comptes de dépôt, sans risque. Il aurait donc été illégal de l’écarter de l’appel d’offres sur ce critère… à notre grand regret.


Au cours de l'exercice 2024, le portefeuille d’assurés couverts par Alan a connu une expansion notable de 39 %, pour atteindre 686 000 assurés. Cette croissance a été principalement tirée par l'acquisition de nouveaux contrats dans le segment des grandes et très grandes entreprises.


Au-delà du secteur privé, Alan a remporté les appels d'offres du Ministère de la Transition Ecologique et de la Cohésion des Territoires ainsi que des Services du Premier Ministre pour la couverture complémentaire santé de leurs agents à compter de 2025.


Que faire maintenant ?


Notre fédération dénonce la décision de l'administration de sélectionner Alan pour assurer la PSC des agents de Bercy. Cette start-up est à l'opposé de nos valeurs mutualistes mais aussi syndicales d'entraide et de solidarité. Le choix d’un opérateur commercial, assureur « privé » à la recherche de profits, basé sur le numérique et la dématérialisation, conduira forcément à une dégradation des prestations et des services, une perte de la proximité et du conseil aux agents.


La fédération a adressé le 2 juin un courrier à la secrétaire générale, demandant la convocation d’une nouvelle CPPS et des explications complémentaires sur le choix d’Alan. Nous allons également saisir la ministre des Comptes Publics. Mais nos moyens d’action sont limités puisque la contestation de l’appel d’offres ne peut qu’émaner d’un candidat écarté. La MGEFI a d’ailleurs déposé un recours contre cette désignation.


Pour nous, l’accord ministériel signé en juin 2024 par l’ensemble des fédérations reste un très bon accord, garant d’une PSC de qualité et surtout qui inclut un couplage obligatoire santé- prévoyance. D’ailleurs, à ce jour, aucune fédération n’a souhaité retirer sa signature.


Sur ce point, le retrait de signature d’une fédération même s’il aboutissait à rendre un accord minoritaire, n’a aucun impact juridique sur le marché conclu, d’après la dernière analyse de la DGAFP.


Le marché prévoit une durée de contrat de 2 ans fermes, renouvelable jusqu’à 6 ans. FO Finances sera donc vigilant sur la stricte application des critères de ce marché. Nous demanderons aux agents de faire remonter tous les manquements de l’opérateur choisi, afin de documenter et étayer une dénonciation du marché en cours.


Notre fédération apporte évidemment tout son soutien aux collègues de la MGEFI, de la MASFIP, de la Mutuelle des Douanes et de l'INSEE, ainsi qu'à tous les militants du réseau mutualiste.
 

Avec le soutien escompté de sa fédération Fonction Publique et de sa confédération, mettra tout en œuvre pour sauvegarder un modèle social historique et exemplaire qui a démontré toute sa pertinence depuis près d’un siècle, dans l’intérêt des agents publics.

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Compte-rendu COSUI PSC du  5 juin


Pour commencer notre organisation syndicale  a demandé à ne plus recevoir les documents de travail la veille au soir, mais bien en amont pour travailler correctement. Nous avons même demandé à l’administration, si les documents auraient été remis sur table sans notre demande par mail la veille après-midi.


Beaucoup d’interventions ont concernés le choix d’ALAN comme prestataire, au MINEFI avec la mise
à mal du monde mutualiste face à cette start-up pur produit du monde de la finance et de l’IA.


L’administration se défend de procéder comme il se doit à des appels d’offres conformes aux différents
marchés publics et à leur attribution sans intervention politique.


Notre organisation syndicale  a vivement réagi aux propos du directeur qui prétextait la signature unanime de l’accord PSC pour arguer du fait que nous n’avions pas à être surpris, notamment de l’augmentation des cotisations des ayants-droits.


Nous lui avons rappelé qu’à cette période le contexte était différent avec l’augmentation du transfert
de charge créant une augmentation des cotisations, ajoutant à cela un surcoût aux familles. Nous
avons précisé que le coût des ayants-droits pour certaines familles s’élevait parfois à plus de 1000 €
à l’année, et c’est sans compter sur les enfants ayants-droits en situation de handicap qui passent de
la gratuité au tarif en vigueur.

 

Pour FO ce n’est pas acceptable, et nous avons demandé à rouvrir le sujet pour la suite, rappelant que la ministre de l’époque présentait la PSC comme une amélioration du pouvoir d’achat … nous en sommes bien loin pour certains agents.


Sur le sujet des retraités, nous avons  a réitéré nos  précédents propos, sur le manque d’information, voir même son inexistence dans les ministères qui ont déjà mis en place leur PSC, pour preuve le chiffre donné
de seulement 1295 retraités ayant adhéré.


Il y a eu une présentation de la PSC au Conseil d’Etat pour 2495 agents affiliés, avec une cotisation
d’équilibre à 72,79 € à laquelle il faut bien entendu ajouter les cotisations additionnelles. Précisons
que lors de la présentation par cet employeur, il a été dit qu’une forte opposition des agents dû au
côté obligatoire, a nécessité de faire appel à énormément de pédagogie.


Nous sommes  en fin de réunion  intervenus pour signaler la surcharge de travail occasionnée pour les agents en charge de mettre en place la PSC. Nous avons mis sur la table l’énorme souffrance dans certains
ministères, avec des agents en RH ainsi que des gestionnaires payeurs en burn-out et autre, sans
oublier les conséquences en gestion de la réduction des 10 % de salaire lors des arrêts en CMO.

 

Nous avions alerté bien en amont que cela risquait d’arriver avec le manque d’effectifs criant et des agents
croulant déjà sous les tâches que l’on ne cesse de multiplier. En réponse le président de séance dit se
saisir de la problématique dont il n’avait pas été informé...???