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03 / 10 / 2018 | 4 vues
Didier Cozin / Membre
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120 décrets pour la nouvelle loi formation, pour quoi faire ?

Alors que 120 décrets de loi sont "attendus" après le vote de
la réforme de la formation du 1er aout dernier les limites de l'exercie légistique vont bientôt apparaître : prétendre tout changer sans comprendre ce qui bloque les apprentissages en France (manque de temps, d'argent, de mobilité) 
ne procurera aucun bénéfice au pays.

Pour rétablir une formation professionnelle continue les pouvoirs publics mettent en oeuvre très régulièrement tout un fatras réglementaire qui retiennent (et empêchent) au final nos concitoyens d'apprendre

  • Des lois bavardes, confuses et inutiles qui rendent la formation toujours plus coûteuse, complexe et difficile à déployer 
  • Un fatras de réglementations et d'usines à gaz qui donnent l'illusion que c'est en démultipliant les circuits, les dispositifs les parties prenantes et les contrôles que notre pays montera en compétences

Désormais, au XXIe siècle on apprend d'abord du et par le travail

Si autrefois la formation précédait le travail et l’insertion sociale, si les développements humains dépendaient largement de ce qu’on avait appris (et retenu) au cours de l’enfance, désormais il en est autrement : on apprend parce qu'on est confronté à des problèmes (des problématiques) qu'il faut résoudre tout au long de sa vie, pendant, par et pour le travail. Les frontières s'estompent (le monde est devenu hybride et divers) entre le travail et le temps libre, les travailleurs ont besoin de culture et la culture a besoin du travail (et des travailleurs).
L’école n’est plus qu'un des maillons de la grande chaîne éducative 
Notre modèle éducatif reste celui d’une école massive et monopolistique qui préparait à une vie professionnelle stable, linéaire et facilement encapsulable dans des référentiels, des diplômes, des lieux et des corpus de connaissances connus et reconnus (par l'Etat).
La réduction du travail a contribué à dévaloriser le capital humain
Le travail a radicalement changé depuis 30 ou 40 ans. Il ne s’agit plus de s’insérer dans un monde professionnel stable et assuré qui attendrait des bras (les besoins de "main d'oeuvre") mais pour chacun de déployer ses activités et ses compétences (entreprenariat  et autodidactie) pour réussir une vie sociale et professionnelle en perpétuelle devenir...
Un million de micro-entrepreneurs apprennent plus qu’un million de chômeurs ou d’étudiants.
Au sein d’une société devenue celle de la connaissance et des réseaux c’est en résolvant des problèmes, en se confrontant à la réalité (qui n’est pas reproduite seulement dans les livres) qu’on apprend, qu’on travaille sa résilience, ses compétences, ses capacités d'entreprenariat.
Apprendre : gérer des flux ou valoriser un stock ? 
Apprendre ne consiste plus simplement à engranger des informations ou des connaissances abstraites (disponibles partout et à tout moment sur Internet) mais à se confronter au terrain (économique, professionnel, social…) pour trouver des solutions innovantes ou répondre à des besoins (qui sont de moins en moins standards) :  se nourrir, se déplacer ou se développer sans nuire à l’environnement, soigner et protéger sans déresponsabiliser, enseigner sans déformer ou enrégimenter…).

Le « progrès social » au sens des XIX et XXe siècle est devenu un simple slogan, une posture politique et sociale
Si tout au long des deux siècles industriels précédents il s’est agi de réduire le temps de travail, les dangers et accidents du travail tout en libérant du temps pour les loisirs (réparateurs) et une consommation (devenue massive), désormais certains droits sociaux peuvent jouer contre le travail
- La réduction du temps de travail a été massive et généralisée, elle a envoyé un mauvais signal concernant le travail (une occupation "secondaire")
- Les retraites généralisées et précoces sont une perte de savoirs, de compétences et d’expériences humaines et professionnelles
- Le lien de subordination entre employeur et employé devient un leurre dans un univers professionnel où le travail est de moins en moins prescrit et organisé hiérarchiquement
- Les besoins de sens au travail, de mobilités, impliquent que le travail perd de sa stabilité pour se transformer en missions au gré de l'activité, des opportunités mais aussi aux besoins de grandir des travailleurs (être condamné à un "Bullshit job" dans une entreprise installée est souvent pire qu'être précaire)
Peut-on apprendre par décret ?
La formation ne pourra se généraliser en France tant que la valeur travail ne sera pas réellement restaurée (pas seulement dans les discours). Si le travail artisanal, manuel ou émancipateur reprend sa place nous aurons tous un travail (mais pas forcément salarié)

Il est ridicule d'attendre tous les 4 ans d'une loi (miraculeuse) qu'elle autorise  les travailleurs à apprendre
On ne légifère pas sur la façon de s'alimenter (manger plus ou moins, que manger, quand manger ?), les apprentissages sont notre nouveau carburant et notre nouveau moteur et pour apprendre les subventions et béquilles réglementaires sont superflues : il suffira, pendant encore longtemps, d'être capable d'ouvrir un livre (utile dans son domaine), de lire, puis de tourner les pages et de s'équiper d'un projet professionnel.

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