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10 / 10 / 2017
Didier Cozin / Membre
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Pour un véritable contrat formation en entreprise en 2018

En matière de formation et d'éducation, notre pays hésite entre accumulation, sélection et universalisation.

La société industrielle était jadis celle de l'accumulation :
  • accumulation de capitaux et de moyens de production : pour créer une entreprise, un magasin ou une activité, il fallait capitaliser des sommes importantes et disposer de terrains (pour l'usine, la ferme ou le supermarché), de machines et de travailleurs nombreux ;
  • accumulation de savoirs et de pouvoirs : l'entreprise industrielle, comme la nation industrielle, était caractérisée par son histoire, ses sédimentations sociales, professionnelles et éducatives.

Le travail ne consiste plus seulement à entretenir des stocks mais à d'abord à maîtriser les flux.

La mondialisation et la globalisation des échanges (60 millions de touristes en 1980, plus d'un milliard aujourd'hui), des télécommunications (les échanges deviennent quasi-gratuits), l'hyperproduction d'informations et de connaissances (l'Inde forme plus d'ingénieurs chaque année que toute l'UE réunie), l'interdépendance mais aussi l'hyper-concurrence entre les acteurs économiques changent la donne économique, sociale et éducative.

La France éducative n'est guère préparée au monde contemporain.

Notre école n'a pas fondamentalement changé depuis Jules Ferry. Elle continue de trier, cataloguer, sélectionner et former pour un monde industriel déclinant (en France du moins) : celui de catégories sociales immuables (employé ou indépendant, salarié ou patron, col blanc ou col bleu)...

Notre société est devenue insuffisamment compétente parce que faiblement ouverte sur le monde, ne parlant pas l'anglais (4 % des cadres ont un niveau international d'anglais) elle s'estime protégée derrière des barrières (datant parfois de l'Ancien Régime) devenues pourtant de moins en moins opérantes : barrières linguistiques, culturelles, douanières, sociales, éducatives.. Alors que notre monde est devenu un gigantesque maelström social et professionnel complexe, hybride, changeant et instable avec ses 7,5 milliards d'acteurs.

Pour la vie professionnelle, tout se joue chez nous avant 20 ans.

En France, 10 % des entreprises ont des politiques ouvertes et libérées pour promouvoir les compétences, accompagner les salariés, considérer les sous-traitants, respecter les fournisseurs et les délais de paiement tout en valorisant les efforts collectifs et l'initiative individuelle. De plus, 5 % des salariés participent à une formation chaque mois alors que les objectifs en Europe sont de 15 %.

Le monde du travail est faiblement promotionnel en France. Les entreprises françaises, contraintes par la réglementation du travail, pratiquent la promotion à l'ancienneté, révère les statuts, la hiérarchie, empêchent l'information de circuler et la formation de se généraliser.
Elles sont faiblement formatrices et promotrices des nouvelles compétences indispensables au travail (les « soft skills » et la culture numérique).

La formation ne peut se déployer sans confiance, efforts partagés et reformulation d'un temps pour apprendre.

La formation et l'éducation sont des efforts (financiers, sociaux et éducatifs). Un adulte qui apprend doit y consacrer du temps (sur son temps libre). Il doit aussi anticiper et participer financièrement à ses apprentissages. Une entreprise formatrice doit être orientée vers le fait d'apprendre, un état d'esprit ou chacun devient un rouage éducatif et savant depuis le sous-traitant ou l'intérimaire jusqu'au top manager. C'est désormais toute l'entreprise qui peut et doit apprendre en donnant du sens et de la valeur aux apprentissages.

La future réforme de la formation de 2018 ne changera pas la donne si elle n'abandonne pas certains poncifs sociaux :
  • l'idée que seul l'enseignement initial, le système de diplomes et les statuts permettraient de promouvoir les gens durant leur vie professionnelle ;
  • l'idée que la formation professionnelle ne serait qu'une force d'appoint et de remédiation pour réparer les dégâts de l'école ;
  • l'idée que la formation serait une épargne personnelle, un stock d'heures, de jours ou d'euros que chacun accumule au fil du temps pour se former (exceptionnellement) une fois au cours d'une vie (progresser en 40 années d'un niveau de qualification selon le code du travail) ;
  • l'idée que l'ancienneté, les avantages sociaux et la qualification seraient des acquis immuables, dépendant du statut mais guère des capacités d'adaptation des gens, ni de leurs apprentissages tout au long de la vie ou des changements de l'environnement économique ou professionnel.

La formation ne pourra redémarrer en France sans ascension sociale.

Si la formation est à la fois l'objet d'un trompeur consensus social (il faut la développer, tout le monde le proclame) si elle demeure le réceptacle de nombre de discours politiques et désormais un excellent marronnier médiatique tous les quatre ans, c'est sans doute parce qu'elle a de nombreuses acquaintances avec la culture : plus on en parle, moins on apprend.

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