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20 / 09 / 2021 | 78 vues
Didier Cozin / Membre
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En matière de formation professionnelle comme en matière de santé, notre pays ne pratique pas la prévention

Le Point (du 2 septembre 2021) consacre un excellent dossier à l'éducation.

 

Dans ce dossier, Jean Michel Blanquer déclare : « Un euro dans l'éducation, c'est huit euros économisés en dépenses sociales ». Si l'on appliquait ce ratio aux formations longues destinées aux adultes les moins qualifiés, pour chaque milliard dépensé dans la remise à niveau des 2 millions de salariés illettrés (sans compter les non-salariés), des 16 % d'adultes rencontrant des difficultés avec l'informatique, notre pays ne serait peut-être plus le premier réalisateur de dépenses sociales dans le monde (15 % des dépenses sociales mondiales pour moins de 1 % de la population mondiale).


La France dépense 31 % de son PIB en dépenses sociales ; c'est presque trois fois plus qu'en 1960 et deux fois plus que la Suisse aujourd'hui.


Notre « modèle » social est non seulement dispendieux (le plus coûteux des pays de l'OCDE), peu efficace (en éducation comme en prévention, nous oscillons entre le passable et le faible) et non durable (tous les régimes sociaux vivent à crédit malgré des charges sociales et taxes parmi les plus élevées au monde).


Prévenir plutôt que guérir (ou indemniser)
 

En matière professionnelle comme en matière de santé, notre pays ne pratique pas la prévention. De nombreux secteurs ne se remettront sans doute pas de la double crise que nous vivons :

  1. crise sanitaire due au covid-19 qui transforme de nombreux secteurs, comme les transports (avion), le tourisme ou les services (ventes en ligne, commerce circulaire sans intermédiaire...) ;
  2. crises climatique et environnementale pour lesquelles nos productions seront fortement touchées : agriculture, élevage (intensif), automobile (fin du moteur à explosion), bâtiment (fin de la bétonisation et de l'artificialisation des sols...
     

Pour aborder ces nouveaux enjeux (au moins aussi importants que l'arrivée de l'industrie en Europe au XIXe siècle), il faut une population très éduquée, très informée et très habituée à changer, apprendre, désapprendre et réapprendre.
 

Toutes les réformes de la formation depuis 2004 ont échoué pour des raisons simples.

  • Leur faible dotation en moyens financiers : en mutualisant de faibles ressources (1,5 % du PIB, contre 31 % de dépenses sociales), la formation n'a jamais eu les moyens de ses petites ambitions (faire progresser chaque travailleur d'un niveau professionnel sur 42 ans de carrière).
  • Le saupoudrage des fonds : plutôt que de concentrer tous les moyens publics sur les seuls travailleurs non qualifiés (en emploi ou non, salariés ou non), on a préféré doter chaque travailleur d'un droit virtuel à la formation (avec le CPF une dotation moyenne de 30 € par an et par salarié pour une allocation virtuelle de 500 €/an).
  • L'incapacité d'utiliser le temps libéré par les 35 heures pour former les salariés en France.
  • La lourdeur et la complexité des procédures, des contrôles et des formalités administratives pour se former.


En 2019 les pouvoirs publics ont voulu (ou cru) faire simple avec le compte personnel de formation (CPF), sans intermédiaire et monétisé.


À entendre la ministre Muriel Pénicaud en 2019, tout semblait simple mais il n'en est rien.

  • Le CPF n'est pas financé, ni le stock d'heures (devenus euros) de formation des salariés depuis 2004 (environ 1 milliard d'heures de DIF, dont 50 % n'ont pas été reportées, 1 milliard d'heures de CPF depuis 2015, 10 milliards d'euros de droit créés chaque année (500 euros pour 20 millions de personnes).
  • Le CPF nécessite la création d'un espace sur « mon compte formation » (alors que chacun est assuré social sans création d'espace en ligne) et l'acceptation de 60 à 80 pages de conditions générales d'utilisation instables, illisibles et incompréhensibles pour le commun des travailleurs.
  • Le CPF est informulé et inaccessible pour les 6 millions de fonctionnaires et apparentés (qui ont pour la plupart dépassé le plafond de 150 heures depuis 2020).
  • Le CPF fait reposer le choix de la formation (sur 320 000 offres en ligne), le choix de l'organisme de formation, le choix des modalités et du prix sur le seul travailleur (oublions le fantasmatique et fantomatique CEP).
  • Le risque de formations détournées, escroquées ou plus fréquemment encore inadaptées est prévalent.


L'épisode du covid-19 a prouvé que c'est à l'État de trouver les ressources pour former les salariés non qualifiés (pas seulement ceux se trouvant au chômage).
 

Au cours de ces 18 derniers mois, le CPF a certes connu un certain développement (passer à un million de CPF par an n'est pas une performance quand on est reparti de zéro ou presque et que 50 % des CPF sont des permis de conduire ou des stages d'installation) mais nous sommes encore très loin du compte.
Le CPF tel il est financé permet à chaque travailleur d'espérer se former durant 20 heures entre une et deux fois au cours de sa vie professionnelle (42 ans de carrière actuellement).


Rien qu'en 2021, il faudra environ 2,5 milliards pour financer le CPF : pour 800 millions de cotisation et 90 millions prélevés par la CDC pour ses menus frais, le CPF serait ruiné si l'État ne mettait pas la main au pot (cette année et en 2022).

 

Pour l'avenir, le choix est simple : ce sera un quitte ou double éducatif pour notre pays :

  • se limiter à l'actuelle cotisation du 1% formation et voir 95 % des travailleurs français perdre années après années leurs compétences et leur employabilité ;
  • ou faire basculer les budgets publics et les cotisations pour la formation de tous les travailleurs à hauteur d'au moins 2,5 % du PIB (comme en Allemagne), soit environ 60 milliards d’euros par an.
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