Participatif
ACCÈS PUBLIC
23 / 11 / 2016 | 70 vues
Didier Porte / Membre
Articles : 265
Inscrit(e) le 10 / 02 / 2011

Licenciement économique : la Cour de cassation clarifie la notion de groupe

Par trois arrêts rendus le 16 novembre 2016, à la publicité maximale (PBRI), la Cour de cassation clarifie la notion de groupe qui est un critère pris en compte aussi bien pour l’appréciation de la cause économique que de l’obligation de reclassement.

Si traditionnellement, la Cour de cassation juge depuis 1995 que lorsque l’entreprise fait partie d’un groupe, la cause économique d’un licenciement s’apprécie au niveau du secteur d’activité du groupe dans lequel elle intervient, sans qu’il y ait lieu de réduire le groupe aux sociétés ou entreprises situées sur le territoire national (Cass. soc., 5 avril 1995, n° 93-42690 ; Cass. soc., 26 juin 2012, n° 11-13736 et Cass. soc., 12 juin 2001, n° 99-41571), elle n’avait jusqu’à ce jour jamais défini la notion de groupe servant de cadre à l’appréciation du motif économique du licenciement.

Pour la Cour de cassation, dans son arrêt du 16 novembre 2016 (n° 14-30063), il faut se référer au groupe tel qu’appréhendé par le législateur à l’article L 2331-1 du code du travail relatif au comité de groupe.

Comme le souligne la Cour de cassation dans sa note explicative, l’article L 2331-1 du code du travail emploie la notion d’entreprise dominante, plus large que celle de société mère, et vise pour déterminer un ensemble économique, d’une part les entreprises contrôlées, ce qui renvoie à des rapports de nature sociétaire du code de commerce et, d’autre part, des entreprises sous influence dominante, ce qui renvoie à des éléments sociétaires et économiques.

La Cour de cassation retient donc une approche capitalistique

Elle approuve une Cour d’appel qui a refusé de reconnaître l’existence d’un groupe car si l’entreprise appartenait à un réseau de distribution qui constituait un groupement de commerçants indépendants, se structurant autour d’une association des centres distributeurs Leclerc décidant de l’attribution de l’enseigne à ses adhérents et définissant les orientations globales du réseau, d’un groupement d’achat commun aux centres Leclerc et de coopératives régionales qui assurent des fonctions logistiques au bénéfice des commerçants adhérents, il n’existait pas de liens capitalistiques entre les sociétés ni de rapport de domination d’une entreprise sur les autres.

Pour ce qui est de la notion de groupe permettant d’apprécier la pertinence des mesures du PSE au regard des moyens financiers du groupe, la Cour de cassation précise que la définition du groupe est la même que celle adoptée pour l’appréciation de la cause économique du licenciement (Cass. soc., 16 novembre 2016, n° 15-15190).

Désormais chargé du contrôle de proportionnalité, le Conseil d'État suivra-t-il ce même raisonnement ?

Dans un autre arrêt, daté du même jour (n° 15-19927), la Cour de cassation reprend sa définition du groupe pour l’appréciation de l’obligation de reclassement qu’elle avait consacrée en 1995. L’existence d’un groupe ne s’apprécie pas par référence aux critères du droit commercial.

Lorsque la société fait partie d’un groupe, l’obligation de reclassement doit s’apprécier auprès des autres sociétés du groupe dont les activités, l’organisation ou le lieu de travail ou d’exploitation permettent la permutation de tout ou une partie du personnel (Cass. soc., 5 avril 1995, n° 93-42690 ; Cass. soc., 9 décembre 2015, n° 14-21672 ; CE, 9 mars 2016, n° 384175).

Comme elle le relève dans sa note explicative, la seule détention d’une partie du capital de la société par d’autres sociétés n’implique pas en soi la possibilité d’effectuer entre elles la permutation de tout ou une partie du personnel et ne caractérise pas l’existence d’un groupe auquel le reclassement doit s’effectuer (Cass. soc., 1 avril 2014, n° 13-16710).

Réciproquement, l’indépendance juridique des entreprises n’est pas de nature à faire obstacle à la reconnaissance d’un groupe de reclassement (Cass. soc., 19 février 2014, n° 12-22709).

Le principal apport de l’arrêt n° 15-19927 concerne la charge de la preuve du périmètre de l’obligation de reclassement.

Dans sa note explicative, la Cour de cassation indique que si la preuve de l’obligation de reclassement incombe à l’employeur, s’agissant d’une obligation de moyens renforcée, et qu’elle s’étend au groupe quand l’entreprise fait partie d’un groupe, il appartient au juge, en cas de contestation sur la consistance ou le périmètre du groupe de reclassement, de former sa conviction au vu de l’ensemble des éléments qui lui sont soumis par les parties.

À noter que la décision de la Cour de cassation intervient dans un contexte quelque peu mouvementé.

En effet, lors de l’adoption de la loi sur le travail, le gouvernement avait envisagé, avant de reculer, de limiter le périmètre d’appréciation du motif économique au niveau national.

On comprend dès lors toute l’importance qu’il convient de conférer à ces trois décisions rendues par la chambre sociale de la Cour de cassation.

Pas encore de commentaires