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24 / 09 / 2014 | 18 vues
Denis Garnier / Membre
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Des réunions pour fuir le travail réel

Faut-il supprimer toutes les réunions ? 

La « réunionite aiguë » selon une expression désormais consacrée, est certainement l'un des maux du travail des plus dévastateurs. Si presque partout l’expression « dialogue social » est claironnée (dia, « à travers » et logue, de logos, « langage », soit « à travers le langage ») c’est qu’effectivement, on ne dialogue plus : on se réunit. Quant au terme « social », c’est un peu comme un camion-poubelle dans lequel on entasse tout et n’importe quoi pour le compresser par la suite ou le réduire en cendres. Plus on éructe les mots « dialogue social » moins on se comprend.

Pourquoi la France n’adopte-t-elle pas le modèle d’organisation apprenante qui donne de formidables résultats en matière de bien-être au travail dans les pays du nord de l’Europe, avec une très bonne santé économique ? Parce qu’en France, la majorité ambiante du patronat pense que seul le pouvoir peut diriger l’entreprise ou le service. Le jour où la parole de ceux qui sont au plus près du travail sera entendue par ceux qui organisent le travail, alors oui on pourra parler de dialogue social.

Mais en attendant ce jour et comme il n’existe quasiment plus de dialogue bidirectionnel entre les différents acteurs, entre ceux qui produisent et ceux qui organisent, la nouvelle organisation du travail conduit à formater dans des réunions tous les débats entre le bonjour du matin et le bye-bye du soir (lorsque ce minimum d’humanité existe encore).

Alors, puisque réunion il doit y avoir, il convient de prévoir des dizaines de salles qui ne sont jamais libres et dans lesquelles il faut, selon le nombre de « réunionneurs », l’eau, les verres, le tableau blanc, le vidéo-projecteur, la multiprise et si la convivialité est invitée, les petits croissants qui accompagnent le bon café que la cuisine a préparé pour l’occasion et qui est acheminé par un chauffeur depuis les cuisines centrales qui sont à l’autre bout de la ville et tout ceci organisé et planifié par un, voire deux salariés à temps plein.

Se réunir dans quel but ?

Il est inutile de reprendre tous les objets de toutes les réunions de tous les services de tout l’établissement. Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’en regardant l’évolution générale de l’hôpital, par exemple, on peut constater que plus il y a de réunions, moins ça marche ! Les anges du pays des « bisounours » diront bien entendu qu’il n’y aucun rapport, bien sûr. Si l’hôpital ne marche pas, « c’est la faute de… », « il n'y a qu’a / il faut qu’on… » et si vous voulez, on peut même se réunir pour en parler.

En fait, à force de réunions, on pourrait même convaincre les plaignants du mal-être au travail de se former pour comprendre enfin combien il est important pour eux de se conformer aux contraintes actuelles du travail pour retrouver un esprit constructif, seul capable d’embrasser le bonheur et le bien-être au travail.

Pour ces génies de la psychiatrisation du travail, l’homme doit s’adapter au travail.

Pour quel résultat ?

L'exemple des cadres de proximité

Le boulot essentiel d’un cadre normal, c'est-à-dire d’un salarié qui veut diriger d’autres salariés avec ménagement, c’est d’animer une équipe, de rester attentif à toutes les situations qui peuvent poser problème, de veiller au bon accueil des patients et de leurs familles pour que les meilleurs soins soient dispensés dans un cadre agréable, détendu et souriant.

Pour que cela soit possible il lui suffit simplement d’être présent auprès du vrai travail. Celui qui est fourni par l’équipe qu’il anime et qu’il dirige avec ménagement.

Or, qu’en est-il ? En quelques années (30 ans), les réformes successives ont transformé le surveillant de service (présent dans le service et porteur de la parole de son équipe) en cadre de proximité (le plus souvent absent et ne faisant que descendre les ordres). Ce dernier est happé par des tâches accessoires au cœur de son métier qui l'éloignent de sont vrai travail. Le cadre de proximité n'est plus là ou il devrait être.

Ceci conduit au blocage du travail par lequel chacun doit se débrouiller pour faire au mieux. Comme ça bloque, la meilleure des solutions est de se réunir pour voir où ça bloque !

Lorsque l’on s’aperçoit que c’est au niveau de la présence du cadre dans le service que ça bloque, on va se réunir pour savoir comment on pourrait faire pour débloquer etc. On marche sur la tête...

Que faut-il en penser ?

Si les « réunionneurs-chefs » (essentiellement les directeurs) apprenaient l’écoute de ceux qui travaillent, (organisation apprenante), ils permettraient de donner davantage de temps au vrai travail pour se réaliser. Ils permettraient aux cadres de remplir leurs missions en les libérant de la « réunionite aigüe » et assurer leur présence au cœur du travail.

En fait, la « réunionite aiguë » sert le plus souvent à donner de l’importance à ce qui n’en a pas ou bien, à combler l’impossibilité que rencontrent les salariés de faire entendre leurs demandes pour effectuer un travail de qualité.

Si vous n’êtes pas d’accord avec cela, on peut toujours se réunir pour en discuter...

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