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28 / 03 / 2011 | 25 vues
Trouillet Michel / Membre
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Les revers du syndicat SEIU face à Sodexo

Le combat qui oppose le syndicat américain Service Employees InternationaI Union (SEIU) au géant français des services Sodexo continue à faire rage. Mais alors que l’avantage semblait acquis à SEIU plusieurs éléments semblent indiquer que la tendance est en train de s’inverser.

Pour rappeler le contexte, SEIU souhaite s’imposer comme le seul syndicat représentant les 80 000 employés américains de Sodexo et ainsi bénéficier de leurs cotisations. Sodexo souhaitant préserver une certaine diversité dans la représentation syndicale, SEIU a alors entamé une « corporate campaign », véritable campagne de dénigrement et de diffamation pour jeter l’opprobre sur Sodexo et forcer ainsi le français à accepter ses revendications.

Habile, SEIU a réussi à focaliser l’attention sur le groupe en tout en organisant plusieurs attaques de la part de ses alliés ; syndicats et organisations étudiantes.

En accusant Sodexo de pratiques anti-syndicales, de racisme et d’exploitation de son personnel, SEIU a peu à peu réussi à éroder l’image du géant français qui dispose néanmoins de nombreux trophées sociétaux. Sodexo se retrouve aujourd’hui dépeint sous des traits peu flatteurs.

Aujourd’hui pourtant, les manipulations de SEIU semblent éclater au grand jour les unes après les autres, et plusieurs relais de son combat se désolidarisent de son action diffamatoire. La riposte de Sodexo est fracassante dans ce conflit qui n’a plus rien de syndical et SEIU risque bien de se retrouver être l’objet de toutes les attentions, et reconnu coupable de plusieurs délits criminels.

L’investissement socialement responsable reconnaît Sodexo comme victime

L’investissement socialement responsable (ISR) est un investissement effectué selon des critères sociaux, éthiques ou encore environnementaux. Sodexo a toujours mis en avant sa présence dans des indices ISR. Le groupe est très bien noté par le Dow Jones Sustainability Index. Il est également présent dans l’indice Covalence qui classe les entreprises éthiques. Il est en outre dans l’indice Ethibel Excellence. Le groupe dispose de nombreuses distinctions : entreprise la plus éthique selon Ethisphere, second du classement des entreprises en termes de diversité et d’inclusion, prix du Working Mother Magazine… En ne cessant de clamer que ces distinctions sont usurpées, SEIU a donc choisi d’attaquer Sodexo sur un de ses points forts.

Dans un premier temps, les acteurs de l’ISR, Vigéo et Novethic en tête, se sont laissé abuser par les affirmations de SEIU. Ils ont d’abord cru les allégations du syndicat américain, largement relayé ces accusations et agit en conséquence à l’encontre de Sodexo.

En mars 2010 Vigéo, agence de notation européenne mesurant le respect des Droits de l’Homme dans l’entreprise a annoncé qu’elle dégradait la notation de Sodexo. Vigéo explique ce déclassement par les opinions tenues par les syndicats internationaux, à savoir que Sodexo ne respecte pas les droits de ses salariés à se syndiquer, argument largement répandu par SEIU. Cette dégradation de la note de Sodexo par Vigéo a été médiatisée par l’agence de communication Ketchum, engagée par SEIU pour appuyer son combat. Un communiqué de presse émis à ce propos indique clairement que l’action de Vigéo est due à l’intersyndicale organisée par SEIU, Clean Up Sodexo, venue dénoncer les pratiques anti-syndicales de Sodexo lors de l’assemblée générale des actionnaires en janvier 2010. Ceci montre clairement la réussite de la tactique de SEIU à l’encontre de Sodexo, réussissant à convaincre les investisseurs de se désolidariser du groupe.

Novethic, important acteur du monde de l’ISR propose des labels aux fonds d’investissement intégrant des valeurs aux critères ISR reconnus. Tout comme Vigéo, Novethic a, dans un premier temps, relayé l’accusation de SEIU. En janvier 2010, un article de Novethic.fr, le media de Novethic, est longuement revenu sur l’intersyndicale menée par SEIU, venue accuser le groupe lors de son assemblée générale de pratiques anti-syndicales et autres discriminations contre ses employés. Novethic a ainsi également fait le jeu de SEIU, ne laissant que peu de place au droit de réponse de Sodexo et ne cherchant pas, tout comme Vigéo, à approfondir les causes réelles de cette agitation syndicale. Pourtant, Novethic a accordé son label au fond Fédéris ISR Euro, intégrant en juillet 2010, la valeur Sodexo sans son portefeuille, exemple preuve de la confiance que Novethic accordait précédemment à Sodexo.

Quoi qu’il en soit, il semble que Novethic ait désormais compris et intégré la portée de la communication de SEIU dans son approche de Sodexo. Un nouvel article de mars 2011 consacré à l’affaire mentionne ainsi clairement la « campagne de destabilisation ». Novethic reconnaît même le pouvoir de nuisance du syndicat américain en imputant directement la perte d’une partie du marché des bases de la marine militaire américaine à SEIU. Après avoir suivi les accusations du syndicat américain, SEIU reconnaît maintenant le harcèlement auquel il se livre contre l’entreprise française. L’analyse de Novethic reconnaît d’ailleurs que les accusations de SEIU, relayée dans un rapport de TransAfrica Forum sont très partiales. Novethic fait le lien entre Danny Glover, président de TransAfrica Forum, et son arrestation par la police alors qu’il prenait le parti de SEIU, afin de relativiser le sérieux des critiques à l’encontre de Sodexo. Enfin, Novethic se désolidarise des propos de SEIU en mettant le syndicat américain face à ses velléités nombreuses et répétées envers les autres syndicats.

  • Un probable relèvement de la notation de Sodexo par Vigéo devrait confirmer la désolidarisation générale du monde de l’ISR et restaurer l’image d’objectivité et d’indépendance des acteurs de la notation extra-financière.

Les arguments de SEIU sont frappés du sceau de la fraude

 

  • Un des arguments « massue » de SEIU est en train de se retourner contre le syndicat américain et devrait grandement nuire à sa crédibilité. Le rapport de l’organisation de défense des Droits de l’Homme, TransAfrica Forum, paraît en effet n'être qu'une vulgaire copie d’un rapport de SEIU lui-même, déguisé en production indépendante de TransAfrica Forum.

 

Danny Glover, fidèle soutien de SEIU et président de TransAfrica Forum n’était initialement pas le garant idéal de l’indépendance de ce rapport, et ses liens avec SEIU ont plusieurs fois été illustrés. Mais ses propos introductifs célébrant le titanesque travail réalisés par TransAfrica Forum sonnent désormais bien faux et apparaissent comme mensongers.

Alors que SEIU montrait ce rapport comme la preuve des actes anti-syndicaux de Sodexo et avait adroitement manœuvré pour utiliser cette publication comme soutien de son action, le syndicat américain se retrouve aujourd’hui accusé d’avoir lui-même rédigé ce rapport et de l’avoir téléguidé chez TransAfrica Forum, afin de créer l’illusion d’un tir multiple contre le français. Hélas pour le syndicat, il ne s’agit même pas d’une reformulation de ses phrases mais d’un copier-coller pur et simple de son propre rapport : Out Loud.

En France et aux États-Unis, des voix scandalisées s’élèvent et s’amusent à comparer les deux rapports tant il est vrai que les similitudes sont flagrantes :

 

  • La composition des rapports est similaire (dans des ordres différents il faut le reconnaître) :

TransAfrica Forum

SEIU

Disregard for Human Rights and Dignity of Workers

Sodexo Disrespects Poor Workers

Payment of Poverty Wages All Over the World

Sodexo Pays Poverty Wages All Over the World

Concerns That Sodexo Workers Are Not Always Paid for All the Hours They Work

Sodexo Workers Are Not Always Paid for All the Hours They Work

Sodexo Interferes with Workers’ Right to Freedom of Association

Sodexo Has Interfered With Workers’ Right to Freedom of Association

A Global Path Forward for Sodexo

Conclusion: A Global Path Forward for Sodexo

  • Les phrases elles-mêmes sont identiques. Ici, l’exemple des méthodologies :
TransAfrica Forum : Guinea: A total of 25 interviews were conducted with Sodexo workers, Rio Tinto workers, Sodexo day labourers, and a union representative in the villages around the Simandou mine. Interviews were conducted by two researchers, a British freelance journalist based in Dakar, Senegal and a Guinean researcher and interpreter based in Beyla, Guinea. The identities of the workers have been kept confidential.

SEIU : Guinea: A total of 25 interviews were conducted with Sodexo workers, Rio Tinto workers, Sodexo daylabourers, and a union representative in the villages around the Simandou mine in July and August 2010. Interviews were conducted by two researchers, a British freelance journalist based in Dakar, Senegal,and a Guinean researcher and interpreter based in Beyla, Guinea. The identities of the workers havebeen kept confidential.

  • Enfin, la manière dont sont présentées les sources ne laisse plus de place au doute :

TransAfrica Forum : Interview conducted on behalf of TransAfrica Forum with Sodexo workers at Simandou mine 8/4/2010

SEIU : Interview conducted on behalf of SEIU with Sodexo workers at Simandou mine (Interview n. 5), contained in file Sodexo Simandou Interviews 8/4/2010, p. 4 .

Pour le moment, cette fraude reste relativement confidentielle mais la position de ces acteurs de la campagne de déstabilisation de Sodexo va devenir de plus en plus difficile à défendre. Quelle que soit la manière dont SEIU, TransAfrica Forum et Danny Glover s’expliqueront, leur crédibilité est mise à mal et les rôles ne peuvent que s’inverser, jetant un grand doute sur ces accusations envers Sodexo.

Sodexo montre ses muscles : SEIU face à la Justice

Parallèlement à ces déconvenues, SEIU fait l’objet d’une violente contre-attaque de la part de Sodexo. Lassé des attaques incessantes du syndicat, le groupe français à dégainé la procédure RICO pour tenter de mettre un terme définitif au pouvoir de nuisance du syndicat. Alors qu’une issue aurait peut-être pu calmer les ardeurs belliqueuses de SEIU, par le biais de l’accord de l’UITA, l’accord a été torpillé, encore une fois par la faute du syndicat américain

Sodexo a donc choisi l’arbitrage judiciaire pour faire définitivement reconnaître son statut de victime.

  • À la base, la procédure RICO (Racketeer Influenced and Corrupt Organisation) devait permettre aux entreprises américaines de se débarrasser des organisations mafieuses.

Outre la diffamation et le dénigrement, Sodexo estime faire l’objet de chantage et d’extorsion. Le résultat mitigé de l’attribution du contrat de restauration des bases des marines américains est également un indice montrant que le climat commercial dans lequel Sodexo évolue depuis le début de la corporate campaign ne le laisse plus indifférent. Si SEIU clame bien évidemment que cette procédure judiciaire n’a d’autre but que de la faire définitivement taire, il n’empêche que la procédure RICO n’est pas une décision que l’on prend à la légère.

D’autant plus que SEIU risque bien de voir son image affectée par une autre procédure. Le 22 mars paraissait en effet une information indiquant que le membre du Congrès américain Jason Chaffetz avait envoyé une lettre à l’attorney général Eric Holder, demandant au Département de la Justice de mener une enquête sur une possible tentative d’acte de terrorisme économique de la part d’un ancien membre du syndicat américain.

Selon les informations de businessinsider.com, cet acte visait à faire dévisser le cours de l’action de JP Morgan, de détruire le marché financier américain afin de mettre en place un vaste plan de redistribution des richesses. Il semblerait que cet ancien membre de SEIU, Stephan Lerner, ait communiqué son plan lors d’un forum à la Pace University. Les vidéos de cet individu ainsi que les transcriptions de son intervention sont disponibles sur le site theblaze.com.

  • Pour résumer, Lerner appelle tous les débiteurs des banques à ne plus honorer leurs engagements afin de forcer les banques à renégocier les termes des dettes et autres emprunts.

En réalité, Stephen Lerner s’est fait éconduire de SEIU et apparaît comme une victime collatérale d’un débat interne au syndicat américain.

  • Les composantes locales de SEIU s’opposaient en effet sur la pertinence des campagnes à plusieurs millions de dollars dont le but est de « recruter » les travailleurs sous-qualifiés mais également d’« attaquer les banques ».

Certains à SEIU auraient également craint que les plans de Lerner ne discréditent le syndicat sur le plan de la réforme financière.

Cette dernière affaire risque d’être extrêmement médiatisée. Quoi qu’il en soit, elle ne servira pas l’image du syndicat dans son opposition contre Sodexo. Au contraire, elle éloigne encore davantage SEIU de son image de syndicat. SEIU risque plutôt d’apparaître comme une organisation terroriste recherchant à tout prix la chute de ses opposants. Ceci ne devrait pas favoriser le relais de ses accusations par ses alliés.

Les acteurs de l’ISR retrouvant une certaine objectivité d’analyse, les arguments phares du syndicats isolés et décrédibilisés, il sera intéressant de suivre les développements d’un sujet qui ne fait que gagner en intensité. Il faudra prêter une attention toute particulière aux mouvements étudiants, traditionnels relais de parole de SEIU. L’organisation USAS, qui reproduit déjà la tactique de SEIU au niveau universitaire, devrait continuer une campagne parallèle contre Sodexo. Elle devra cependant essayer de se construire une tactique ne rappelant pas celle de SEIU avec des arguments crédibles. Elle devra surtout réfléchir, comme tous ceux qui marchent dans les pas du syndicat américain, si le combat contre Sodexo est justifié.

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