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26 / 01 / 2011 | 6 vues
Trouillet Michel / Membre
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Les dessous de la nouvelle offensive de SEIU contre Sodexo

Le syndicat américain SEIU poursuit sa campagne de communication et de déstabilisation contre Sodexo. Les récentes attaques dont le groupe est victime sont cependant plus subtiles et vont au-delà de la « corporate campaign », initiée par SEIU. L’assemblée générale des actionnaires de Sodexo est une bonne occasion de constater le travail efectué par SEIU. La diversification des acteurs impliqués et leur internationalisation relèvent néanmoins des actions du syndicat qui est toujours aux commandes même si son nom est moins mis en avant. C’est véritablement une nouvelle phase de l’action de SEIU contre Sodexo.

 

Constitution d’une alliance intersyndicale

Il est important de souligner le rôle joué par le monde syndical. D’un point de vue syndical, SEIU a réussi à créer une dynamique avec des partenaires sociaux de plusieurs pays qui participent activement à sa lutte d’influence. Si SEIU fait évidemment partie de l’intersyndicale qui a lancé une offensive à grand renfort de communiqués de presse à partir du 17 janvier 2011, d’autres partenaires sociaux viennent renforcer leurs rangs. Fentiahneta, syndicat de République dominicaine ; Sinaltrainal, de Colombie, ODT, du Maroc, et CUT, du Brésil. Ces groupes semblent nouveaux dans le conflit contre Sodexo et n’apparaissent pas comme moteurs de cette campagne.

L’effet d’entrainement initié par SEIU est tout à fait logique et suit la tactique initiée par son ancien président Andy Stern. Son appétit pour la domination syndicale l’a conduit à affronter de nombreux syndicats américains (Unite Here, syndicat majoritaire à Sodexo et point de départ de l’actuelle campagne contre Sodexo ; California Nurse Association etc.). Ce comportement belliqueux avait d’ailleurs été la cible de critiques de la part du milieu syndical.

Cette campagne de déstabilisation, sans réel succès aux États-Unis, devait s’internationaliser pour survivre. Il s’agit désormais d’une globalisation qui va au-delà du monde syndical américain et qui avait d’ailleurs été annoncée par Stern lui-même. Le syndicat ne cache pas sa volonté de nouer de nouveaux partenariats avec d’autres entités sociales sous prétexte de lutter, au niveau mondial contre les effets de la mondialisation. Ainsi, en décembre 2010, le syndicat se targue d’avoir rencontré des syndicats français, anglais et brésiliens (Contraf, notamment affilié à CUT, membre de l’intersyndicale dénonçant Sodexo).

  • À noter cependant que derrière cette perception d’une levée massive et spontanée des syndicats, tous ne suivent pas SEIU, à commencer par Unite Here, qui n’intervient pas dans le débat, ou encore Force Ouvrière, dont le secrétaire général Philippe Besson se désolidarise de SEIU et s’interroge : « comment un syndicat peut-il ainsi faire pression sur une entreprise, alors que c’est toute la branche d’activité de la restauration collective qui subit ces conditions sociales. Pourquoi Sodexo, sous prétexte que c’est une entreprise française, devrait-elle appliquer ce que ce même syndicat américain n’exige pas d’Aramark, société américaine. […] Jai vraiment le sentiment (et ce n’est pas pour défendre Sodexo, dont on connait par ailleurs les travers) que dans cette affaire, on tape sur le moins « méchant ». »

L’intersyndicale qui se dresse contre Sodexo est donc le fruit de nombreux contacts et tractations initiées par SEIU et de son orchestration soigneusement réalisée. La majorité des revendications de ces syndicats se retrouvent d’ailleurs dans un document dévoilé le 20 janvier 2011. Il s’agit du rapport d’un nouvel acteur dans cette campagne : TransAfrica Forum, Voices for Change. Ce rapport, assez léger dans son argumentation, est construit sur la base d’interviews avec des employés de Sodexo dans plusieurs pays où le groupe exerce ses activités (Colombie, République dominicaine, France et États-Unis), de responsables syndicalistes (Royaume-Uni, Turquie, Maroc et Pérou) et autres parties prenantes.

La partialité des rédacteurs de ce rapport est douteuse et l’ombre de SEIU se fait à nouveau présente puisque le président de TransAfrica Forum n’est autre que Danny Glover. L’acteur est très proche de SEIU, au point de médiatiser son engagement en faveur du syndicat. Son arrestation par la police aux États-Unis, vêtu d’un t-shirt de SEIU a largement bénéficié en termes de couverture médiatique à l’action de SEIU contre Sodexo. L’on constate ainsi que, grâce à TransAfrica Forum, SEIU a trouvé un moyen de ne plus apparaître en première ligne et, grâce à l’intersyndicale, de n’apparaître que parmi un groupe, même s’il tire toujours les ficelles.

La mobilisation des étudiants

Il convient de s’intéresser au milieu étudiant, relai privilégié (du fait de la sensibilisation des étudiants aux enjeux sociaux) de SEIU quant à sa campagne de déstabilisation.

  • SEIU ne réussissant pas à s’implanter dans Sodexo à la place de Unite Here, SEIU a choisi de fragiliser Sodexo en s’en prenant à ses clients et notamment aux universités américaines.

Pour cela, il peut compter sur le réseau des étudiants américains, population organisée, active et réceptive quant à la défense des Droits de l’Homme. Il est intéressant de noter que la plupart des universités prenant part aux critiques de Sodexo est proche de l’USAS (United Students against the Sweatshop Association), qui s’est montrée très active contre Nike dans les années 2000. USAS, en perte de vitesse après sa victoire contre l’équipementier sportif, a besoin de nouveaux combats pour continuer d’exister et de fédérer autour de lui. L’alliance USAS/SEIU est un choix réciproquement profitable aux deux organisations.

Par exemple, Jen Burt, étudiant de l’Université Clark, explique dans une interview, combien il est important que les étudiants soient attentifs aux droits des salariés : « Il est important que les étudiants marchent aux côtés des salarisé. Donc SEIU 615 est venu vers les étudiants et a dit que les salariés voulaient se syndiquer et qu’ils avaient besoin du soutien des étudiants ». SEIU met notamment à la disposition des étudiants un « Sodexo ActionToolkit », révélateur des attentes du syndicat envers les étudiants.

Il est intéressant de noter qu’une conférence sur le rapport de TransAfrica Forum a eu lieu le 14 janvier 2011 à l’université de Georgetown en présence du directeur exécutif de TransAfrica Forum, également auteur du rapport. L’organisation étudiante Georgetown Solidarity Commitee (CGS) est membre de l’USAS et participe donc à relayer les actions. En outre, une délégation de l’USAS (Ohio, Emory, Washington et Chicago) s’est rendue à Paris le 19 janvier pour appeler à l’intensification de la campagne contre Sodexo et demander aux clients du groupe (L’Oréal, Tour Eiffel et le conseil de Paris) de mettre fin aux contrats avec Sodexo, ce en quoi ils adoptent parfaitement le comportement de SEIU. En outre, et tout comme SEIU qui a convaincu plusieurs syndicats de rejoindre sa lutte, le collectif étudiant annonce la construction de partenariats avec des réseaux étudiants français (UNEF, FSE et UNL).

Ces différents acteurs ; syndicats, étudiants, TransAfrica Forum sont donc tous reliés au syndicat américain. L’enchaînement des événements au niveau mondial : manifestations en Colombie, au Brésil, en République Dominicaine, au Maroc et aux Etats Unis, la conférence téléphonique de Danny Glover à l'université du Vermont et la publication du rapport de TransAfrica démontrent ainsi la pleine puissance du syndicat américain, déterminé à obtenir ce qu’il souhaite : conquérir coûte que coûte la représentation des salariés du groupe et les cotisations élevées que celle-ci garantit.

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