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18 / 03 / 2022 | 56 vues
Alain ANDRE / Abonné
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Les syndicats de l’énergie et les représentants des salariés actionnaires décident de déposer plainte auprès de la Commission européenne

Les syndicats de l’énergie et les représentants des salariés actionnaires décident de déposer plainte auprès de la Commission européenne pour contester l’augmentation du plafond de l’ARENH à 150 TWh et les annonces de mise en œuvre de cette disposition à hauteur de 120 TWh.

 

Par la loi sur l'énergie et le climat du 8 novembre 2019, le Parlement a décidé de permettre au gouvernement d’augmenter le plafond de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) de 100 à 150 TWh. Cette décision n’a pas fait l’objet d’une notification préalable à la Commission européenne, comme l’exigent l’article 108 du TFUE (traité de fonctionnement de l’Union européenne) et la décision de la Commission européenne du 12 juin 2012 fixant ce plafond à 100 TWh.

 

Pourtant, il est de jurisprudence constante que tout projet de modification substantielle d’un régime d’aides doit faire l’objet d’une notification avant l’entrée en vigueur de la loi qui porte cette modification. Il s’agit donc d’une aide d’État illégale.

 

Le 13 janvier 2022, en application de ce texte législatif, le gouvernement a décidé la mise en œuvre de ce nouveau régime d’aides illégal au 1er avril, en annonçant que des actes réglementaires d’application allaient être pris pour augmenter le plafond de l’ARENH de 20 TWh. À ce jour, ces textes ne sont pas publiés.

 

L’augmentation en cours d’année du plafond de l’ARENH au bénéfice des fournisseurs dits alternatifs (mais « présentée » comme destinée à l’ensemble de tous les consommateurs, y compris industriels) serait intégralement financée par des ressources d’État. En l’espèce, les ressources de l’entreprise publique EDF majoritairement détenue par l’État.

 

Ce faisant, alors qu’elle préside actuellement l’Union européenne, la France s’enferrerait dans la violation des dispositions des traités et de la directive de 2019 sur les marchés de l’électricité et des lignes directrices de la Commission sur les aides liées à l’envolée du prix de l’électricité.

 

En effet, il ressort des diverses communications de la Commission sur le sujet et des lignes directrices révisées relatives aux aides d’État en faveur du climat, de la protection de l’environnement et de l’énergie (CEEAG) (1) que les mesures privilégiées par la Commission sont la réduction des taxes sur l’énergie et l’octroi non-discriminatoire de subventions ciblées aux entreprises qui souffrent le plus de la concurrence internationale.

 

Cela est confirmé par la dernière communication de la Commission (en date du 8 mars 2022), intitulée « Action européenne conjointe pour une énergie plus abordable, plus sûre et plus durable ».

 

Conformément à la directive de 2019, la communication rappelle que les mesures de soutien pour fixer les prix de détail de l’électricité doivent exclusivement concerner les consommateurs domestiques et les micro-entreprises. Or, l’augmentation en cours d’année du plafond de l’ARENH ne répond absolument pas à ces critères puisqu’elle est présentée par le gouvernement français comme devant bénéficier à tous les consommateurs, y compris l’ensemble des entreprises.

 

Aussi, au regard du droit communautaire, le gouvernement ne peut annoncer que cette augmentation du plafond garantirait un blocage des prix facturés aux entreprises à 4 % alors qu’elles ne sont pas couvertes par un tarif réglementé, d’autant plus qu’aucune disposition dans les projets gouvernementaux n’impose aux fournisseurs alternatifs de répercuter l’augmentation du plafond de l’ARENH sur l’ensemble des bénéficiaires potentiels et qu’aucune sanction effective n’est prévue en cas de non-respect de ces règles.

 

Mais à supposer que toutes les aides soient effectivement répercutées sur les entreprises, elles concerneraient alors l’intégralité de ces dernières, y compris celles qui n’en n’ont pas besoin. Cela représenterait des aides indues susceptibles de fausser la concurrence y compris intra-communautaire.

 

Cette situation n’est acceptable ni pour les salariés et actionnaires salariés d’EDF que nous représentons puisque l’entreprise serait ponctionnée de plusieurs milliards d’euros, ni pour la France dont le Président devrait se comporter de manière exemplaire s’agissant de la conformité de son action au droit de l’Union européenne.

 

Cette mesure risque d’ailleurs d’être un cadeau empoisonné pour les fournisseurs alternatifs et leurs clients si la Commission européenne considérait ces aides (après un examen que nous appelons de nos vœux) incompatibles avec le marché commun. En effet, ces opérateurs économiques seraient alors dans l’obligation de rembourser les subventions perçues. Pour autant, les syndicats et les actionnaires salariés sont évidemment conscients des difficultés auxquelles les ménages et les entreprises se heurtent face à la flambée des prix.

 

C’est pourquoi ils demandent une baisse de la TVA sur l’électricité, bien de première nécessité, et des aides ciblées aux industries dont les électro-intensives qui souffrent le plus de la situation. C’est vers ces solutions, totalement conformes au droit de l’Union européenne, qu’ils invitent le gouvernement à s’orienter.

 

Ainsi, nous appelons, par le biais d’une plainte qui sera déposée dans les prochains jours, la Commission européenne à :

  • ouvrir une procédure d’examen formelle à l’encontre du gouvernement français sur le régime d’aides illégalement mises en place et potentiellement incompatibles avec le marché commun que constitue le nouvel ARENH à 150 TWh, ceci étant conforté par les annonces gouvernementales de mettre cette disposition en œuvre à hauteur de 120 TWh ;
  • immédiatement demander à la France de suspendre ce régime d’aides jusqu’à ce qu’une décision soit prise sur sa conformité avec le droit des aides d’État, comme l’autorisent les règlements européens ;
  • dans l’hypothèse où le gouvernement persisterait dans sa volonté d'instaurer l’augmentation du plafond de l’ARENH, intervenir devant les juridictions françaises en soutien de la demande des syndicats et des actionnaires salariés, de suspension des actes réglementaires d’application du mécanisme, comme le permettent ces dernières lignes directrices sur l’application du droit des aides d’État par les juges nationaux ;
  • ouvrir une procédure en manquement contre la France pour violation de l’article 5 de la directive 2019/944 du 5 juin 2019, qui encadre les interventions publiques dans la fixation des prix pour la fourniture d'électricité aux clients résidentiels et aux microentreprises.

 

Enfin, contrairement à ce que le gouvernement a laissé entendre à certains journalistes, les recours contre l’augmentation du plafond de l’ARENH ne « prendraient pas des années » si les syndicats et les actionnaires salariés venaient à très rapidement demander des mesures provisoires prescrivant leur suspension après la publication des textes. C’est notamment pour cette raison que nous souhaitons qu’une alternative à ce projet soit rapidement trouvée.

 

(1) Climate, Environment and Energy Aid Guidelines.

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La campagne présidentielle bat son plein et la question de l’énergie n’a jamais été autant au centre des programmes des différents candidats.

 

Les propositions sont nombreuses quant à l’avenir de la filière nucléaire et celui d’EDF. Comme d’habitude en cette période, les intérêts politiciens sont emplis de démagogie et bien loin de l’intérêt général.

 

Notre fédération  depuis la décision prise par le gouvernement de relever le plafond de l’ARENH pressentait d’autres annonces, notamment celle concernant le retour du sinistre projet Hercule.

 

Nos craintes semblent fondées, le candidat MACRON a annoncé : « Nous aurons à reprendre le contrôle capitalistique de plusieurs acteurs industriels» avant de préciser que : «Sur une partie des activités les plus régaliennes, l’État doit reprendre du capital, ce qui va avec une réforme plus large du premier électricien français».

 

Même si EDF n’est pas cité, le projet consiste à renationaliser une partie d’EDF. Au menu : mettre le nucléaire de côté, séparer l’hydraulique d’EDF et faire entrer des capitaux privés dans tout le reste y compris chez Enedis. C’est donc le retour du projet Hercule que le personnel, mais aussi nombre d’élus ont rejeté!

 

Notre organisation syndicale  a contesté depuis l’origine l’ouverture du capital d’EDF en 2005 et revendique la nationalisation, mais de l’ensemble du groupe EDF et pas seulement d’une partie de celui-ci ! Cette nationalisation ne doit pas être une étatisation et doit être assortie d’un vrai contrat de service public sur lequel le Parlement aurait son mot à dire afin de clarifier une fois pour toutes ce que l’État attend d’EDF. Elle doit en même temps, et cela est évidemment essentiel, s’accompagner d’une fin de la concurrence dans l’électricité qui est une absurdité.

 

Nous avons  combattu avec succès le projet Hercule, nous combattrons avec la même détermination tout projet visant à démanteler le Groupe EDF.

La nationalisation de l’ensemble du Groupe EDF est la seule solution acceptable en lui donnant un statut d’EPIC lui permettant de faire face aux investissements colossaux que nécessite la décarbonation de l’énergie pour lutter contre le réchauffement climatique.

 

La nation a besoin d’un outil Énergie pour investir dans les ENR, la filière hydrogène et le renouvellement des sources décarbonées.

 

L’indépendance énergétique de la France, la sécurité d’approvisionnement en électricité pour l’ensemble du pays et de nos concitoyens, la péréquation tarifaire pour l’électricité ne sont pas des concepts, mais sont des valeurs républicaines d’égalité, de solidarité et d’unité nationale

 

Nous venons d’apprendre que le recours des fédérations syndicales des IEG et des administrateurs salariés d’EDF demandant la suspension des textes augmentant le plafond de l’ARENH de 20 TWh sera examiné par le Conseil d’État le 29 avril. 

L’ordonnance de référé, c’est-à-dire la décision de justice, devrait, en principe, être rendue dans les deux ou trois semaines suivantes.