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31 / 01 / 2020 | 335 vues
Jacky Lesueur / Abonné
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Handicap & accessibilité : « Même si certains acteurs font des efforts, notre constat est accablant » - Alain Rochon, président de APF France Handicap

Entretien avec Alain Rochon, président d'APF France Handicap.
 

À quelques jours du 11 février, date de la conférence nationale du handicap (CNH) et des quinze ans de la loi sur le handicap, quelles sont les attentes de votre association ?

 

Plus que des paroles, des actes ! Nous attendons de la part du Président de la République et du gouvernement des engagements forts et l’annonce de mesures concrètes pour rapidement et durablement améliorer le quotidien des handicapés et de leurs proches.
 

Que ce soit en matière d’accessibilité, de compensation et de ressources, les droits fondamentaux de ces gens ne sont toujours pas respectés, voire sont remis en cause.
 

Pouvoir se déplacer librement, pouvoir se loger, pouvoir être autonome et financer son autonomie, pouvoir vivre dignement et bénéficier de ses propres ressources sont autant d’attentes qui n’ont rien d’extraordinaire. Il ne faut pas oublier que notre pays compte 12 millions de personnes concernées par le handicap. La politique française du handicap doit donc être à la hauteur.
 

Entrons dans le détail. Vous parlez d’accessibilité. Considérez-vous que la France a progressé ces dernières années ?

 

Même si certains acteurs font des efforts, notre constat est accablant. Malgré trois lois en matière d’accessibilité depuis 1975, la France accuse un retard énorme dans ce domaine. Les reports s’accumulent et les dérogations et autres souplesses législatives pénalisent quotidiennement l’ensemble de la population française.
 

Pourtant, l’accessibilité concerne l’ensemble de la population, que l’on soit handicapé ou pas. C’est d’ailleurs ce qu’objective la consultation que nous avons menée avec l’IFOP cet automne et dont nous venons de rendre les résultats publics : 9 personnes sur 10 éprouvent des difficultés d’accessibilité lors de leurs déplacements.
 

Incitations financières, sanctions et sensibilisation sont nécessaires pour faire bouger l’ensemble des acteurs publics et privés.
 

Nous espérons vivement que le Président de la République se prononcera dans ce sens et que les candidats aux municipales suivront. D’autant qu’en 2024 la France accueillera les jeux olympiques et paralympiques : quelle image donnera notre pays s’il reste aussi inaccessible ?
 

En matière de ressources, l’allocation aux adultes handicapés (AAH) a été augmentée à 900 euros. Que demandez-vous de plus ?

 

Certes, mais cette augmentation reste sous le seuil de pauvreté.
 

Certains bénéficiaires de l’AAH ne bénéficient pas réellement de cette revalorisation, notamment ceux vivant en couple. Sans compter la suppression du complément de ressources (179 € par mois) pour les nouveaux bénéficiaires de l’AAH depuis le 1er janvier 2019. En outre, la prise en compte des ressources du conjoint dans la base de calcul de l’AAH reste une injustice qui crée une dépendance inacceptable. Parallèlement, les titulaires de pensions d’invalidité sont pénalisés par une revalorisation inférieure à l’inflation en 2019, alors que certains d’entre eux disposent de pensions très faibles, très en dessous du seuil de pauvreté.
 

Par ailleurs, l’intention affichée par le gouvernement d’inclure l’AAH dans le périmètre du futur revenu universel d’activité (RUA) nous inquiète. Nous refusons cette fusion car l’AAH a une vocation spécifique différente des autres minima sociaux visant à garantir un revenu d’existence sans contrepartie aux handicapés. Nous revendiquons la création d’un revenu individuel d’existence spécifique pour les gens ne pouvant pas ou plus travailler en raison de leur handicap ou de leur maladie invalidante.
 

À la CNH, nous attendons du Président de la République qu’il annonce que l’AAH ne sera pas intégrée dans le périmètre du revenu universel d’activité et qu’un chantier est mis en place pour transformer l’AAH en revenu individuel d’existence, avant la fin du quinquennat. Nous appelons à une grande mobilisation le 5 mars pour le faire savoir.
 

En ce qui concerne la compensation, vous avez récemment souligné l’avancée que constituait la proposition de loi visant à améliorer la prestation de compensation du handicap (PCH) adoptée par l’Assemblée nationale tout en appelant à aller plus loin. C’est-à-dire ?

 

Cette proposition de loi contient des dispositions importantes : la suppression de la barrière d’âge de 75 ans ; la possibilité de l’octroi d’une prestation sans limitation de durée ; des mesures sur les contrôles d’effectivité de la PCH ; des dispositions qui permettront enfin la parution du décret sur les fonds départementaux de compensation…
 

Toutefois, la PCH devant financer l’aide à l’autonomie (aides à domicile, aides techniques, adaptation du cadre de vie…) demeure largement insuffisante pour couvrir les dépenses réelles. Cela entraîne des restes à charges indécents qui peuvent occasionner des renoncements aux droits et elle ne couvre pas les activités domestiques et les activités pour l’exercice de la parentalité. Quant aux plans d’aide proposés par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), ils sont très souvent en deçà des besoins et/ou le plus souvent revus à la baisse.
 

Donc oui, il faut aller plus loin lors de la prochaine CNH : revalorisation des tarifs et des montants de la PCH, élargissement du périmètre de la prestation afin que toutes les aides y soient intégrées, suppression de la barrière d’âge de 60 ans, suppression des restes à charge et dotations budgétaires pérennes, suffisantes et adaptées.

Plus globalement, nous demandons la création du « risque autonomie » pour tous, en mobilisant des financements supplémentaires de solidarité nationale.

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La FNATH association des accidentés de la vie souhaite des annonces fortes du Président de la République sur les sujets suivants :

  • AAH hors du RUA : L’AAH n’est pas un minima social et ne relève pas de l’aide sociale. Elle doit donc être gérée et versée comme une prestation en espèce de sécurité sociale.
  • Des mesures spécifiques pour l’emploi des seniors en situation de handicap : La cessation progressive d’activité doit être rendue possible avant 60 ans. Les seniors rencontrent des difficultés d’accès à l’emploi qui sont démultipliées lorsqu’ils sont en situation de handicap. Le maintien dans l’emploi qui passe également par une lutte contre le licenciement systématique pour inaptitude doit être développé et mieux structuré pour bénéficier à tous les salariés concernés.
  • Des mesures de départ en retraite anticipée pour les personnes en situation de handicap : La FNATH demande la mise en place d’un boni incitatif au maintien dans l’emploi malgré la pénibilité à compter de la survenu du handicap sans attendre la mise en place de la réforme des retraites. L’âge moyen de survenu du handicap étant de 46 ans, très peu de personnes bénéficient du dispositif de départ en retraite anticipée.
  •  Le lancement du groupe de travail sur l’invalidité annoncé il y a plusieurs mois en lien avec la transformation de l’AAH et de son transfert au sein de la sécurité sociale dans le cadre d’une politique volontariste de prévention de la désinsertion professionnelle.
  • Mise en place d’une concertation sur l’indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles : les accidentés au travail doivent être indemnisés comme toutes les autres victimes d’un dommage corporel (accidentés de la route, victimes d’infractions pénales et d’actes de terrorisme, victimes de fautes médicales).
  • Une meilleure accessibilité sous toutes ses formes des entreprises et des lieux publics permettant aux personnes en situation de handicap d’exercer pleinement leur citoyenneté

Vous pouvez retrouver les propositions de la FNATH sur les questions d’emploi, de retraite, pénibilité et RUA