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25 / 11 / 2015 | 8 vues
Didier Porte / Membre
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Rupture de contrat : autonomie du régime indemnitaire de la prise d’acte par rapport au licenciement, une nouvelle étape

L’autorisation administrative de licenciement délivrée postérieurement à une prise d’acte est sans effet sur les indemnités dues au salarié protégé au titre de cette dernière.

Dans un arrêt publié, rendu le 12 novembre 2015 (n° 14-16369), la chambre sociale de la Cour de cassation s’est prononcée sur les effets d’une prise d’acte intervenue postérieurement à une demande d’autorisation de licenciement formulée auprès de l’administration. À noter que l’autorisation a été délivrée postérieurement à la rupture effective du contrat.

Les Hauts Magistrats opèrent une déconnexion entre le licenciement et la prise d’acte et jugent, pour la première fois, que le salarié protégé dont la prise d’acte est justifiée a droit à l’indemnité pour violation du statut protecteur, alors que le licenciement est autorisé par l’administration du travail.

En l’espèce, un directeur commercial employé d’une cidrerie, membre élu au comité d’entreprise, a été convoqué à un entretien préalable au licenciement le 28 avril 2009. L’employeur lui reprochait l’envoi d’une lettre anonyme dénigrant l’entreprise et les consultations réitérées pendant ses heures de travail de sites pornographiques. Il a saisi l’administration du travail le 13 mai 2009 d’une demande d’autorisation de licenciement accordée le 3 juillet 2009 se traduisant par un licenciement pour faute grave le 15 juillet 2009.

Cependant, le 30 juin 2009, le salarié, qui avait saisi le 12 juin 2009 la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de son employeur. Il invoquait la modification de son contrat de travail qui lui avait été imposée six mois auparavant et avait entraîné une réduction importante de sa rémunération.

Se posait alors la question de savoir quels effets produirait cette prise d’acte.

Les règles d’articulation des modes de rupture du contrat de travail ont conduit les juges du fond à déclarer non avenue la demande de résiliation judiciaire car la prise d’acte entraîne la rupture immédiate du contrat de travail. Ils en concluent de même pour le licenciement postérieurement autorisé. En outre, ils jugent la prise d’acte justifiée et devant produire les effets d’un licenciement nul, compte tenu des griefs invoqués.

Dans cette hypothèse, le salarié a donc droit aux indemnités de licenciement, à l’indemnité compensatrice de préavis, à l’indemnité compensatrice de congés payés et aux dommages et intérêts réparant l’intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement qui équivaut au minimum à six mois de salaire. De plus, s’il ne demande pas sa réintégration, il bénéficie d’une indemnité pour violation du statut protecteur correspondant aux salaires restant à courir jusqu’à la fin du mandat dans une limite de trente mois (Cass. soc., 15 avril 2015, n° 13-27211).

L’employeur invoquait alors dans son pourvoi la fraude du salarié qui, par son action en résiliation judiciaire et en justifiant la prise d’acte par des griefs n’ayant pas, selon lui, empêché la poursuite du contrat de travail, aurait eu pour seul but d’obstruer la procédure de licenciement.

La Cour de cassation rejette le pourvoi et confirme le raisonnement de la Cour d’appel. Elle décide que lorsqu’un salarié protégé prend acte de la rupture du contrat de travail, celle-ci produit les effets d’un licenciement nul pour violation du statut protecteur si les faits invoqués le justifiaient. Ceci, quand bien même l’administration du travail, saisie antérieurement à la prise d’acte du salarié, a autorisé le licenciement postérieurement à la prise d’acte.

La chambre sociale retient ensuite que la prise d’acte du salarié était en l’espèce justifiée par les mesures prises par l’employeur sans autorisation de l’inspection du travail. En effet, ce dernier avait pris l’initiative de redéfinir sa mission au sein de l’entreprise, induisant une modification de son contrat de travail, dès lors qu’elle emportait une réduction importante de sa rémunération (Cass. soc., 12 novembre 2015, n° 14-16369).

Il faut savoir que, dans ce type de situation, l’administration a l’obligation de se déclarer incompétente lorsqu’elle constate que le contrat a déjà été rompu au moment où elle se prononce sur la demande d’autorisation (CE, 17-1208, n° 310889). Si la rupture est postérieure au dépôt de la demande, la décision peut être annulée sur recours hiérarchique ou contentieux.

Cette décision peut également être rapprochée du cas jugé en 2014 par la Haute Cour concernant une prise d’acte postérieure à l’autorisation. Elle en reconnaît les effets, dès lors que la rupture est justifiée par les griefs invoqués à l’encontre de l’employeur (Cass. Soc., 12 mars 2014, n° 12-20108).

L’arrêt du 4 novembre dernier s’inscrit donc dans ce mouvement qui déconnecte le licenciement de la prise d’acte, ne lui conférant pas d’effet purgatoire sur cette dernière. La Cour donne de cette manière plein effet au régime indemnitaire de la prise d’acte.

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