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19 / 02 / 2013 | 7 vues
Benoît Coquille / Membre
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Quand la RSE se fond dans la stratégie

La MGEN a parrainé le CaféSocial (*) du 31 janvier 2013, qui proposait d’échanger sur les conditions d’une RSE qui s’imprime au cœur des stratégies et du travail quotidien des salariés et pas seulement sur de beaux rapports de développement durable. Depuis 2011, la MGEN a construit un référentiel RSE qui s’encapsule dans la stratégie de la mutuelle en mettant en perspective les enjeux liés aux métiers du groupe, les enjeux liés à son identité mutualiste et enfin ceux liés à son fonctionnement interne d’entreprise. Soixante indicateurs composent le référentiel.

« La RSE sert de boussole pour donner du sens à la stratégie » - Thierry Beaudet, MGEN

« Nous sommes dans une démarche d’infusion à tous les niveaux. Tous les salariés sont parties prenantes. C’est d’ailleurs bien pour cela que le référentiel a été présenté au comité d’entreprise. La démarche n’a pas été un bouleversement car nous portions déjà, sans le savoir, une bonne partie des leviers de la RSE qui sert de boussole pour donner du sens à la stratégie », explique Thierry Beaudet, président du groupe mutualiste qui emploie plus de 9 000 salariés. La démarche initiée dès 2009 se traduit notamment par une clarification du discours. Sur les rémunérations et l’égalité professionnelle par exemple, avec la création d’un comité éthique et rétribution, composé d’observateurs et d’experts externe. À l’avenir, les rémunérations des membres du bureau national ne feront plus référence à un nombre de plafond de la Sécurité sociale mais seront tout simplement exprimés en euros. Pas de tabou non plus sur les restructurations qui concernent les établissements de santé du groupe avec des mesures d’accompagnement très importantes. « La RSE n’empêche pas le PSE », admet Thierry Beaudet.

Diversité des approches


Au groupe Chèque-Déjeuner, une autre entreprise de l’économie sociale, la culture coopérative (qui irrigue au-delà de la maison mère) a facilité l’expression d’une démarche RSE qui s’est notamment traduite par une approche participative sur les quelques 600 salariés du pôle titre du groupe, le cœur de métier. Répartis en plusieurs groupes selon les niveaux hiérarchiques, 20 % de l’effectif cible ont exprimé pendant toute une journée leur perception du positionnement du groupe sur les indicateurs RSE pré-déterminés. C’est au travers de boîtiers de vote électronique que les salariés s’exprimaient le matin pour mieux en débattre dans l’après midi. « Il était essentiel de mesurer les différences de perceptions entre les cadres, les employés on encore les représentants des salariés. L’exercice a permis d’affiner notre démarche », explique Thomas Deysieux, chargé de mission RSE du groupe Chèque-Déjeuner. En juillet 2012, le pôle titre a été évalué sur la base de la norme ISO 26 000 par bureau Veritas, en obtenant la note moyenne de 3,5 sur 5. « L’intérêt de cette norme ne tient pas tant dans l’évaluation que dans le cadre global qu’elle donne et que l’on peut adapter en fonction de la stratégie et donc du contexte », ajoute Thomas Deysieux. C’est bien une évaluation qui est obtenue et non une certification.

  • Chez Chèque-Déjeuner, la décision a été prise de créer une direction RSE, directement rattachée au président, tandis que l’approche est inverse à la MGEN. « Il y a autant d’organisation du modèle RSE qu’il y a d’entreprises. Il n’y a surtout pas un bon modèle. La RSE est synonyme de diversité et c’est bien pour cela qu’elle n’est pas compatible avec la certification qu’induit une norme », explique François Fatoux, délégué général de l’ORSE, qui propose un site dédié au reporting RSE afin d’y voir plus clair sur les approches en France mais aussi et surtout à l’international.

Anticiper les contraintes


MGEN et groupe Chèque-Déjeuner, voilà dans tous les cas deux entreprises qui ont anticipé la contrainte d’un reporting RSE qui s’impose en France sur l’exercice 2012 aux entreprises non cotées de plus de 5 000 salariés dont le chiffre d’affaires dépasse le milliard d’euros. Toutes les données extra-financières, que doivent intégrer depuis 2001 les sociétés cotées (loi NRE du 15 mai 2001), s’imposent désormais progressivement à toutes les entreprises de plus de 500 salariés. Ces données intégrées dans le rapport de gestion devant par ailleurs être vérifiées par un tiers. Il aura fallu près de deux ans pour que cette extension du reporting RSE, actée en juillet 2002 dans la loi dite du Grenelle II, accouche d’un décret d’application en avril 2012... Preuve que la contrainte était perçue comme forte par certains qui se sont employés à adoucir le texte de loi initial.

  • La base de données unique que prévoit l’accord national interprofessionnel du 11 janvier mettra en perspective des données économiques, financières, sociales et environnementales pour que les partenaires sociaux discutent de performance globale. Une contrainte de plus pour les directions qui vont devoir ouvrir des négociations sur ce terrain.

« La finalité tient dans les méthodes qui permettent d’innover socialement et d’être créatif » - Anne-Marie Harster, MGEN

« La nature économique, financière, sociale et environnementale des indicateurs de cette base s’inscrit bien dans une logique de RSE. Ces indicateurs contribuent à décloisonner, comme par exemple en intégrant les informations de la sous-traitance, et constituent de véritables leviers d’action puisque il s’agit de projeter la photographie de l’existant à un, deux et trois ans. Le tout en sachant que la base pourra se décliner localement au niveau d’un établissement. Je suis persuadé que cela va mener à des engagements plus responsables et à de nouvelles pratiques syndicales et managériales », considère Patrick Pierron, secrétaire national de la CFDT en charge de la RSE et tête de file de la délégation « cédétiste » dans cette négociation interprofessionnelle.

Les syndicats peuvent tirer la RSE vers le haut, en veillant à ce que les discours soient en adéquation avec les actes. C’est l’avis de Martin Richer, consultant en RSE, qui conseille les syndicats en la matière. « Les directions se montrent très sensibles au risque de dégradation de leur réputation », lance-t-il tout en soulignant que les syndicats peuvent aussi contribuer à alerter leur direction sur les enjeux économiques de la RSE : « ll y a un effet viral dans le développement des appels d’offres qui intègrent des critères RSE. Une récente étude de l’INSEE révèle que parmi les 32 % des directions qui s’engagent en matière de RSE, 58 % l’ont fait pour se mettre en conformité avec les exigences de leurs clients et 44 % ont à leur tour exigé cela de leurs fournisseurs ». Les marges de manœuvres des syndicats sont sous-exploitées. « Je n’ai pas encore vu un CE donner un avis sur le rapport de gestion annuel de l’entreprise. C’est pourtant une attribution de l’instance », illustre François Fatoux.

Tout au long de ce débat sur les conditions nécessaires pour dépasser l’affichage de la RSE, la création de valeur a été sous-jacente. Anne-Marie Harster, en charge de la RSE au bureau national de la RSE synthétise les échanges : « la finalité tient dans les méthodes qui permettent d’innover socialement et d’être créatif ».

(*) CaféSocial > Rencontre périodique organisée par le MiroirSocial

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