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22 / 03 / 2011 | 18 vues
Jean-Claude Delgenes / Membre
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Pourquoi Technologia a adhéré à la FIRP ?

Le 10 décembre 2010, Stimulus, Ifas, Artélie, Psya, Capital santé et Iapr, les six cabinets créateurs quelques semaines auparavant de la Fédération des intervenants en risques psychosociaux (FIRP), présentaient les objectifs de leur fédération au cours d’une réunion organisée par la direction générale du Travail avec tous les experts en RPS.

Un club de « riches »

C’est Jacques Rondeleux, expert-comptable et dirigeant de l’Iapr, qui s’est chargé de cette présentation. J’ai ensuite pris la parole pour exprimer le sentiment de malaise que l’on pouvait ressentir devant une organisation qui apparaissait plus comme un club de quelques cabinets désireux de « capter un marché » que comme une fédération réelle des énergies visant à réglementer les bonnes pratiques dans un secteur essentiel de la vie économique et sociale.

Les représentants des cabinets présents dans la salle ce jour-là, et particulièrement les plus modestes d’entre eux, ont largement plébiscité ma déclaration. Pour autant, les développements ultérieurs de la FIRP m’ont depuis valu bon nombre de demandes de clarification sur le sujet de la part de ceux qui m’ont soutenu ce jour-là. Compte tenu de mon engagement initial, je les leur dois. Il est donc temps de revenir en toute transparence sur le sujet et d’expliquer pourquoi Technologia a adhéré à cette fédération que j’avais commencé par critiquer.

Pour bien comprendre ma démarche, revenons au 10 décembre dernier.

L’un des aspects les plus critiquables de la démarche des initiateurs de la FIRP était les critères retenus pour prétendre être membre de leur fédération ; notamment celui de présenter un chiffre d’affaire de 300 000 euros. Un club de « riches » en somme, qui excluait de facto des personnalités de qualité comme le Docteur Marie-Christine Soula, pionnière de la profession mais qui venait de quitter le cabinet Ifas pour créer sa propre structure.

Critères financiers contre critères d’expérience, de légitimité, de compétence ou de qualifications… Cette fédération excluait trop de monde, et pas simplement des cabinets « agréés CHSCT » tels qu'Émergence, Syndex ou Secafi Alpha, mais aussi beaucoup d’acteurs clefs de cette profession comme le Docteur Michel Debout, pourtant lui aussi une de ses figures marquantes.

Les statuts, les critères d’adhésion ou les modalités de gouvernance, tout était à revoir ! C’est ce que j’ai expressément demandé aux créateurs et en particulier à Patrick Légeron, directeur de Stimulus, et à Jacques Rondeleux l’actuel président de la FIRP. C’était la seule solution, à moins de prendre le risque de voir la création d’une fédération concurrente. J’y étais résolu.

Le risque d’une fédération concurrente

La DGT ne s’y est d’ailleurs pas trompé : par la voix d’Hervé Lanouzière, elle déclarait se réjouir de la création de a FIRP mais précisait immédiatement qu’elle appuierait de la même manière une seconde fédération si jamais celle-ci devait voir le jour. Je mentionne ce point moins pour dénoncer un jugement à la Ponce Pilate que pour souligner combien, à ce moment-là, il revenait à la profession de s’organiser par elle-même.

Le 10 décembre, l’heure du déjeuner donnait alors lieu à de nombreuses conversations et négociations avant de reprendre la réunion plénière avec l’ensemble des participants. En début de séance, Patrick Légeron et Jacques Rondeleux revenaient pour présenter les avancées obtenues : les clauses d’adhésions étaient révisées et ne se fonderaient plus sur un niveau de chiffre d’affaires ; les statuts étaient remaniés et ces deux porte-paroles annonçaient une prochaine démission collective du bureau de la FIRP.

Dans les jours suivants, d’autres négociations ont été entreprises auxquelles des personnalités précédemment exclues comme Marie-Christine Soula ou Yves Grasset de VTE ont participé.

Où en est-on aujourd’hui ?

« Nouvelle FIRP » : certains doutent encore

Je n’ignore pas que certains doutent encore et même critiquent le ralliement de tel ou tel à la « nouvelle FIRP ». À dire vrai, une grande partie des remarques et des critiques que l’on peut lire ici ou là, surtout sur internet, sont surtout adressées au « club » qui présidait avant la refondation de la fédération.

Afin de bien mesurer les avances réelles depuis le 10 décembre, il est nécessaire de comparer ce qu’étaient les premiers statuts et ceux que nous avons obtenus par la négociation.

C’est d’ailleurs la qualité des créateurs initiaux que d’avoir finalement accepté toutes les modifications proposées. Saluons leur ouverture d’esprit.  

L’adhésion, par exemple, repose sur des critères objectifs et vise à fonder ainsi une véritable communauté professionnelle. Chaque organisme souhaitant rejoindre la FIRP devra, entre autres, démontrer une expérience de plusieurs années ainsi qu’une qualification validée par un diplôme reconnu. Ainsi, chaque membre, après avoir obtenu deux parrainages, pourra ainsi recevoir une sorte de « label » d’appartenance dont il pourra se prévaloir dans son activité. Ce Label rassurera aussi les dirigeants d’entreprises en précisant les activités des prestataires et crédibilisera les plus petites structures. C’est aussi la garantie de pouvoir écarter les imposteurs comme les impuissants.

En ce qui concerne l’élection des organes dirigeants, le fonctionnement me semble désormais parfaitement démocratique.

Ainsi, des statuts rénovés seront prochainement complétés par un règlement intérieur en cours d’élaboration ainsi qu’une charte de déontologie. Le bureau a également décidé de procéder à de nouvelles élections à l’automne prochain afin de renouveler le conseil d’administration. En son sein, trois postes seront réservés aux indépendants. De même, les cabinets pourront élire plusieurs membres au conseil d’administration. Enfin, les créateurs ne bénéficieront plus dans deux ans d’une inamovibilité et devront à leur tour faire la preuve de leur légitimité en se faisant élire au CA s’ils veulent y participer. Avis aux amateurs : que ceux veulent agir et aider à faire en sorte que la fédération serve à la qualité de travail et à la qualité de la vie au travail nous rejoignent.

Les vertus de la fédération

La vertu d’une telle fédération ne s’arrête toutefois pas là.

Celle-ci a d’abord un rôle à jouer dans les échanges avec les cabinets porteurs de l’agrément CHSCT. Aussi, la rénovation qui a eu lieu a-t-elle été capitale sur ce plan pour préserver le métier de l’expert CHSCT. Le CHSCT étant une voie essentielle de régulation des tensions en entreprise.

Cette fédération ne sera donc forte et riche que de la diversité de ses membres : les cabinets indépendants sont désormais les bienvenus alors qu’ils en étaient exclus ; les différentes écoles sont représentées : celle bien entendu des six fondateurs très proches de l’école du stress d’Eric Albert de l’Ifas, mais aussi celle de l’approche systémique, dont je me réclame, mettant plus l’accent sur la question de l’organisation du travail et du management comme source de risques psychosociaux.

Enfin, comme l’a bien expliqué Yves Grasset de VTE dans un précédent article du Miroir social, la FIRP va engager ses travaux au moment même où la DGT va rendre public un guide à l’usage des entreprises et des élus représentant le personnel, qui permettra aux entreprises de définir leurs propres engagements et de choisir en toute connaissance de cause prestataires extérieurs et préventeurs en RPS.

  • La concomitance de la création de la FIRP et de la rédaction de ce guide aurait pu aboutir à la confusion. Yves Grasset qui, à ce jour, n’est pas encore adhérent à la FIRPS, a d’ailleurs eu raison de s’insurger et de veiller à ce que ce travail ne soit pas récupéré par les six créateurs de la FIRP première version.

Ce « guide » avait en effet donné lieu à un travail intense mené d’une main de maître par l’équipe de la DGT, renforcée par l’INRS et l’ANACT. Ces organismes se sont appuyés pour cela sur l’expérience de cinq cabinets fortement impliqués dans la démarche et choisis pour leur expérience et leur savoir faire. Il est heureux aujourd’hui que l’ensemble de ces démarches, tant à la fédération qu’au ministère, se rejoignent et se renforcent.
La fédération est désormais en ordre de marche. Encore faut-il qu’elle prenne son essor. C’est le sens d’une proposition que j’ai formulée avec le soutien de François Cochet de Sécafi et de Patrick Légeron : l’organisation d’états généraux de la santé au travail.

Les « entretiens de Bichat » des RPS

Le terme d’états généraux recouvrirait en quelque sorte la réussite des « entretiens de Bichat » des risques psychosociaux, afin de poursuivre la réflexion collective sur la base de l’expérience individuelle.

Chaque cabinet, chaque intervenant membre de la FIRP pourrait ainsi (et dans le respect de la confidentialité) présenter un cas concret de traitement des RPS et ainsi faire valoir ses compétences et ses méthodes. Une telle manifestation a un sens si elle parle à tous les acteurs de la profession.

Ceux-ci sont convaincus que la prévention des risques psychosociaux n’est pas une mode passagère. La pression actuelle ne va pas disparaître à court terme. Sauf erreur de ma part, en attribuant cette pression aux nouveaux impératifs financiers et gestionnaires (modèle Stern-Stuart de 1991) couplés à l’omniprésence de l’informatique, celle-ci va même sans doute se généraliser à tous les secteurs de l’économie.

Rassembler tous les acteurs de la profession, quelles que soient leurs origines et leur diversité, dans une entité reconnue par tous et charger d’échanger et de travailler à l’élaboration d’un corps de bonnes pratiques, me paraît donc incontournable.

Bien entendu, si les promesses n’étaient pas tenues, si les engagements pris par tous devaient varier et ne plus respecter ce cadre principiel rénové, je me sentirais alors libéré de mes engagements et je l’annoncerais alors à tous. Mais je ne puis, à ce stade, imaginer pareille évolution.

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