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Santé mentale des professionnels de santé : des signaux préoccupants et des propositions pour agir
Depuis 10 ans, l’Observatoire MNH – ODOXA évalue la santé des soignants et réalise, cette année, un focus sur leur santé mentale
La Mutuelle Nationale des Hospitaliers (MNH) publie une nouvelle édition de son Observatoire, réalisé par Odoxa avec la Chaire Santé de Sciences Po. Ce baromètre semestriel analyse cette fois en profondeur l’état de santé physique et mentale des professionnels hospitaliers, mettant en lumière des résultats préoccupants, particulièrement sur le plan psychologique.
Les soignants sont particulièrement exposés à des sources de tensions professionnelles, et celles-ci sont différentes que celles vécues par leurs collègues d'autres secteurs.
Cette enquête révèle une problématique majeure concernant leur santé psychologique, apparaissant dès leurs études, et nécessitant une réponse immédiate dès la formation initiale.
« Depuis 10 ans, l’Observatoire MNH permet de documenter l’état de santé des professionnels de santé. Dans cette nouvelle édition, les soignants interrogés alertent sur leur santé mentale. Les soignants sont en effet exposés au quotidien à des tensions et à de la violence. Mais ce n’est pas une fatalité : en agissant dès la formation initiale, en renforçant leurs compétences psychosociales, nous pouvons leur donner des outils permettant d’être mieux armés pour faire face à la réalité du monde hospitalier »...indique Jean-Bernard Castet, Directeur général adjoint Affaires publiques et Santé.
Santé mentale des soignants : une situation préoccupante nécessitant des réponses urgentes
Les données de l'Observatoire MNH 2025 montrent une situation préoccupante : 35 % des soignants se disent en mauvaise santé psychologique, une augmentation notable de 6 points par rapport à l’année précédente.
Cette réalité se reflète dans plusieurs indicateurs concrets :
- 56 % des professionnels de santé déclarent ressentir fréquemment de l’anxiété, du stress, ou une charge mentale excessive en raison de leur travail. Ce chiffre atteint 58 % chez les infirmiers, 47 % chez les aides-soignants et 39 % chez les médecins,
- 39 % ont déjà dû interrompre leur activité pour motif psychologique : 42 % chez les aides-soignants, 39 % chez les infirmiers et 27 % chez les médecins.
Ces difficultés psychologiques ont des répercussions importantes sur leur quotidien :
- 89 % des soignants constatent un impact sur la qualité de leur sommeil,
- 80 % déclarent des modifications dans leurs comportements alimentaires (grignotage, perte d’appétit, alimentation excessive),
- 78 % voient leur capacité à pratiquer une activité physique réduite.
Pour 84 % des professionnels hospitaliers, la difficulté de leur travail constitue la principale cause de ces troubles, un constat partagé par toutes les catégories de soignants.
Entre charge mentale, violence et résilience professionnelle
35 % des professionnels de santé se disent insatisfaits de leur travail. Cette insatisfaction est particulièrement marquée chez les infirmiers et les aides-soignants, bien plus que chez les médecins.
Les raisons principales de ce mal-être sont bien identifiées :
- 75 % des soignants estiment que leur charge de travail est trop importante,
- 54 % déclarent être régulièrement confrontés à des situations de violence au travail, avec des taux atteignant 66 % chez les aides-soignants, contre 56 % chez les infirmiers et 38 % chez les médecins.
Les soignants sont confrontés à des formes de stress très spécifiques à leur métier : la densité des tâches à accomplir, l’impression de ne jamais pouvoir faire « assez bien », des changements de planning, ou encore l’exposition répétée à la détresse, à la douleur ou à la mort.
À cela s’ajoute un environnement parfois marqué par des incivilités, voire des violences verbales ou physiques de la part de patients ou de leurs proches. Ces situations génèrent une tension continue, renforcée par des horaires contraignants (travail de nuit, astreintes, gardes), qui déstabilisent l’équilibre personnel et nuisent à la récupération psychologique.
Résultat : 45 % ont souffert d’un problème de santé dans les trois derniers mois, qu’il soit physique ou psychologique.
Une réponse nécessaire dès la formation initiale
L’étude souligne une lacune majeure dans la formation des professionnels hospitaliers : 83 % estiment ne pas avoir été suffisamment formés à la gestion du stress durant leurs études. Cette situation s’avère d’autant plus préoccupante que 42 % des soignants de moins de 35 ans déclarent avoir rencontré des difficultés psychologiques dès leur parcours de formation.
Pourtant, les soignants sont convaincus des bienfaits d’une meilleure préparation. En moyenne, 90 % pensent que développer les compétences psychosociales permettrait non seulement d’améliorer leur bien-être, mais aussi de réduire l’absentéisme, mieux gérer la violence au travail, et renforcer la qualité de la relation avec les patients.
Il est donc indispensable d’accompagner les futurs soignants avec des programmes de formation initiale, afin de répondre efficacement à une situation qui ne peut plus être ignorée.
MÉTHODOLOGIE
L’enquête a été menée les 12 et 13 mars 2025 auprès d’un échantillon de 1 005 Français, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus et de 1 164 professionnels de santé. La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, profession de la personne interviewée) après stratification par région et catégorie d’agglomération.