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06 / 05 / 2020 | 528 vues
Didier Forno / Membre
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Rôle économique et moyens d’action du CSE après le déconfinement

En raison de l’épidémie de covid-19, la France est confinée depuis le 17 mars 2020. À partir du 11 mai 2020, le déconfinement national s’amorcera progressivement, ce qui signifie un retour progressif des salariés dans les entreprises et un redémarrage de l’activité.
 

Sur fond d'économie à l’arrêt suite aux mesures d’endiguement de l’épidémie, l’INSEE vient de publier différents indicateurs économiques très inquiétants pour l’avenir. Le produit intérieur brut français s’est contracté de 5,8 % au premier trimestre 2020. L’investissement des entreprises a enregistré un lourd recul de 11,8 %. La consommation des ménages a lourdement chuté, les consommateurs n’achetant plus que des biens de première nécessité.
 

À ce stade, le gouvernement estime que la chute du PIB pour 2020 sera de 8 %, mais pourrait être pire. Selon les termes du Ministre de l’Économie, cette crise s'annonce aussi violente que cette de 1929. La relance de l’activité s’annonce longue et difficile. De très nombreuses entreprises vont connaître de graves difficultés. Les plans de licenciements vont se succéder et le chômage va exploser.
 

Dans ce contexte peu encourageant, les élus du comité social et économique (CSE) auront un rôle primordial à jouer pour défendre les intérêts des salariés. De quels moyens disposent les élus du personnel, pour atténuer les conséquences de cette crise économique pour l’entreprise ? Contrairement aux croyances, le CSE dispose d’outils efficaces pour comprendre la situation économique et financière de l’entreprise, donner l’alerte en cas de difficultés, défendre les salariés et l’emploi en cas de licenciements économiques.

 

Vigilance renforcée, anticipation et action rapide

 

En cette période mouvementée et incertaine, le CSE doit agir dans l’urgence. Toute inertie ou inaction sera préjudiciable aux salariés. Les élus doivent en priorité procéder à un état des lieux de la situation économique et financière de l’entreprise. Pour cette analyse, ils disposent de la base de données économiques et sociales (BDES). Celle-ci rassemble l'ensemble des informations nécessaires aux consultations et informations récurrentes que l'employeur met à la disposition du comité social et économique. Elle doit être régulièrement mise à jour.
 

Dans les mois à venir, les élus du CSE devront tout particulièrement surveiller les indicateurs suivants : évolutions du chiffre d’affaires, du carnet de commandes, des taux de marges, du niveau de trésorerie et des retards de paiements (clients, fournisseurs et dettes sociales).
 

Les élus interrogeront l’employeur sur les perspectives économiques. Ils doivent notamment analyser les documents prévisionnels. Les entreprises d’au moins 300 salariés ou ayant réalisé plus de 18 millions d’euros de chiffre d’affaires, doivent mettre les documents suivants à la disposition des élus, dans la BDES : le tableau de financement, le plan de financement, le compte de résultat prévisionnel et la situation de l'actif et du passif.


Ces informations permettent au CSE d'avoir une vision en amont et d'en savoir plus sur la santé financière de l'entreprise, notamment de déceler d'éventuels signes de difficultés pour l'avenir au plus tôt. Cela permet au CSE de bénéficier d'une vision évolutive et prospective sur la santé de l'entreprise.

 

Quels sont les moyens d’action du CSE, en cas de difficultés graves avérées ?
 

Le Code du travail a doté le comité social et économique d’un droit d’alerte économique. Au-delà du terme (qui peut faire peur), il faut comprendre que le droit d’alerte a un rôle de prévention et d’anticipation. Plus il est déclenché tôt, plus il a de chance d’être efficace. Par peur des conséquences, les élus du CSE ont souvent tendance à déclencher ce droit beaucoup trop tard. Souvent, quand l’entreprise est au bord de la faillite. Dans ce cas, l’utilité de la démarche devient nulle...


Le droit d’alerte économique
 

Lorsque le CSE a connaissance de faits de nature à affecter la situation économique de l’entreprise de manière préoccupante l’exercice du droit d’alerte économique lui permet de demander à l’employeur de lui fournir des explications (C. trav., art. L. 2312-63 et s.).
 

Le droit d’alerte économique suppose donc la caractérisation de faits préoccupants pour la situation économique de l’entreprise. Ceux-ci peuvent recouvrir des situations diverses, le législateur ayant volontairement employé une formulation large.
 

La pandémie actuelle de coronavirus aura de graves conséquences économiques pour la plupart des entreprises. Elle s’inscrit évidemment au rang des faits préoccupants pouvant affecter la situation économique de l’entreprise.
 

Le CSE qui entend faire usage de son droit d’alerte doit, dans un premier temps, faire une demande d’explications à l’employeur, inscrite de droit à l’ordre du jour de la prochaine réunion du comité (C. trav., art. L. 2312-63, al. 2). L’employeur doit fournir des explications au CSE en réponse à sa demande.
 

Dans un deuxième temps, si l’employeur apporte des explications insuffisantes ou qui confirment le caractère préoccupant de la situation (voire n’apporte pas d’explications du tout), le CSE établit un rapport, lequel est destiné à être transmis à l’employeur et au commissaire aux comptes. Pour l'établir, le CSE a la possibilité de se faire assister par un expert-comptable. Sa désignation est faite par la majorité des membres du CSE. L’expert-comptable analyse la situation de l’entreprise et propose les solutions pour améliorer la situation économique et financière de l’entreprise. L’expert est neutre. Il n’est pas l’obligé de l’employeur.
 

Il faut préciser (ce point est fondamental) que la procédure d’alerte économique reste confidentielle. Seuls l’employeur et les élus du CSE sont au courant de son déclenchement. Les représentants du personnel ne doivent donc pas avoir « d’état d’âme » mais assurer leurs responsabilités.

 

Plan de sauvegarde de l’emploi
 

Dans les mois à venir, le chômage va se dégrader. Les entreprises seront nombreuses à licencier et à engager des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE). Un tel plan de sauvegarde de l'emploi doit obligatoirement être mis en place dans les entreprises de 50 salariés au moins lorsque le nombre de licenciements est au moins égal à 10 sur une même période de 30 jours. Le comité social et économique est partie prenante à la négociation de ce PSE. Dans la mesure du possible, son rôle sera de réduire le nombre de licenciements et d’assurer des conditions de départs dignes, pour les licenciés.
 

Le CSE peut se faire assister d’un expert-comptable pour comprendre et analyser le contenu du PSE. L’expert-comptable vérifiera l’argumentation de l’employeur pour justifier le nombre de licenciements et proposera des conditions de départs plus favorables que celles proposées par celui-ci. L’expert-comptable recherchera également toute solution alternative aux licenciements « secs ». Attention, la désignation de l’expert-comptable est faite par la majorité des membres du CSE, lors de la première réunion de présentation du projet de PSE par l’employeur. Une nomination ultérieure n’est plus possible.
 

Les représentants du personnel vont être particulièrement sollicités dans les mois à venir. La pression tant de l’employeur que des salariés sera importante. Les élus du CSE doivent afficher une implication forte dans la situation périlleuse actuelle. Ils disposent pour cela de différents outils (BDES, documents prévisionnels, alerte économique et assistance par un expert-comptable dans le cadre d’un PSE).
 

La communication auprès des salariés sera aussi un facteur clef de réussite des actions du CSE. Les salariés doivent savoir ce que le CSE fait pour défendre leurs intérêts. Dans les faits, cette communication est parfois défaillante et donne le sentiment aux salariés que le CSE n’a rien fait. Élus du CSE, apprenez à communiquer !

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