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10 / 09 / 2019 | 51 vues
Alain Coheur / Membre
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ESS : ni, ni

Ni l’assimilation pleine et entière aux entreprises « à but lucratif » (c'est-à-dire qui réalisent un bénéfice), ni la qualification d’entreprise « à but non lucratif » (qui ne réalisent pas de bénéfices) ne rend compte de ce que sont les entreprises de l’économie sociale et de leurs besoins » (qui ne réalisent pas de bénéfices) ne rendent compte de ce que sont les entreprises de l’économie sociale et de leurs besoins ». C’est certainement l’élément central de l’avis d’initiative « Vers un cadre juridique européen adapté pour les entreprises de l’économie sociale » approuvé à l’unanimité par le Comité économique et social européen (CESE), lors de la session plénière du 19 juin.
 

Au vu de cet état de faits, le CESE, au nom de la diversité des formes d'entreprendre, propose une nouvelle notion à introduire dans le droit européen, celle de « lucrativité limitée ». Cette notion définirait l’ensemble des organisations qui sont susceptibles de réaliser un bénéfice mais qui n’ont pas pour vocation de le distribuer à leurs propriétaires ou actionnaires, leur finalité étant autre.
 

Cette nouvelle notion de « lucrativité limitée » permettrait ainsi de couvrir toutes les entreprises qui s’intercalent entre les entreprises qui ont pour visée de ne réaliser aucun bénéfice (« à but non lucratif ») et celles qui ont pour objectif d’en réaliser un maximum pour pouvoir le distribuer (« à but lucratif »).
 

Le constat est enfin posé, le droit de l’UE ne prend pas en compte l’économie sociale dans ses caractéristiques intrinsèques, notamment celle d’un rapport différent au profit. L’article 54 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) est interprété comme opposant les entités économiquement désintéressées (sans but lucratif) aux sociétés exerçant une activité économique contre rémunération. Cette seconde catégorie englobe donc, sans les différencier et indépendamment de leur forme juridique, toutes les entreprises amenées à réaliser des bénéfices, qu’elles les distribuent ou non.
 

De ce constat, tant la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) que la pratique décisionnelle de la Commission européenne (CE) n’ont manifesté que peu d’intérêt pour les entreprises qui sont dites « à but non lucratif » dans leur droit national ou qui, indépendamment de cette qualification, reposent sur des critères de propriété, de gouvernance et d’utilisation des bénéfices qui les distinguent fortement des entreprises capitalistes à but lucratif, notamment dans leurs conditions d’accès aux sources de financement.
 

Ainsi, le modèle de l’entreprise capitaliste à but lucratif imprègne l’ensemble des réglementations européennes. Malgré les avantages d’intérêt général retirés de la présence des entreprises de l’économie sociale sur le territoire des États membres de l’UE et, hormis l'éventuelle identification de services d’intérêt économique général, ni le droit des groupements ou droit des sociétés, ni le droit des marchés publics, ni le droit fiscal ne distinguent les EES des autres formes d’entreprises.
 

Qu’elles soient des coopératives, des mutuelles, des entreprises sociales ou des associations, toutes les entreprises qui exercent une activité économiquement viable et permettent, le cas échéant, de dégager des excédents, sont assimilées aux entreprises de type capitaliste à but lucratif. Or, les EES ne poursuivent pas d’objectif de maximisation ou de rentabilité du capital mais un objectif social.
 

L'insuffisance de prise en compte des spécificités des EES s’est également traduite dans le droit de la concurrence par une assimilation des EES aux autres entreprises, comprises comme des entités exerçant une activité économique sur un marché, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement. Cette indifférence à la nature juridique, aux objectifs des EES et, partant, aux contraintes particulières pesant sur elles du point de vue économique et financier, est parfois renforcée par des interprétations jurisprudentielles et doctrinales qui véhiculent régulièrement l’idée que la norme sur le marché est l’entreprise qui poursuit un but lucratif, afin de maximiser les profits ou la rentabilité du capital investi.
 

Le modèle de l’entreprise capitaliste à but lucratif imprègne l’ensemble des réglementations européennes. Ainsi, en dépit des avantages d’intérêt général retirés de la présence de telles structures sur le territoire des États membres de l’UE et hormis l'éventuelle identification de services d’intérêt économique général, ni le droit des groupements ou droit des sociétés, ni le droit des marchés publics, ni le droit fiscal ne distingue les EES des autres formes d’entreprises.
 

Une reconnaissance politique sincère de l’économie sociale ne peut donc plus faire l’économie d’une reconnaissance juridique, inscrite dans le TFUE.
 

Fondamentalement, le droit de l’UE devrait afficher un principe de neutralité concernant les régimes de propriété dans les États membres, ce qui implique que le mode de propriété des entreprises échapperait à la compétence de l’UE mais également que les règles de l’UE ne devraient pas mener à dicter les régimes de propriété. Toutefois, lorsque la neutralité conduit à la non-reconnaissance de pans entiers de l’économie dont font entièrement part les EES et laisse un certain type d’entreprise s’imposer comme modèle ou norme de référence pour la construction du droit, le principe se trouve détourné.
 

Le CESE, dans son avis :
 

  • propose d’introduire dans le droit de l’UE un cadre juridique adapté à une meilleure reconnaissance des EES. Ce cadre s’appuierait sur une nouvelle notion, la lucrativité limitée ;
  • demande à la CE de lancer une étude sur la notion de lucrativité limitée et sur les modèles d’entreprises qui répondent à ce fonctionnement afin de mieux cerner les besoins de cadres juridiques, financiers, fiscaux adaptés à ces entreprises et, le cas échant, à édicter de bonnes pratiques ;
  • invite la CE à rédiger une communication interprétative de l’article 54 du TFUE ainsi que des articles du traité sur le droit de la concurrence, afin d’expliquer la notion de but non lucratif en droit de l’UE ;
  • estime enfin qu’un protocole sur la diversité des formes d’entreprises devrait être annexé au TFUE, à l’instar du protocole n° 26 sur les SIG et demande aux États membres d’inscrire cette révision à l’agenda des réformes à venir (qui ne réalisent pas de bénéfices) ne rendent compte de ce que sont les entreprises de l’économie sociale et de leurs besoins ».
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