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07 / 02 / 2020 | 90 vues
Eric Gautron / Membre
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Gouvernance paritaire du système de retraite universelle : rien ne l'assure

Depuis la parution de la loi devant instituer un système universel de retraite, le SNFOCOS alerte sur les termes contenus au titre 4. Celui-ci condamne la branche des retraites et prévoit que les établissements locaux seraient dépourvus de la personnalité morale.
 

Peut-être « prévoyait » car plusieurs amendements proposent désormais d’insérer une disposition attribuant la personnalité morale aux futurs organismes locaux, ces établissements au statut indéfini (organisme privé chargée d’une mission de service public ? Établissement public local ?) qui composeraient le réseau territorial de la Caisse nationale de retraite universelle (CNRU). Selon les termes de l’exposé des motifs d’un amendement, « cette garantie est importante car elle permet d'assurer une gouvernance paritaire à l'échelle locale ».
 

Certains se félicitent déjà et estiment que ce rétablissement (qui n’est encore qu’une hypothèse) sauvera les conseils d’administration et la gouvernance paritaire à l’échelon local. C’est là une analyse insatisfaisante.
 

En effet, à ce stade, il est bien trop tôt pour se rassurer, tant du point de vue du personnel que du point de vue des organisations syndicales ou des usagers.
 

Doter les organismes locaux de la personnalité morale, c’est :

  • donner la possibilité à leur directeur de maîtriser le fonctionnement de son « échelon »,
  • lui permettre de prendre des décisions budgétaires en matière de GPEC par exemple, de formations ou d’investissement,
  • et conserver les institutions représentatives du personnel et finalement permettre le dialogue social au niveau local.
     

En d’autres termes, la personnalité juridique de l’échelon local permet juste d’avoir un directeur « capable » (un directeur de plein exercice diront certains optimistes), ce qui est insuffisant pour se satisfaire et sortir les feux d’artifice pour l’instant...
 

Il convient de rappeler l’édifice juridique actuel pour s’en convaincre.
 

L’article L121-1 du code de la Sécurité sociale dispose que : « Sauf dispositions particulières propres à certains régimes et à certains organismes, le conseil d'administration règle par ses délibérations les affaires de l'organisme ».
 

Cet article est à rapprocher de l’article L122-1 qui « conditionne » la présence d’un directeur (général) et d’un directeur comptable et financier au bénéfice de la personnalité civile ou de l’autonomie financière.
 

Dès lors, le rétablissement de la seule personnalité morale ne suffira qu’à garantir aux agents de direction une forme de pérennité de leurs postes. Pour autant, à « droit constant » (c’est-à-dire si ces amendements sont validés et que les dispositions actuelles relatives aux CARSAT sont juste amendées et non abrogées, ce qui semble peu probable à ce stade), le directeur aura toujours besoin d’un conseil pour agir en justice relativement à certaines matières.
 

Pour le SNFOCOS, le « rétablissement » de la personnalité morale serait effectivement une bonne chose mais il doit nécessairement s’accompagner du « rétablissement » des conseils d’administration.
 

Ce sont donc les dispositions des actuels articles L215-2 et suivant qu’il faudrait sauvegarder en ce que celles-ci consacrent la gouvernance paritaire. Il s’agirait d’y indiquer notamment que : « chaque [établissement local composant le réseau territorial de la CNRU] est administré par un conseil d'administration paritaire ».

En tout état de cause, il ne faut pas oublier les termes de l’actuel article L215-1 dudit code qui délimite le périmètre fonctionnel des CARSAT, cependant qu’il renvoie à un décret la fixation du ressort territorial des CARSAT.
 

Or, tant que l’article 49 du projet de loi (plus précisément les alinéas 18 à 25) perdure, l’inquiétude reste de mise.
 

En effet, ces alinéas prévoient que le gouvernement « légiférera » par ordonnance dans les six mois de la promulgation de la loi pour tout ce qui concerne l’organisation de la Caisse nationale de retraite universelle, les compétences de ses instances, le fonctionnement du réseau territorial (actuellement les CARSAT), notamment les règles régissant le personnel et ses modalités de financement.
 

Pour ceux qui penseraient encore ne pas être concernés dans les CARSAT, c’est bien l’ensemble des salariés des CARSAT qui est touché, Agents de directions, cadres et employés, aussi bien dans les services de retraites que dans les services de risques professionnels ou les services sociaux.
 

Il conviendrait donc de s’assurer que l’ordonnance, que le gouvernement prendra afin notamment d’organiser le réseau territorial et ses conditions de fonctionnement reprendra les termes actuels, à peine de subir :

  • un nouveau maillage territorial source de mobilités géographiques forcées pour le personnel,
  • une éviction du bénéfice des dispositions conventionnelles propres au personnel des organismes de la Sécurité sociale (les salariés des institutions de retraites complémentaires bénéficient de dispositions conventionnelles spécifiques et rien n’est pour l’instant indiqué quant à la convention collective de rattachement du personnel en charge de la retraite universelle),
  • un éloignement de l’accès au service public pour les usagers (à rebours des grandes déclarations sur le rapprochement dudit service public).
     

Sauver la branche des retraites et les CARSAT nécessitera de faire front durant plus d’une bataille.

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