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19 / 12 / 2019 | 239 vues
Philippe Grasset / Abonné
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La forteresse de Bercy s’effondre, nos ministres regardent ailleurs...

Gérald Darmanin et Bruno Le Maire ont pris une bien mauvaise habitude depuis leur installation à Bercy : ils boycottent systématiquement le comité technique au cours duquel le projet de loi de finances de leur ministère respectif est présenté.
 

Il est vrai qu’il n’est guère amusant de venir justifier une démolition méthodique et systématique des emplois dans les directions de Bercy auprès des représentants du personnel.

 

Suppressions d’emplois : tous les prétextes sont bons.
 

Pour la dix-huitième année consécutive, les suppressions d’emplois sont en effet à l’ordre du jour. Les justifications sont toujours les mêmes : exemplarité, dématérialisation, simplification etc.

 

Quelques mois avant la présentation officielle de ce projet de loi de finances, Gérald Darmanin, jamais avare de scoop auprès des médias (mais rarement auprès des représentants du personnel), a affirmé que son ministère serait à la pointe dans la fonction publique d’État, avec 10 000 suppressions d’emplois sur les 15 000 envisagées pour l’ensemble des ministères.

 

Avouons-le, ce défi est en passe d’être réussi, au détriment du service public, des citoyens et des agents qui exercent leurs missions dans des conditions de plus en plus difficiles.

 

Si la Douane a connu une moindre hémorragie de ces emplois que la moyenne des autres directions, c’est une illusion d’optique que nous pouvons rapidement démonter.

 

L’arrivée du Brexit a obligé le gouvernement à prendre des dispositions pour renforcer ce qui allait devenir une frontière extra communautaire fin octobre dans l'urgence. Ainsi, 700 agents ont été recrutés ou le seront d’ici la fin de l’année 2020. À la nuance près que ce chiffrage a été fixé dans la perspective d’un Brexit avec accord et non d'un « no deal ».
 

Parallèlement, la loi de finances a entériné des dispositions prévues dans le rapport Gardette, de transfert de taxes de la DGDDI vers la DGFIP, qui occasionneront à terme la perte potentielle de plus de 3 000 emplois dans la première sans en créer un seul dans la seconde. En résumé, un jeu de bonneteau où le ministre supprime des emplois à tous les coups.

 

Quant à la DGFIP, sous prétexte de prélèvement à la source et de suppression de la taxe d’habitation, 1 552 suppressions d’emplois sont de nouveau envisagées, en intégrant les divers transferts.

 

Prise dans un contexte où les projets de « géographie revisitée » et de « démétropolisation » occasionnent un conflit social majeur, cette annonce rend les propos de non-fermeture de services en 2020 caduques, avec ou sans l’aval des élus locaux, surtout une fois l’échéance électorale de mars prochain passée. Les promesses ne valent que pour ceux qui les reçoivent.

 

La réforme territoriale continue son travail de sape sur les emplois, à la DGCCRF et à la DGE.
 

Le projet de loi de finances prend acte de la réforme du pôle 3 E dans les DIRECCTE et de la réorganisation de la Direction générale des entreprises en supprimant 141 emplois.

 

Quant à la DGCCRF, elle subit la création des secrétariats généraux communs dans les directions départementales interministérielles et autres restructurations internes pour se voir amputer de 63 emplois supplémentaires. La liste des départements comptant moins de 9 agents s’allonge inexorablement et la seule solution trouvée par Bruno Le Maire pour pallier ces déserts administratifs est l’interdépartementalisation de l’exercice des missions. Un cataplasme sur une jambe de bois ! Les scandales sanitaires ont de beaux jours devant eux.

 

Les directions d’administration centrale, dont la direction du Trésor et l’INSEE ne sont pas exempts de ces pertes d’emplois, à un niveau comparable aux années précédentes.

 

Depuis des années, les ministères économique et financier sont en tête des ministères subissant des suppressions d’emplois.
 

Les missions régaliennes exercées par les agents ne sont pas reconnues comme telles.
 

Toute la politique gouvernementale est tournée vers l’aide aux entreprises. De ce fait, les missions de lutte contre les fraudes fiscales, économiques et industrielles sont reléguées au second plan. À cet égard, la loi ESSOC symbolise cette politique.

 

Reconnaissons toutefois qu’il n’a pas fallu attendre cette dernière loi pour voir se désagréger la situation de l’emploi dans les ministères de Bercy. Pour mémoire, un commissaire européen fraîchement nommé et un autre fraîchement parti de cette fonction ont participé en leur temps à cette liquidation des emplois à Bercy.
 

Il est paradoxal de sacrifier les emplois dans les directions censées recouvrir l’argent public, alors que l’un des problèmes majeurs énoncés par les politiques et les bien-pensants de ce pays à longueur de prises de parole seraient les déficits publics.

 

Des crédits ventilés de façon disparate

 

L’homogénéité constatée sur les emplois ne se retrouve que partiellement sur la ventilation des crédits dans les directions. Là encore, la DGFIP constitue le pourvoyeur de la plus grand baisse de crédits avec 34 millions d’euros d’autorisation de paiements, qui ne présage rien de bon dans les moyens de fonctionnement et d’investissement pour les services. Un état que les agents subissent hélas depuis de trop longues années, alors que les besoins sont toujours aussi pressants et pas seulement en matière de moyens informatiques, comme tente de l’accréditer la communication ministérielle.

 

Les crédits sont légèrement revus à la hausse pour la Douane (+ 5 M D). C’est le résultat du conflit social du printemps 2019. Signé par l’ensemble des syndicats douaniers, le protocole d'accord a prévu des dotations en moyens matériels et en habillement qui trouvent leur concrétisation dans cette loi de finances.

 

L’INSEE subit aussi une forte baisse de ses crédits (- 8,4 M D) qui ne présage rien de bon dans la modernisation des moyens octroyés par la direction, même si une dotation spécifique est intégrée pour la revalorisation des frais de déplacement des enquêteurs.

 

L’augmentation des crédits ouverts dans ce budget pour le développement des entreprises est sans ambiguïté sur l’orientation libérale de ce gouvernement. 130 M D supplémentaires seront consacrés à ce poste budgétaire, soit une hausse de 15 %.

 

Enfin, notons la hausse substantielle accordée au budget de la fonction publique (+ 6 M D). Certainement une reconnaissance des ministres envers la DGAFP, qui a construit la funeste loi de transformation de la fonction publique, plutôt qu’une reconnaissance du personnel de cette direction qui subissent quotidiennement une charge de travail exponentielle.

 

Le choix gouvernemental ressort clairement de ce projet loi de finances : privilégier la liberté d’entreprendre sans se soucier des modalités pour parvenir à ses fins.

 

En résumé, un libéralisme débridé où la loi du plus fort et du plus malin est privilégiée, quitte à passer sur quelques manquements aux réglementations et lois fiscales, économiques et industrielles.

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