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22 / 04 / 2016 | 28 vues
Corinne Joiris / Membre
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Du contrôle à la confiance, changement de paradigme pour le management de transition

Expériences croisées de 5 femmes d'exception, qui font partie de ces nouvelles générations de femmes d'affaires que l'on nomme les « slasheuses » : elles affichent des parcours disruptifs, mènent plusieurs activités de front, savent rassembler des profils multidisciplinaires et très différents, et incarnent dans leur management ou dans leur accompagnement des entreprises cette culture de la confiance.

  • Dorothée Baude, fondatrice et dirigeante de Reactive Executive.
  • Séverine Perron, coach, auteur de GenY, fondatrice d'As We Are.
  • Sandra Legrand, présidente de Kalidea, vice-présidente de Croissance Plus.
  • Élodie Loing, dirigeante de transition.
  • Anne Quéméré, navigatrice professionnelle.

Une société en mutation, le management de transition en plein essor

Aujourd'hui, le modèles commerciaux traditionnels de nos sociétés sont en profonde mutation.

Nous parlons :
  • de transformation liée aux nouvelles générations,
  • et de transformation en termes de digitalisation, mondialisation, ubérisation de l'économie.
C'est pourquoi l'on peut se demander si le management dans les entreprises et le métier du management de transition peuvent continuer à fonctionner avec les mêmes leviers qu'auparavant.

Le management de transition, un levier d'accélération de la transformation des entreprises

La dirigeante de Reactive Executive, spécialiste du management de transition New Generation, intervient en France et à l'international auprès de grands groupes, filiales de grands groupes et PME/PMI confrontés à un besoin urgent de compétences opérationnelles et managériales dans une période de changement ou à forts enjeux. Si les organisations méconnaissent encore ce levier que constitue le management de transition, Dorothée Baude fait preuve de beaucoup de pragmatisme dans son approche managériale ; elle est convaincue que la culture de confiance est la base même du métier de manager de transition. « Il est très rare en mission de transition de retrouver l'histoire qui nous a été décrite. Nous n'avons pas d'autre choix que de nous adapter en permanence et rassurer les équipes ».
Le CDI devrait disparaître.

Pour Élodie Loing, le CDI devrait disparaître. En effet, les missions dans l'entreprise ne sont pas linéaires puisque la vie de l'entreprise ne l'est pas. Cette dernière doit pouvoir avoir les bonnes ressources au bon moment. C'est pourquoi le management de transition est en plein essor en France et le défi demain pour ces managers de transition qu'Élodie Loing surnomme « manager 0 blabla » sera d'évoluer en intégrant les transformations actuelles de notre société et de la relation au travail.

Séverine Perron pense que la génération Y est très bien armée pour la vie des entreprises de ce début de XXIème siècle. Née avec internet, cette génération a une capacité d'adaptation rapide voire vertigineuse ; elle est agile et peut être une ressource pour le management de transition et un levier pour faciliter les transformations.

Les modèles commerciaux ne tiennent plus de 5 ans, ni économique, ni humain, ni organisationnel, précise Sandra Legrand. Tout va plus vite mais ce sont les hommes et les femmes qui font les entreprises et le management doit s'adapter aux nouvelles donnes. Le changement est un acteur à intégrer car il faut savoir s'adapter ou bien on disparaît.

Anne Quéméré constate que les transformations arrivent même dans les entreprises très axées sur la production. « La capacité à regarder son corps social, son organisation, avec un œil neuf, curieux et vierge, ça permettrait de faire bouger les lignes. C'est essentiel pour l'entreprise car sans mutation, point de salut ».

De la culture du contrôle à une culture de la confiance incarnée

Une accélération des transformations de notre société, des entreprises qui doivent être en mesure de revisiter régulièrement leur modèle commercial, une agilité nécessaire pour réussir ces transitions,mais aussi et surtout tout cela ne semble possible pour nos intervenantes que si l'entreprise met en place une culture de confiance et plus de contrôle. La confiance est le seul carburant susceptible de conduire l'entreprise vers son devenir ; le seul compatible avec la génération Y.

Selon Séverine Perron, la culture du contrôle qui, jusqu'à présent, a régi nos entreprises depuis l'après-guerre est basée sur une logique rationnelle, linéaire, de sécurité.

Or, les nouvelles générations fonctionnent totalement autrement :
  • à la logique rationnelle, ils opposent un besoin d'initiatives, d'idées, d'innovation, basé sur une logique intuitive ;
  • face à la logique linéaire, ils affichent plutôt une logique heuristique (art d'inventer, de faire des découvertes sans analyse détaillée, notion de rapidité) ;
  • la sécurité n'est pas un moteur pour eux ; l'audace et la prise de risque, oui.
Chez Kalidea, Sandra Legrand s'est inspirée du management américain vécu chez Coca Cola : donner sa chance, participer à des projets de A à Z, encourager les initiatives, gérer son temps de travail. Le partage des succès offre des opportunités, un cercle vertueux et une contagion positive.

Soigner le climat et la relation de confiance avant de passer à l'action, telle est la devise d'Élodie Loing pour toute mission de conduite de changement : instaurer tout d'abord la confiance avec son donneur d'ordre puis avec les équipes et veiller à avoir établi d'autre relais de confiance dans l'entreprise au moment du départ.

Dans le métier de navigatrice, la confiance dans son équipe, architecte, météorologue, est essentielle. « Chacun a son poste dans le projet que je mets en place », précise Anne Quéméré. Elle n'exclut cependant pas le contrôle, la prise de risque étant grande.

La confiance n'exclut pas le contrôle : tout est une question de dosage et d'équilibre.

En entreprise, le concept du contrôle a migré et doit être traité à travers un nouveau paradigme. Pour  Sandra Legrand, savoir n'est plus pouvoir car toute information et connaissance se trouve partout (web, réseaux sociaux, médias...). C'est la façon dont on interprète ce savoir et dont on se sert de ces connaissances qui fait la différence. Le contrôle s'exerce à travers le reporting plus ou moins formel et des moments de partage.

Cependant, certaines situations dans l'entreprise, comme une situation d'urgence (ex : les conséquences des attentats du 11 septembre 2001 sur l'activité des commerces dans les aéroports ou encore l'ouverture d'un magasin en 4 mois pour lequel il faut recruter 100 personnes, en plein été, là les équipes paniquent et leurs performances baissent) nécessite un management de commandement, ajoute Élodie Loing. Il est donc nécessaire d'ajuster son style de management au contexte et à la culture de l'entreprise pour atteindre l'objectif. Le management par la confiance est celui vers lequel il faut tendre mais on doit parfois changer le mode de management, comme en conduite, il faut parfois rétrograder pour mieux négocier une courbe et éviter un danger.

Vers un nouveau mode managérial plus doux et humain

Séverine Perron connaît bien la génération Y. Les nouvelles générations cassent les codes de communication et de relations. Elles ont perturbé tous les secteurs, en tant que consommateurs, collaborateurs ou dirigeants, et imposent leurs codes et réinventent les interactions. En effet, le numérique n'est que l'accélérateur d'une tendance naturelle à partager et à entrer en lien, facilitée par la présomption de confiance qui est bien le prérequis pour cette génération.

La fonction de contrôle a muté vers la sanction permettant les réseaux sociaux « l'ère de la sanction » où tout service et toute prestation sont notées et évaluées sur les nouveaux dispositifs numériques (AirBnb, Blablacar, LinkedIn, GlassDoor, plate-forme où des entreprises sont notées par des collaborateurs présents, ou encore Viadeo).

Il y a un autre effet induit sur le management qui vient bouleverser, là aussi, la place habituelle du manager, c'est la désintermédiation. Le numérique a favorisé la désintermédiation mettant la confiance au cœur de la relation managériale, commerciale et partenariale.

Le distanciel (par opposition au présentiel), le réseau (par opposition au silo), la mobilité (par opposition à la structure)... Vers un management sans contact ? En tout cas, vers un management plus doux : encourager, observer, questionner, donner un retour positif, quasi quotidien car les équipes ont besoin d'un retour permanent. Ceci conduit à réinventer le leadership ; des qualités de dirigeant d'exemplarité feront toute la différence entre une entreprise qui va bien réussir sa transformation et une entreprise qui va chercher à passer en force.

Sandra Legrand n'oublie jamais d'encourager, de féliciter et de « récompenser » ses équipes pas forcément par du numéraire mais par de la reconnaissance en interne devant toute l'entreprise ou en externe par de la médiatisation pouvant rendre ses équipes fières. Il faut que les collaborateurs se sentent qu'ils sont un maillon de la chaîne des performances de l'entreprise et qu'ils se sentent utiles. Chez Kalidea, se tient tous les 2 mois une assemblée : tout le monde est debout pendant une demi-heure et chacun parle de ses projets, donne une bonne nouvelle, une bonne pratique ou un succès : cela énergise les troupes, informe tout le monde, renforce l'appartenance et donne confiance.

L'entreprise ré-enchanée par un fournisseur de plaisir

Pour Élodie Loing, le meilleur dynamiseur de performances dans l'entreprise est l'engagement des salariés. Pour que l'engagement soit total, il faut donner une vision claire des objectifs et accessible à tous.

« Quand tu veux construire un bateau, ne commence pas par rassembler du bois, couper des planches et distribuer le travail, mais réveille au sein des hommes le désir de la mer grande et belle », maxime d'Antoine de Saint-Exupéry, référence d'Élodie Loing.
 
Cette maxime va aussi comme un gant à Anne Quéméré : les gens, l'équipage ou les collaborateurs doivent être motivés pour qu'un projet fonctionne. Rester mobiliser ne veut pas dire être sous pression permanente, au contraire, trouver des temps de respiration, d'échanges non formels sont indispensables afin de s'assurer que personne n'est démobilisé. 

Pour Séverine Perron, la mobilisation des jeunes générations passe par un management communautaire. Le manager agit plus comme un animateur de son réseau, il utilise tous les moyens de communication actuels afin d'interagir rapidement (Dropbox, tchat, WhatsApp). L'entreprise doit être un lieu d'expérience, d'accomplissement ; le manager doit faire rêver, apporter de la joie, être un fournisseur de plaisir et ré-enchanter l'entreprise. Le statut, le pouvoir ni le talent ne suffisent plus à mener la transformation ; c'est la personne, sa singularité, son audace, son authenticité, ses convictions, ses ambitions et sa capacité à fédérer, inspirer et savoir s'entourer, la camaraderie. Vers un nouveau type de direction ?
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