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13 / 04 / 2016 | 4 vues
Laurent Girier / Membre
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Projet de loi El Khomri : le problème pris à l’envers

L’idée d’une simplification du code du travail n’est pas en soi une mauvaise idée, surtout s’il s’agit de permettre aux organisations syndicales de prendre une place plus importante dans la négociation collective et, pourquoi pas, de créer des conditions favorables à la consolidation d’une croissance encore insuffisante pour relancer les embauches.

D’une manière générale, il est vrai que les partenaires sociaux ont pris cette déplorable habitude de ne se référer qu’à la loi et il est ainsi fréquent de voir un chef d’entreprise se contenter d’appliquer au sens le plus strict ses obligations légales quand, dans le même temps, les représentants du personnel interrogent leurs experts pour savoir « ce qu’ils ont le droit ou pas de faire ». Triste dialogue social où la communauté de vie sociale au sein de l’entreprise est réduite aux acquêts.

La nécessité d’une revitalisation du dialogue social relève donc d’une évidence. Dès lors que l’on fait sienne cette nécessité, il est clair que l’on marche sur des œufs. Car l’exercice est périlleux qui vise à satisfaire réformistes et contestataires du côté des syndicats de salariés et grands groupes et petites entreprises du côté des organisations patronales.

À cette aune et si l’on exclut l’hypothèse d’une volonté délibérée du gouvernement de braquer d’abord les uns (l’ensemble des syndicats de salariés) puis les autres (surtout les PME), la méthode gouvernementale est largement critiquable. D’autant plus qu’elle s’inscrit dans une séquence politique ou de nombreux gages ont été donnés à la frange la plus réactionnaire du pays (déchéance de nationalité, accord européen sur la crise migratoire, déclarations à l’emporte-pièce du Premier Ministre…).

Alors qu’aurait-il fallu faire ? Bien sûr, l’idée la plus simple aurait probablement consisté à déminer le terrain notamment du côté des organisations syndicales les plus contestataires. Mais, il n’est pas évident que la méthode ait été couronnée de succès tant l’inclinaison naturelle du texte est plus libérale que sociale. Plus que la méthode, c’est le fonds qui pose problème.

On a le sentiment, à tort ou à raison, que, les yeux rivés sur la courbe du chômage, le gouvernement cherche à s’attirer les bonnes grâces patronales pour que celui-ci daigne accélérer les procédures de recrutement de salariés dont il pourra, une fois la loi entérinée, se séparer plus facilement.

Un corps d’agents de l’État spécialisés dans la médiation sociale

Alors, n’aurait-il pas été intéressant de poser le problème à l’envers ? La démarche a d’ailleurs été amorcée sur l’axe de la relance par l’investissement et par l’aide à la restauration des marges qu’a été, dans une certaines mesure le CICE (quand il n’a pas servi à mieux rémunérer les cadres dirigeants) mais elle est restée au milieu du gué et le gouvernement a cédé au réflexe de la nécessaire flexibilité des salariés pour la compléter.

Il aurait peut-être été judicieux de poser le problème dans d’autres termes : en effet, si nous voulons un dialogue social de qualité, si nous considérons qu’il est la condition nécessaire à une reprise soutenue de la croissance, donnons-nous en les moyens en créant, par exemple, un corps d’agents de l’État (rattaché à la DIRECCTE) spécialisés dans la médiation sociale.

Ils n'auraient pas pour vocation de suppléer aux instances de représentation du personnel mais d'aider les acteurs du dialogue social à régler, dans le respect de la règlementation, les problèmes auxquels ils sont confrontés. Ces arbitres du jeu social pourraient éclairer les prises de position des uns comme des autres de leurs conseils pas pour que chacun se conforme strictement à ses obligations (l’Inspection du Travail y suffit à peine) mais pour qu’ensemble, le couple employeur–RP construise une approche constructive, pragmatique et protectrice des intérêts des salariés et du développement de l’entreprise.

Bien sûr, cette approche ne sera pas possible partout et dans de nombreux cas, on en reviendra malheureusement à la situation actuelle sur laquelle continuera de veiller l’Inspection du Travail. Mais, partout où cela aura été rendu possible, on aura revitalisé le dialogue social et l’on pourrait même à plus long terme envisager une classification des entreprises en fonction de la maturité de leur dialogue social. De là à envisager demain qu’un certain nombre d’aides aillent prioritairement aux entreprises vertueuses en la matière, il y a un pas que l’on serait ravi de franchir le plus rapidement possible.

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