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20 / 03 / 2014 | 3 vues
Olivier Hoeffel / Membre
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À l'occasion de la journée internationale du bonheur du 20 mars 2014

Jeudi 20 mars 2014, c'est la deuxième édition de la journée internationale du bonheur, lancée par l'ONU.

À noter qu'elle est particulièrement relayée en France par la Fabrique Spinoza sur le site www.journeeinternationaledubonheur.org consacré à une version étendue à une semaine, du 17 au 23 mars 2014.

Le bonheur, c'est une idée, un concept ayant tendance à faire peur quand il s'agit de parler du travail et de la qualité de vie au travail.

Il semble que l'idée du bonheur dans ce contexte fait peur ou agace pour plusieurs raisons différentes, entre autres :

  • quand le travail est considéré comme la galère, que la journée de travail se joue en mode apnée, le bonheur apparaît bien incongru voire antinomique ;
  • quand des partenaires sociaux négocient pour s'entendre sur une réglementation, on peut comprendre que l'idée de bonheur comme résultat à atteindre sous peine de sanction n'est pas vraiment envisageable ;
  • quand on se dit que le bonheur, c'est comme le Père Noël : ça n'existe pas, ça donne de l'urticaire de vouloir l'associer au travail.

Pourtant, il serait dommage d'assimiler le bonheur à une utopie, à une dimension de spiritualité ou au champ d'action de gourous et d'illuminés.

En France (et particulièrement dans le monde du travail), on sent bien une très grande frilosité par rapport au bonheur, bien que les Français s'intéressent à cette question d'une manière générale.

Alors, si je reconnais bien volontiers qu'il serait inefficace, illusoire et stupide de faire rentrer le bonheur dans le champ réglementaire du travail, ce n'est pas pour autant qu'il faut le laisser à la porte du travail.

Le bonheur est évoqué et réfléchi par les organismes les plus sérieux et ceci au niveau international, sociétal, économique, organisationnel et individuel.

Alors, faisons place au bonheur dans le monde du travail également mais simplement en s'entendant sur les mots et ce sur quoi il paraît raisonnable de pouvoir s'engager.

La psychologie positive s'intéresse au bonheur, y compris dans sa dimension du travail et il serait vraiment dommage que les organisations et les individus ne puissent pas s'inspirer de ses enseignements.

Il s'agit aussi de considérer le moteur de l'efficacité différemment : pour certains, l'efficacité se gagne en mettant de la pression sur l'individu, en cherchant le maximum de ses performances instantanées qui deviendra l'objectif des performances dans la durée. Puis, le marché de l'emploi étant défavorable au salarié, nul n'est besoin de séduire le salarié et de s'y intéresser puisqu'il serait facilement remplaçable (point sur lequel il serait intéressant d'évoquer les coûts masqués d'un remplacement).

Il y a aussi la culture de la défiance qui se manifeste par la multiplication du contrôle, du flicage et des tableaux de bord.

Évidemment, dans un telle vision du travail, que pourrait bien y faire le bonheur ?

L'efficacité construite sur la pression et la défiance se paient cher en termes de santé des individus, des organisations et de la société. D'ailleurs, l'efficacité est-elle réellement là, si l'on met tous les coûts cachés dans la balance ?

Les organisations peuvent bel et bien contribuer au bonheur des individus au travail et le considérer pas forcément comme un objectif en soi mais comme un moyen gagnant-gagnant pour les individus, les organisations et la société.

Concrètement, comment peut se traduire le bonheur au travail dans une organisation ? Voici quelques idées non exhaustives :

  • cultiver la confiance car le bien-être psychologique et le bonheur se nourrissent de la confiance ; la confiance donne des ailes et tout un chacun a forcément eu l'occasion de le constater dans sa vie. Cultiver la confiance permet de desserer l'étau du contrôle et des tableaux de bord et de sortir de la forme d'infantilisation que l'on peut constater dans certaines organisations ;
  • cultiver la reconnaissance : pas seulement la reconnaissance qu'on attend mais aussi celle que l'on donne ; ce qui passe par le développement des capacités à l'appréciation et à la gratitude et là, on fait bel et bien coup double car la vie prend plus de valeur ;
  • créer un contexte de travail où l'individu puisse se trouver engagé dans des activités avec un enjeu (réaliste), avec le bon niveau de compétence et avec des moyens adéquats fournis par l'organisation (en relation avec le concept de « flux » de la psychologie positive) ;
  • cultiver le plaisir au travail ; de nombreuses études ont montré que les émotions positives favorisent la créativité, les performances intellectuelles et la motivation ;
  • cultiver les liens sociaux dans l'organisation et avec les parties prenantes externes ; cette culture est d'autant plus importante que l'accélération actuelle des rythmes freine considérablement la quantité et la qualité des interactions ;
  • appréhender le travail sous deux facettes : les conditions objectives et la perception ; les conditions objectives ne sont pas tout ; l'organisation peut aussi participer à une perception plus « juste » des conditions objectives, en particulier en considérant le phénomène d'adaptation hédonique qui a tendance à faire sortir de la conscience les aspects positifs du travail et les avancées sociales ;
  • cultiver la générosité et les actes gratuits qui se jouent indéniablement dans l'organisation et qui font sa force et ses performances (aucune organisation ne fonctionnerait si les individus s'arrêtaient aux dimensions contractuelles, au donnant-donnant). Voir l'idée de don 3D développée sur laqvt.fr.

Le bonheur s'apparente ici bien plus à une pratique vertueuse et contagieuse qu'à un objectif.

Comme pour la qualité de vie au travail (QVT), c'est pour tous et par tous. Chacun peut apporter sa contribution, peut agir dans sa sphère d'influence et l'élargir.

À l'instar de la QVT, il s'agit aussi d'articuler la responsabilité individuelle et la responsabilité collective, avec la difficulté supplémentaire (outre les freins expliqués au début de l'article) : pour certaines personnes, la conception exclusivement personnelle et intime du bonheur (« mon bonheur m'appartient, ça ne te regarde pas ! »).

De ce point de vue, il ne faut pas avoir peur de l'étiquette : on n'est pas obligé de coller l'étiquette bonheur sur les pratiques qui vont profiter au bonheur. Ou alors, pour ceux que le mot bonheur gênent, partons dans l'absurde : utilisons le sigle BSN (bonheur sans le nommer).

Vive le BSN au travail !

Pour terminer, et comme le mot « heureux » fait probablement moins réagir que « bonheur », terminons par cette pensée de Jacques Prévert :

« Il faudrait essayer d'être heureux, ne serait-ce que pour donner l'exemple ».

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