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01 / 07 / 2025 | 77 vues
Rodolphe Helderlé / Journaliste
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Absentéisme alarmant chez les cadres, les jeunes et les femmes : quelles actions en QVCT 

Le Datascope 2025 d'AXA Santé et Collectives révèle un taux d'absentéisme en augmentation de 41% depuis 2019 et une hausse de 7 % des arrêts longs par rapport à 2023. Le direct organisé le 19 juin 2025 en partenariat avec Miroir Social a été l'occasion de mettre les données en discussion.


 


Avec le Datascope, Axa Santé & Collectives croise les Déclarations sociales nominatives (DSN) de ses entreprises clientes qui représentent 3 millions de salariés avec les certificats médicaux, détaillés et anonymisés, pris en compte dans le suivi des arrêts de plus de 45 jours. Des détails qui permettent notamment de connaître les causes des arrêts, notamment sur le plan psychologique. Si le Datascope est en accès libre, Data map est l’outil dédié aux entreprises clientes, qui leur permet de se situer par rapport à leur secteur d’activité. 


"Nous fournissons les données objectives aux entreprises qui permettent de faire de l'absentéisme un objet de dialogue social entre directions et représentants des salariés. L'enjeu doit être partagé pour que l'encadrement et les salariés puissent identifier les actions de prévention pertinentes à mettre en place", souligne Sophie Mandelbaum, responsable des relations extérieures avec les partenaires sociaux, chez Axa Santé & Collectives. Le besoin de données sur l'absentéisme est particulièrement criant dans les branches professionnelles. "Nous manquons de données affinées pour nous permettre de mettre en place des actions de prévention ciblées", confirme Emmanuelle Lavignac, secrétaire nationale de l'UGICT-CGT.
 

Le taux d'absentéisme global dans le secteur privé des entreprises clientes d'Axa est de 4,5% en 2024 contre 4,2% en 2023.
 

"On peut vraiment parler de vulnérabilité face à l'absentéisme pour les femmes et les seniors non cadres. C'est une dérive que nous observons depuis longtemps. La dégradation du taux absentéisme est forte chez les cadres avec plus 9 % mais le niveau reste tout de même inférieur à celui des non cadres. La dégradation du taux d'absentéisme chez les jeunes, principalement pour raison psychologique, constitue une autre nouvelle dérive observée. La part des moins de 30 ans concernée par un burn out est passé de 14 à 28 %", relève Sébastien Amar, Data Scientist chez Axa Santé et Collectives, qui précise que les données du Datascope ont été recoupés avec celles relatives à la densité de l'accès aux soins sur les territoires. "Dans les déserts médicaux, les arrêts de travail sont moins  fréquents mais plus longs", souligne l'expert du traitement des données. Le Datascope relève une hausse de 7 % des arrêts de longue durée par rapport à 2023.

Observer, interpréter

Alors que le Datascope observe les données, Laurent Cappelletti, professeur du CNAM sur la chaire comptabilité et contrôle de gestion, les interprète comme directeur de programme à l’ISEOR, un institut de recherche spécialisé dans la mesure des coûts-performances cachés du travail. C'est dans le cadre de contrats de recherche contractualisés avec les entreprises que les chercheurs rattachés à l'ISEOR interrogent les salariés en retour d'absence au travers d'une grille d'entretien ad-hoc. Plus de 2000 entreprises, dans 47 pays, ont ainsi ouvert leur porte aux chercheurs de l'institut depuis 1975 avec la même méthodologie de recueil des expressions des salariés.
 

"Réduire l'absentéisme sous-entend un consensus entre directions, managers et représentants des salariés pour que la parole des salariés  puisse vraiment se libérer sur les causes racines que sont le manque de moyens, de sens, de vision, de qualité managériale ou encore de soutiens dans les moments difficiles. Cette dynamique doit s'entretenir en  permanence", explique Laurent Cappelletti qui considère que le taux d'absentéisme pourrait quasiment se réduire de moitié en agissant réellement sur les causes racines au regard des taux affichés par d'autres pays européens du nord où la prévention du désengagement joue à plein dans les entreprises. Dans le cadre d'une étude réalisée en 2018, Laurent Cappelletti, évaluait les coûts cachés de l'absentéisme à près de 90 milliards d'euros par an soit quasiment 3 points de PIB pour 17 milliards d'euros de coûts directs pour l'assurance maladie.


"Les salariés ne demandent pas des arrêts pour le plaisir, il est essentiel de créer les conditions pour prévenir cette dérive du taux d'absentéisme. Cela passe par une réelle politique de prévention de proximité qui doit se traduire par une meilleure reconnaissance de la pénibilité physique mais également psychologique", souligne Emmanuelle Lavignac qui précise : "la logique court termiste portée par une partie des employeurs s'accommode très bien de cet absence de prévention".


Dans la fonction publique aussi les agents ne se font pas porter absent par plaisir. Si le taux d'absentéisme des fonctionnaires est plus élevé, une pondération s'impose au regard du plus fort taux de féminisation et de la part plus importante des non cadres. "Une suspicion sur la justification des arrêts des fonctionnaires est entretenue à tort. Plutôt que de sanctionner injustement les agents en arrêt à hauteur de 10 % de leur salaire, l'Etat employeur aurait mieux fait de renforcer les contrôles sur les arrêts. Nous n'y sommes pas opposés. Cela illustrerait à quel point la part des arrêts de complaisance est marginale", lance Christian Grolier, le secrétaire général de la fédération générale des fonctionnaires FO qui considère que c'est avant tout par une politique de rémunération plus équitable et par plus de lisibilité sur les réformes que l'absentéisme baissera. Et celui-ci de conclure : "le désengagement ne s'exprime pas que par l'augmentation de l'absentéisme. Nous notons une augmentation inquiétante des démissions de fonctionnaires".