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20 / 07 / 2012 | 26 vues
Oasys Consultants / Membre
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« Anticiper une restructuration présente plus d’avantages que d’inconvénients » - Eric Beaudouin, Oasys Consultants

Annoncer officiellement une restructuration longtemps à l’avance évite de laisser courir les supputations et autres « on-dit » sur l’avenir d’un site. L’occasion d’apaiser le climat social et de réduire les risques psychologiques. Retour sur les conditions d’une meilleure anticipation à la lumière des témoignages d’un café social parrainé le 27 juin dernier par Oasys Consultants, sur le thème des restructurations au travers du cadre légal, des stratégies sociales et du reclassement.

Le scénario dans lequel les cabinets de reclassement, les cabinets d’experts auprès des CE et des CHSCT, les cabinets d’avocats d’entreprise, les cabinets d’avocats des CE dépasseraient leurs divergences pour allonger au maximum le délai entre l’annonce d’une restructuration et la notification des suppressions de poste ne relève pas de la science-fiction. Ces restructurations anticipées existent mais elles ne font tout simplement pas la une de l’actualité nationale ou régionale.

« C’est un faux débat que de penser que les représentants du personnel vont chercher à sur-médiatiser, dès lors qu’une direction aura informé de son projet de restructuration. Du moins si cette dernière le fait longtemps à l’avance. Deux ans par exemple dans le cas d'une fermeture. Les élus, mais aussi l’encadrement, font alors preuve d’une plus grande responsabilité parce que la direction témoigne d’un respect à l’égard des salariés », explique Eric Beaudouin, directeur général du cabinet de reclassement Oasys Consultants, qui estime qu’il n’est pas besoin d’invoquer un texte de loi sur le secret professionnel, auquel les élus pourraient être soumis en amont des avis rendus par les instances représentatives. De quoi tordre le coup à l’idée selon laquelle une annonce anticipée serait source d’échos médiatiques très négatifs auprès des banques et même de certains fournisseurs, dont certains n’hésitent pas à arrêter les livraisons dès lors que la confiance n’y est plus. « La crainte de la démobilisation des salariés est aussi une autre idée reçue car c’est une productivité exemplaire qui caractérise le plus souvent les sites qui subissent de profondes restructurations », ajoute Eric Beaudouin qui regrette que des guérillas juridiques bloquent la moindre possibilité pour une direction d’actionner des mesures d’anticipation comme le bilan de carrière, la VAE et les premières réflexions d’aide au reclassement. Un risque juridique d’autant plus faible que l’annonce est anticipée.

Guérillas juridiques et déresponsabilisation

En attendant, les récents arrêts de la Cour de Cassation contribuent à renforcer l’arsenal de cette guérilla. « Nous sommes le seul pays où la justification du licenciement pour motif économique s’apprécie au niveau du groupe », souligne Nicolas Sauvage, avocat associé chez Reed Smith. « Le délit d’entrave s’applique tant aux directions qu’aux élus du personnel. Nous avons été contraints dans un dossier en cours de menacer les élus d’un délit d’entrave s’ils affichaient le projet d’un livre II qui permet d’identifier une partie des salariés concernés », ajoute-t-il. Une tension avec les élus du CE qui témoigne bien d’un manque d’anticipation.

« Il y a une déresponsabilisation croissante des directions qui se contentent de payer, comme par exemple dans le cas de la revitalisation » - Eric Beaudouin
« Que l’on ne s’y trompe pas, c’est un constat d’échec quand une direction vient nous voir pour sécuriser une restructuration », poursuit-il. Voilà qui explique en partie la difficulté d’une direction à anticiper. D’autant que la convergence des intérêts est loin d’être de mise entre, par exemple, une direction régionale qui va subir directement la restructuration, la direction nationale et enfin la direction internationale. Sans compter que les orientations des directions opérationnelles ne sont pas forcément alignées sur celles des actionnaires. En la matière, le jeu des acteurs est au moins aussi complexe du côté de la représentation des salariés entre les syndicats, les CE, les CHSCT et leurs experts... Les délégués syndicaux locaux privilégiant souvent les indemnités financières, les mesures passives, au détriment des mesures actives comme la formation, le reclassement et l’aide à la création d’entreprise. Des indemnités financières dont le niveau dépend de la capacité des élus à mettre la pression médiatique sur leurs directions. « Il y a une déresponsabilisation croissante des directions qui se contentent de payer, comme par exemple dans le cas de la revitalisation », souligne Eric Beaudouin.

« Le fonctionnement du CE est trop ritualisé et ne reflète pas suffisamment la réalité du fonctionnement de l’entreprise », reconnaît Jean-Paul Raillard, directeur général de Syndex dont le cabinet cherche à intervenir le plus en amont possible du processus de décision, en plaidant par exemple pour un droit d’inventaire sur les actifs tant matériels qu’immatériels, avec par exemple un CV de site, les compétences techniques et celles inhérentes au mode d’organisation du travail afin de faciliter la recherche de repreneurs, qui prend du temps. « Notre mission consiste à acheter du temps. Or, ce n’est pas trop dans l’air du temps », lance Jean-Paul Raillard qui explique que c’est parfois un écart de prix de 5 % sur le prix de vente qui va justifier d’une délocalisation en Pologne.

« Il serait temps de s’interroger sur le sens du mot restructuration quand il s’agit uniquement de supprimer des emplois pour augmenter la marge. Une restructuration devrait se traduire par le développement de nouvelles activités pour compenser des activités en déclin », estime quant à lui Eric Yahia, conseiller des salariés chez SAP. Le licenciement pour marge serait d’ailleurs un qualificatif plus précis que celui du licenciement boursier... Et Eric Beaudouin de conclure à propos du caractère inquiétant de « ces réorganisations matricielles qui visent à délocaliser des sièges sociaux vers des centres d’excellence ailleurs, en Europe... ». Des restructurations dont on ne parle généralement pas...

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