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01 / 10 / 2009 | 1 vue
Rodolphe Helderlé / Journaliste
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Le chemin de croix de la reconnaissance des dépressions et des suicides comme maladies professionnelles ou accidents du travail

La CFE-CGC-Unsa et FO de France Télécom ont décidé d'engager une action juridique avec une plainte contre X pour « mise en danger de la vie d'autrui » et « non-assistance à personne en souffrance au travail ».  On comprend pourquoi la grande majorité des directions se montrent si enclines à contester les demandes adressées à la CNAM-TS par les familles, pour demander que les suicides soient qualifiés d'accidents du travail. La responsabilité du dirigeant est alors clairement engagée. Or, la direction de France Télécom a annoncé son intention de ne plus s'opposer aux demandes de requalification des suicides en accidents du travail et même de tout faire pour contribuer à nourrir le dossier. « France Télécom fera appel à « un expert indépendant », en concertation avec les ministères concernés, concernant "la qualification des suicides de fonctionnaires en accidents de service », rapporte Le Monde.

  • En attendant, il est très rare que des dépressions soient considérées comme maladies professionnelles par les Caisses primaires d'assurance maladie. Idem pour les suicides comme accidents du travail. Il y a seulement une présomption d'accident du travail quand le suicide a lieu au travail. En quoi une lettre posthume mettant en cause l'entreprise constitue-t-elle un élément digne d'être pris en compte ? Car la Caisse peut très bien considérer que le choix du lieu et une telle lettre posthume visent avant tout à qualifier le suicide d'accident du travail avec une pension supérieure pour la famille. Rares sont les décisions comme celle du tribunal des affaires de sécurité sociale de Tours qui a conclu que le suicide d'un technicien de la centrale nucléaire EDF de Chinon en 2004 était bel et bien dû au travail alors que l'employé avait commis son geste en dehors de l'entreprise.

 

Que les directions ne fassent plus blocage est une chose, mais la question est loin d'être réglée pour autant. Rien ne permet de dire que les Caisses primaires d'assurance maladie se montreront davantage réceptives à instruire favorablement les demandes de requalification. Car il ne s'agit pas d'ouvrir une brèche. Celle de la reconnaissance explicite des conséquences des risques psychosociaux (RPS) comme maladies professionnelles ou accidents du travail, avec pour effet de faire payer les employeurs. Là est la question alors que le déficit de la Sécurité Sociale est annoncée à 30 milliards d'euros en 2010 contre 24 milliards en 2009. Cela ne manque pas d'agiter des débats entre le régime général de la Sécurité sociale et la branche des travailleurs salariés. Faut-il continuer à faire payer davantage les familles tout en ne touchant pas aux taux de cotisation des employeurs ? Selon Bernard Salengro, responsable santé au travail à la CFE-CGC, « rien ne bougera réellement sur le front de la prévention tant que les entreprises n’auront pas à réparer les effets des risques psychosociaux au même titre que les autres risques professionnels, comme les accidents du travail. » Car les chiffres parlent. La france est la championne de la consommation des anxiolitiques et antidépresseurs divers et variés. Et le travail se trouve être à l'affiche des causes. 

  • La revue Travail & Sécurité de l'INRS rapporte les résultats d'une étude conduite en 2004 sur les coûts du stress. On peut lire : « appliqué à la France pour l'année 2000, le modèle montre que, sur une population active de  23,53 millions de personnes, 220 500 à 335 000 personnes (1 % à 1,4 %) sont touchées par une pathologie liée au stress professionnel. Selon les hypothèses posées, le coût social du stress au travail est compris entre 830 et 1 656 millions d'euros, ce qui représente 10 à 20 % des dépenses de la branche accidents du travail / maladies professionnelles de la sécurité sociale. »

Toutes les Caisses primaires des travailleurs salariés cherchent-t-elles à instruire un véritable travail d'enquête pour se décider ? Non, affirme un certain nombre d'acteurs du dossier. Et pas forcément pour alléger la note des entreprises en matière de taux de cotisation AT-MP. Il y a aussi un problème de moyens humains au regard de la croissance du flux des dossiers.

En juillet, un décret a été publié pour clarifier les procédures et limiter ainsi les recours liés aux accidents du travail et aux maladies professionnelles. Est-ce que cela permettra aux agents des Caisses de prendre systématiquement le temps de recueillir les informations des CHSCT et des médecins du travail ?

  • Une discussion est ouverte sur le sujet afin de croiser vos expériences des déclarations AT-MP. Dans votre entreprise, êtes-vous êtes en mesure de cerner la part des arrêts maladie pour dépression ou hyper-stress, en partie imputables au travail ? En quoi les demandes de qualification en maladies professionnelles sont-elles difficiles ? Sur la question des suicides, il est déjà difficile d'obtenir la reconnaissance en tant qu'accident du travail. Quid de la qualification de l'infarctus fatal d'un salarié en surchage de travail ? Vos témoignages alimenteront le décryptage que nous préparons sur les déclarations AT-MP pour le 8 octobre. L'accès au décryptage sera gratuit pour celles et ceux qui témoigneront.
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