Participatif
ACCÈS PUBLIC
13 / 06 / 2014 | 357 vues
Sandrine Del Piano / Membre
Articles : 4
Inscrit(e) le 24 / 08 / 2009

Le DRH d'aujourd'hui, futur RQVT (responsable de la qualité de vie au travail) de demain ?

La vision du dirigeant du groupe JLO, Jean-Luc Odeyer, sur la mission du DRH de demain.

Le rôle du responsable des ressources humaines, équilibriste et créateur de liens, tour à tour partenaire stratégique, administratif et humain, est-il en pleine mutation ? Le DRH d’aujourd’hui est-il le RQVT (responsable de la qualité de vie au travail) de demain ?

Quelles sont, selon vous, les qualités qu’un bon DRH doit absolument posséder aujourd’hui ?

Nous avons pu observer ces dernières années des vagues successives dans les profils de DRH, avec des directeurs du personnel, dont certains étaient d’anciens militaires, menant des missions de cadrage, d’organisation et de structuration, ou des experts techniques, comme des psychologues du travail ou des juristes, qui apportaient des outils et des processus. Force est de constater que le métier de DRH, n’est pas seulement un métier d’expertises sur le champ du droit social et de l’établissement des fiches de paies. Sa réelle valeur ajoutée n’est pas centrée sur ces aspects, elle réside davantage sur sa capacité à accompagner les entreprises, tout en jouant un rôle réel de médiateur.

Le DRH est un créateur de lien entre les différents acteurs que sont les partenaires sociaux, les directions d’entreprises et les salariés. Il donne du sens à l’action en expliquant pourquoi l’entreprise mène ses projets. Il doit être en capacité de dire à l’équipe dirigeante que la temporalité n’est pas la bonne si c’est le cas. Sa présence est légitime aujourd’hui au sein des comités stratégiques ou de directions car il se doit d’attirer l’attention sur la modularité nécessaire à prendre en considération sur certains projets, au regard de la faisabilité de leur application en interne. Il joue ce rôle de compréhension de la problématique sociale, de mesure de l’ambiance et du climat des équipes, de relai vis-à-vis de la direction, tout en favorisant la relation avec les partenaires sociaux.

Notons que si la dynamique du dialogue social est importante aujourd’hui, elle ne doit cependant pas se faire uniquement sur le champ du collectif, l’individu doit être au cœur de la réflexion. Le métier de RH est donc complexe sur bien des points, il ne s’appuie pas uniquement sur l’écoute et sur l’empathie. Il assure un vrai rôle de médiation entre les problématiques de rentabilité et l’état « des troupes » au quotidien. La force de conviction portée par une personnalité déterminée est à n’en pas douter une qualité qu’il se doit de posséder. Dans les dernières nominations, on constate d’ailleurs de plus en plus, l’arrivée de DRH qui ne sont pas des experts du métier, mais des experts opérationnels. Par sa capacité à comprendre les différents métiers de l’entreprise, le DRH pourra pleinement se positionner comme une interface légitime entre une équipe de direction et des collectifs de travail.

C’est en ça que l’on rejoint aussi les questions de qualité de vie au travail, qui sont des éléments fondamentaux dans l’évolution du métier RH. On observe également la nécessaire symbiose entre le DRH et son directeur ou son président. Elle doit être portée par une vraie synergie d’intérêts et une bonne compréhension de l’équilibre que doit justement jouer le DRH. L’accélération des processus de changement dans les entreprises est très marquant sur les managers, qui ont également besoin de personnes relais pour les guider. Le métier de manager a beaucoup évolué. L’accompagnement des individus ne se fait plus du tout de la même façon, les attentes individuelles sont différentes. Les managers sont de fait également en attente du soutien, en termes de compétences professionnelles, de la part de la filière ressources humaines. Nous sommes désormais beaucoup moins sur des antagonismes et des questions de territoires au sein des entreprises.

Aujourd’hui, les questions de la QVT et de la santé au travail sont régulièrement mises sur la table de la société. Elles sont abordées par de plus en plus de dirigeants, de responsables RH, de managers et de collaborateurs.

Quel est le rôle du RH désormais ? En quoi a-t-il évolué ? Quelles sont les nouvelles missions qu’il doit mener au sein de l’entreprise ?

Soulignons en premier lieu une évolution de ce métier, marquée au départ par le champ de la contrainte législative, qui a donné à partir d’exemples de certaines entreprises en difficulté (dans le cadre de changements majeurs), une réelle impulsion à cette mutation. Des faits générateurs forts, tels notamment un nombre important de suicides au sein d’entreprises, ont éveillé l’intérêt du législateur sur le périmètre de la prévention des risques psychosociaux, qui n’était pas un thème traité dans les entreprises, il y a encore une dizaine d’années. Même si ce type de difficultés a toujours existé, elles étaient gérées au cas par cas et non avec une ambition stratégique globale.

Un vrai changement culturel s’est donc opéré au niveau des managers et des RH, qui ont cessé de traiter les cas symptomatiques, pour travailler davantage en amont, sur le champ de la prévention des risques pour les réduire à leur source.

L’objectif était posé : Traiter les causes avant l’apparition des symptômes. Conséquence directe, un changement sur le plan du champ lexical utilisé. Auparavant, on évoquait le stress, les risques psychosociaux, puis a émergé il y a deux ou trois ans une vision plus positive du sujet, dépassant le périmètre de la prévention et travaillant sur celui de la promotion de la fameuse qualité de vie au travail et du bien-être des collaborateurs.

S’est alors posée la question de la contribution de l’entreprise sur ce registre, avec une interrogation essentielle : « l’entreprise est-elle un lieu de dégradation de son état de santé ou un lieu où chacun peut et doit trouver son épanouissement ? ». Même s’il existe par évidence des problématiques extrêmement différentes d’un collaborateur à l'autre, des motivations individuelles diverses dans la relation au travail, des métiers où il est probablement plus facile de s’épanouir que d’autres, l’idée est désormais de pouvoir faire en sorte que, globalement, l’entreprise soit un lieu dans lequel les collaborateurs puissent trouver leur place et une vraie action. Peu importe leur profil, aspirations et difficultés.

Avec ces changements sociétaux, la relation au travail n’est plus la même aujourd’hui. L’entreprise se doit d’être pour ses collaborateurs un lieu d’épanouissement, de réalisation, de prise en compte de sa différence et d’égalité de traitement. La qualité de vie au travail, c’est un peu comme des couches complémentaires par rapport au champ de la prévention ou de la santé au travail. Dans les éléments de qualité de vie au travail, sont clairement posées aujourd’hui les questions de la promotion de l’égalité des chances, de l’égalité professionnelle hommes/femmes et de l’épanouissement individuel.

On constate ainsi une vraie transformation du métier de RH. Sa fonction s’est étoffée dans une approche systémique. Ses missions portent désormais sur sa bonne perception de l’entreprise, des enjeux, de la faisabilité des projets posés. Aujourd’hui, être RH, ce n’est pas être l’expert technique. C’est être en capacité de comprendre comment les projets vont être articulés, les tempos et les modalités nécessaires et réalistes de mise en œuvre. On lui demande également d’être apte à développer le capital humain pour permettre à l’entreprise de réagir aux évolutions du marché, des clients. Or, il n’a clairement pas été préparé à questionner le périmètre de la santé et de la qualité de vie au travail.

Peut-on dire que le responsable RH d’aujourd’hui, est le responsable QTV de demain ?

La fonction du RH ne peut pas être seule. Par définition, le DRH ne peut travailler qu’avec l’équipe dirigeante, les partenaires sociaux, les managers, les services de santé au travail. Il a de fait un rôle transverse et de médiateur. La notion de responsabilité ne peut donc pas être posée. Tout ne lui incombe pas. Il se positionne plutôt aujourd’hui (et bien évidemment demain) davantage comme le garant de cette qualité de vie au travail et non comme le responsable.

Dans l’exercice de son métier, il est pilote et doit être une alerte directe auprès du dirigeant de la structure, en l’interpellant sur les problématiques immédiates ou à venir et potentiellement affectant la mise en place des projets. Cette notion de garant est donc de fait vraiment dans son rôle. Il est essentiel qu’un vrai partage de la vision existe et soit mis en place avec le dirigeant. Nous travaillons beaucoup sur la question des processus RH, des valeurs que l’entreprise veut porter et du modèle managérial, avec comme préoccupation le rôle des managers de demain.

C’est le dirigeant d’une entreprise qui donne le sens de la qualité de vie au travail. Cette notion est sous sa responsabilité. Le « top manager » est bien celui qui donne le la sur ces questions. Il est le vrai responsable de la qualité de vie au travail. En tant que garant, le RH doit rester en éveil car la mise en place et la faisabilité de cette qualité de vie au travail reposent en grande partie sur les épaules des équipes RH.

La fonction de DRH a évolué dans cette fonction d’appui, de conseil auprès de la sphère dirigeante. Il est aujourd’hui davantage impliqué dans tous les processus décisionnaires. Par essence aujourd’hui, le DRH doit avoir une approche visionnaire, être dans l’anticipation, être en capacité de mettre en perspective et de se positionner par rapport aux directions générales.

Ce n’est pas un métier simple mais quel beau métier !

Afficher les commentaires

Sandrine Del Piano souligne avec justesse le "rôle transverse et de médiateur" que va jouer le DRH de demain. En effet, comprendre de manière globale la qualité de vie au travail nécessite une approche pluridisciplinaire. Un travail de contextualisation, par essence porteur de subjectivité, est requis pour une compréhension de la QVT dans l'organisation. De fait, les missions du DRH deviennent transverses tant la seule simple gestion du personnel ne suffit à prendre en considération l'humain. Enfin, le terrain de médiation entre l'entreprise ou l'organisation en termes d'objectifs et le salarié en tant qu'individu doit être occupé. Nul besoin d'inventer une fonction. C'est la fonction RH qui répond aux critères de sélection : une connaissance des rouages techniques et également des individus. De fait, le DRH de demain sera celui qui saura davantage adapter une vision QVT que celui qui maîtrisera les rouages techniques et juridiques de le gestion de personnels. Son aire d'intervention en matière de QVT sera la matérialisation de la volonté politique et managériale de l'entreprise ou de l'organisation. L'écueil à éviter serait cependant de confier l'ensemble des interventions RH à des "spécialistes QVT" qui ne sauraient contextualiser leur approche en se maintenant dans une logique mécaniste en termes de savoirs appliqués. L'arrivée de la question de la QVT dans la fonction RH en constitue, peut-être, un tournant majeur.