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10 / 01 / 2017 | 17 vues
Denis Courtieu / Membre
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BDES : pas une révolution culturelle mais une longue marche

Un pas de plus fait avec Miroir Social à l’initiative d’un atelier organisé fin 2016 et où l’on a constaté (indice marquant) davantage de prestataires (éditeurs dont, indirectement, Tissot solution retenue par RD& (1), experts-comptables, journalistes et organismes publics) que « d’acteurs en situation » c’est-à-dire des élus ayant eu à pratiquer la BDES.

Mal-aimée car mal-comprise, la BDES ? Pas si simple.

Résultat mitigé chez CapGemini

Cela avait pourtant bien commencé pour CapGemini avec un accord BDES (2) visant à encadrer le projet et un produit maison appelé à être commercialisé auprès de clients potentiels.

Deux ans après, l’accord était hélas dénoncé en septembre 2016 et, à ce jour, sans retour du côté de la direction. La conception technique de l’outil ne serait pas en cause (après tout, c’est le métier de CapGemini) mais l’usage et son appropriation globale par les acteurs.

En trois semaines, la direction avait présenté un cahier des charges pour le développement du portail mais en excluant toute organisation syndicale de l’équipe projet BDES (3). En somme, un menu leur était proposé mais sans pouvoir entrer dans la cuisine. Ce qui a d’ailleurs indisposé une organisation syndicale non signataire de l’accord.

Le résultat global ressemble davantage à une base documentaire (un réceptacle brut de documents dépourvu d’indicateurs standardisés) rendant difficile, par exemple, des comparaisons à isopérimètre sur la situation professionnelle hommes/femmes (4) bien utile après des opérations de réorganisation, de concentration et de redéploiement comme en connaît CapGemini. Impossible donc de croiser à granularité différente (5) des données quantitatives, elles-mêmes non uniformisées, du niveau de l'établissement au niveau du groupe.

La BDES et l’accord signé chez CapGemini devaient harmoniser l’information. Au contraire, elle n’a fait que révéler la trop grande diversité des pratiques au sein de chaque entité avec une alimentation en base assez inégale en fréquence et en volume, parfois sans aucune information sur les mises à jour effectuées. Sans parler des quatre mois pour actualiser les accès aux IRP, suite aux nouveaux mandats de mai-juin 2016.

On notera par ailleurs que la solution BDES « by Cap » permet un accès hiérachisé à l’information afin d’éviter au local d’atteindre un niveau trop général d’information ; l’élu local n’ayant déjà pas une communication directe à des documents généraux de l’entreprise, sauf par l’intermédiaire de son représentant syndical central.

Alors à qui la faute ? Une direction dilettante mais absorbée par l’intégration de la société Euriware dans le groupe CapGemini ? Des élus eux aussi mobilisés sur ce même sujet délicat ? Un manque de moyens, de temps, de jours/hommes ? Certaines organisations syndicales de CapGemini ont pour prochain objectif de faire contrôler la base afin de vérifier sa conformité à la loi, sans cependant entrer dans une démarche contentieuse.

Chez SagemCom, résultat mitigé itou

Chez SagemCom, pour installer le décor, une réflexion de fond a été menée sur les temps de négociation avec, en septembre 2016, la proposition de deux accords : l’un portant le planning des négociations jusqu’en 2025 et l’autre visant à regrouper les consultations au niveau du CCE.

Entre temps, la BDES a fait l’objet sans grande publicité d’une information-consultation spécifique en 2013-2014 au beau milieu d’autres sujets jugés brûlants (PSE) par tous les protagonistes.

Ces travaux pour une rationalisation des échanges direction-IRP ont porté leurs fruits : le délai de consultation systématique a été réduit à quatre mois et toute convocation du CCE s’accompagne par la mise à disposition des documents en base avec indication par la direction de leur emplacement précis. L’ordre du jour n’est pas signé si toutes les informations ne sont pas disponibles : c’est dire si la BDES est bien au cœur du système d’échanges entre partenaires sociaux (véritable « hub » du dialogue social) et ne se borne pas à un outil purement informatique de serveur de fichiers.

Là encore, le fonctionnement trop documentaire entrave l’efficacité recherchée (et idéalisée) par le législateur. Ainsi, les  orientations stratégiques sur trois ans puisées dans des « strategy reviews » ayant mobilisé 150 personnes impliquées totalement dans l’opérationnel représentent environ 1 000 pages bien compactes, déversées en bloc dans la BDES : indigeste car sans index, mots clefs, souvent en format pdf. La direction rétorque qu’elle est conforme à la loi sur la mise à disposition considérant finalement la base comme seulement une facilité technique (adieu les ramettes de papier !) sans penser à la qualité de l’information elle-même.

Au final, l’information délivrée demeure assez scolaire, c’est-à-dire sans grand effort de pédagogie donc d’explications, d’éclairages. C’est explicable sans pour autant être souhaitable. Se pose, en effet, la question de la valeur de l’expertise sur le contenu de la BDES. Si la direction joint une analyse à ses données mises à disposition et dont elle est, a priori, la source unique, elle sera liée par celle-ci. C’est moins vrai pour les organisations syndicales moins expertes des chiffres et non source de ces informations. D’où l’intérêt de recourir à un expert extérieur apportant un avis supposé neutre car scientifique.

Et après ? S’affranchir des silos rubriques/documents pour aller vers le décisionnel

Cela a été dit et répété lors de l’atelier : les organisations syndicales ont soif d’indicateurs clefs négociés dans le cadre de la réunion sur les orientations stratégiques permettant des comparaisons à périmètre identique sur une plus grande échelle de temps.                            

Une couche de « décisionnel » (au sens d’aide à la décision) est ainsi à souhaiter jusqu’à concurrencer le propre reporting ultra confidentiel du comex ?

Mais les CE rendent un avis et non une décision. Faisons un rêve : mieux informés et ayant matière à réfléchir, (faire) disséquer, évaluer et projeter leurs avis ainsi plus circonstanciés, lesquels auraient plus de poids et deviendraient donc des éléments de codécision avec l’employeur. N’allons pas trop vite même si la BDES pourrait aller davantage andante que largo.

     
Notes
(1) Les Éditions Tissot ont mis en place leur propre solution BDES. Pour toute information, se reporter à leur site ou contacter le 07 77 49 22 38.

(2) Accord du 2 juin 2014, disponible sur demande en envoyant un courriel à dcourtieu@riblet-durin-associes.fr.

(3) Vœu pieux des pouvoirs publics de voir signer non seulement un accord mais pourquoi pas une mise en pratique commune du projet informatique (conception, réalisation, tests unitaires, globaux, recettage, PAQ et MEP).

(4) Égalité professionnelle hommes-femmes. Des indicateurs propres au secteur sont aussi demandés : le fameux taux journalier moyen (TJM) du secteur Syntec.

(5) « Granularité », marqueur important en décisionnel.

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