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01 / 12 / 2012 | 1 vue
Didier Cozin / Membre
Articles : 59
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Vers un compte individuel de formation ?

Le 29 novembre, lors de la dernière séance de négociations sociales visant à sécuriser les emplois, le MEDEF a proposé la création d’un compte individuel de formation. Pour éviter les habituels écueils des dispositifs de formations en France (complexité, contingentement, cherté), nous suggérons aux partenaires sociaux quelques ajustements de nature à permettre une rapide généralisation de la formation.

Relisons les propositions patronales sur le compte individuel de formation. Celui-ci serait bâti autour de deux principes :

  • un droit individuel et universel que le salarié active dès lors qu’il accède à une formation qu’il a choisie dans le cadre de son parcours professionnel ;
  • une possibilité pour l’entreprise ou le prescripteur d’abonder le compte individuel afin de permettre d’atteindre le nombre d’heures nécessaires à la formation de son choix, correspondant à son projet professionnel et compatibles avec les besoins prioritaires en formation.

Comme le diable se niche souvent dans les détails, nous souhaitons apporter quelques commentaires et participer aussi à la sécurisation sociale et professionnelle que tous les partenaires sociaux appellent de leurs vœux.

  • Le choix du nom : le compte individuel de formation, s’il prend le nom de CIF, ne serait pas des plus heureux. En effet, cet acronyme est déjà pris par le trentenaire CIF (congé individuel de formation). Pourquoi ne pas plutôt l’appeler livret individuel de formation (LIF) ou encore changer l’ordre des lettres et le baptiser CFI (compte de formation individuelle) ?


Mais là n’est pas l’essentiel, attachons-nous aux grands principes énoncés dans le projet.

  • « Un droit individuel et universel que le salarié active dès lors qu’il accède à une formation ».


Pourquoi ne pas s’inspirer du DIF (droit individuel à la formation), qui existe et perdure même s’il n’est pas réclamé durant la vie professionnelle ?

Imaginons qu’un salarié n’active pas son compte formation durant 5 années, qu’il change d’employeur et souhaite alors se former. « Trop tôt (ou trop tard), il fallait activer votre compte il y a 5 ans ! », pourrait-on lui répondre.

L’activation par le salarié revient donc à poser une condition inutile et source d’insécurité.

Continuons sur le premier point évoqué par le MEDEF.

  • « Une formation qu’il a choisi  dans le cadre de son parcours professionnel ».

Cette seconde condition pourrait bien, elle aussi, limiter la réalisation de formations : quid de ceux qui n’auront pas pu, pas su ou pas voulu construire leur parcours professionnel ? Cette évocation du projet professionnel est louable mais superflue car elle retiendra les moins qualifiés de se former (la formation ne doit plus être un parcours du combattant).

  • « Une possibilité pour l’entreprise ou le prescripteur d’abonder le compte individuel afin de permettre d’atteindre le nombre d’heures nécessaires à la formation de son choix ».


Petit souci là encore. Nous sommes en France et chacun sait que, dans notre pays, on ne fait que ce qui est obligatoire (et sanctionné par la loi). Il est donc inutile de paraître plus généreux qu’on ne l’est.

Si abondement il doit y avoir (et cela sera nécessaire pour des projets longs de reconversion), celui-ci devra venir soit des pouvoirs publics (État, région ou département) pour les travailleurs les moins qualifiés, soit des salariés eux mêmes pour ceux qui sont déjà qualifiés ou diplômés.

Le financement


Ce qui a entravé depuis 2004 le généreux DIF était l'ambiguïté de son financement. Si les choses ne sont pas clairement énoncées et écrites dans la loi, s’il existe des possibilités de passer outre, il n’y aura pas plus de sécurisation du compte individuel de formation qu’il n’y en a eu du droit individuel à la formation.

Qui devra donc payer en France pour la formation des travailleurs, combien faudra-t-il consacrer à la formation en entreprise et de quelle somme chaque travailleur disposera-t-il pour se former tous les ans ? Ces questions sont d’autant plus importantes que la crise fait rage et touche les budgets de formation dans toutes les organisations (tentées de faire des économies sur ce qui ne se voit pas à court terme).

  • Il n’y a pas 250 solutions. Si, comme nous le pensons depuis 2004, le droit à la formation fait partie intégrante du contrat de travail, le compte individuel de formation doit être alimenté tous les ans par une somme fixe payée par chaque employeur et gérée par un organisme national de type URSSAF.
  • Combien un employeur (dès son premier salarié) pourra-t-il et devra-t-il payer ? la réponse doit être innovante : ne plus se baser sur la masse salariale (car ceux qui sont les moins bien payés sont ceux qui disposent alors de moins de fonds pour se former) mais sur la dépense générale en formation en France durant une année.
  • Si l’on considère les comptes officiels de la formation en France, 31 milliards d’euros sont dépensés pour la formation (professionnelle initiale, publique comme privé confondues).


il suffirait donc de réaliser une simple division : 31 milliards d’euros pour 31 millions d’actifs (ça tombe bien !), cela fait 1 000 euros par an et par personne (une misère comparée au coût annuel d’un écolier).

  • Nous suggérons donc que 50 % de ces sommes soient versées sur le compte individuel de formation de chaque travailleur. Ces 500 euros par personne représenteraient en gros 8 milliards d’euros pour les entreprises (pour 16 millions de salariés), une somme raisonnable quand on sait que les seuls OPCA collectant le 0,5 %, récupèrent près de 6 milliards d’euros par an (le reste étant géré en direct par les entreprises).
  • En échange de cet effort important (notamment pour les TPE/PME), on pourrait supprimer l’obligation légale de cotiser pour le plan de formation.
  • Enfin et toujours dans une optique de solidarité et de sécurisation des travailleurs, on pourrait imaginer que les budgets de formation du public et du privé soient confondus. Les travailleurs ne sont tous pas logés à la même enseigne et un travailleur précaire à temps partiel dans le nettoyage industriel pourrait ainsi bénéficier de budgets publics de formation (un fonctionnaire risque moins de perdre son travail ou son employabilité).
  • Rassembler ainsi les droits à la formation des travailleurs du public et ceux du privé permettrait de sortir du carcan des statuts privé/public et d’amorcer à terme une sortie des statuts pour une sécurisation de tous.


Dans le domaine de la formation, notre pays doit désormais sortir des imprécations ou des déclarations d’intention sans effets avérés et rapides sur le terrain. Pour raccrocher le plus vite possible les wagons de la société de la connaissance et de l’information, le compte individuel de formation est une bonne idée. Mais cette idée doit être très vite transformée sur le terrain professionnel.

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