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16 / 02 / 2018 | 6 vues
Theuret Johan / Membre
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Réflexions et propositions de l'Association des DRH des grandes collectivités locales sur la modernisation de l'action publique

Le gouvernement affiche sa volonté de modernisation à travers un nouveau modèle de conduite des politiques publiques. Cette intention se traduit par une volonté d’alignement des modifications importantes qui traversent notre société avec les modes d’actions publiques ainsi que par un mouvement de fond en faveur de la modernisation de la fonction publique.
 
En octobre 2017, le Premier Ministre a lancé le programme « action publique 2022 (CAP 2022) », avec un comité (dans un second temps baptisé « comité interministériel de la transformation publique ») composé de personnalités qualifiées, indépendantes, animant des groupes de travail et élaborant en lien étroit avec les ministères des perspectives de réformes et de redimensionnement du périmètre de l’action publique.
 
Sur la base du triptyque « ressources humaines », « simplification et qualité de service » et « transformation numérique des services publics », « action publique 2022 » répond à trois grands objectifs :
  • l’amélioration de la qualité de service en développant la relation de confiance entre les usagers et l’administration,
  • la mise à disposition d’environnements de travail modernisés pour tous les agents publics, en les impliquant pleinement dans la définition et le suivi des transformations,
  • et l’accompagnement à la baisse de la dépense publique. 

Le gouvernement s’oriente « vers un nouveau contrat social avec les agents publics » pour faire face aux transformations profondes que traverse notre société.
 
Les nouveaux usages collaboratifs traduisent une partie des besoins évolutifs des usagers qui attendent un service public de proximité, déployé en offre de services et en phase avec la transformation numérique de la société.
 
L'Association des DRH des grandes collectivités locales partage la volonté de modernisation du gouvernement et entend s’impliquer, dans le droit fil des propositions qu’elle a formulées lors de la campagne présidentielle, pour tendre vers une action publique, qui soit au plus près des besoins et des attentes des usagers du service public.

Le développement d'une nouvelle culture managériale en donnant la plénitude de leurs compétences aux employeurs publics

Le management public pâtit de son héritage bureaucratique. Aujourd’hui, nos organisations hiérarchisées et fonctionnant en silos manquent de réactivité et privent les agents de leur responsabilité et de leur initiative. Il faut urgemment s’attacher à (re-)donner du sens à l’engagement public et positionner l’agent public comme un acteur-clef du système : lui redonner la fierté de ses missions, la capacité d’agir, le droit à l’erreur et la volonté d’innover au service du bien commun.
 
À partir des années 2000, les théories du management privé ont été plaquées (parfois sans discernement, souvent sans accompagnement) sur des organisations publiques alors qu’elles n’y sont pas adaptées (limite du « new public management »). Il en est ainsi par exemple de l’approche gestionnaire, qui se traduit par un management très individualisé basé sur des objectifs à atteindre et des moyens alloués, qui ne saurait pleinement correspondre au fonctionnement de l’écosystème territorial et aux enjeux du service public.
 
L'administration agile a besoin de managers qui catalysent les bonnes pratiques, facilitent la prise d'initiatives, protègent les principes du service public et, en premier lieu, de l’équité. Le manager doit permettre le droit à l'erreur et s’assurer d’associer les agents à l'organisation du travail. Il doit aussi promouvoir la production, les méthodes et les réussites de ses collectifs de travail.
 
En cela, plus qu’une évolution de posture, les managers publics de demain attendent un vériable changement de culture.
 
L’introduction récente d’une culture de l’évaluation (entretien professionnel…) et, plus récemment encore, d’une rémunération dont une partie peut évoluer en fonction de l’atteinte d’objectifs individuels fixés par le manager-évaluateur, en ont posé les premiers contours. Reste à faire vivre et à outiller cette fonction managériale qui devient de plus en plus centrale dans nos organisations publiques.

Pour l’Association des DRH des grandes collectivités, il est nécessaire de :

  • simplifier et moderniser l’entretien professionnel pour en faire un outil de management en propre, indépendant de la CAP ;
  • renforcer les leviers à disposition des managers, pour promouvoir (promotions internes, CIA, politiques actives d’accompagnement à la mobilité, formation tout au long de la vie…) mais aussi pour recadrer les agents (discipline, licenciement pour insuffisance professionnelle sans passage en conseil de discipline remplacé par un entretien préalable, mutations dans l’intérêt du service…) ;
  • créer une palette diversifiée d’outils pour soutenir les managers et les accompagner dans leur passage d’un rôle de gestionnaire à celui de facilitateur : formations, échanges de pratiques, co-développement, plates-formes, réseaux internes et externes...

Pour un dialogue social régulier, recentré sur des sujets prioritaires

Le dialogue social dans la fonction publique est aujourd’hui très souvent formel et parfois sclérosé. Les grands enjeux de l’organisation du travail, de l’évolution des ressources humaines et des conditions de travail font encore trop rarement l’objet de débats nourris, même si les réalités locales sont variées et dépendantes de l’implication (voire de la personnalité) des acteurs en présence.
 
Le dialogue social se résume principalement à la vie des instances (CT, CAP, CHSCT, conseil de discipline…), dont le formalisme si important (saisines obligatoires, délais de convocation, désignation des membres...) tend à éclipser les travaux sur le fond des dossiers, tant de la part des représentants du personnel que de la part des ceux de l’administration.
 
Or, les enjeux de partage des objectifs de la transformation administrative, de la qualité de vie au travail et de l’accompagnement des agents imposent que la rénovation du dialogue social se repense pour associer, de façon très régulière et en tant que de besoin, l’ensemble des parties prenantes : agents, organisations syndicales, managers et élus de l’administration.
 
L’Association des DRH des grandes collectivités recommande donc de :

  • rapprocher le CHSCT et le CT pour donner naissance à une instance transversale de plein exercice ayant compétence sur l'ensemble des thématiques RH ;
  • faire évoluer les commissions administratives paritaires (CAP) en instances de recours (a minima pour les demandes de changements de positions administratives comme les détachements, disponibilités) ;
  • développer des formations obligatoires et communes aux différents collèges des instances (personnel et administrations) ;
  • expérimenter des nouvelles formes de concertations avec les représentants du personnel, en mode agenda social, afin que les instances paritaires ne soient pas les seuls réceptacles des échanges.

Une rémunération plus individualisée en s’appuyant sur une gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences et la gestion des talents

Le RIFSEEP constitue une avancée en faveur de la simplification de la rémunération grâce à la reconnaissance et la valorisation des missions et des sujétions liées au poste et rend ainsi le régime indemnitaire plus lisible.

Rappelons néanmoins que le salaire moyen dans la FPT est de 1 890 €, régime indemnitaire compris qui pèse à peine 20 % de la rémunération.
 
La mise en place d’une rémunération individualisée, au mérite ou aux performances soulève de nombreuses questions.
 
Au-delà des raisons « idéologiques » qui sont largement relayées par les organisations syndicales, la faiblesse des montants alloués du fait des restrictions budgétaires, comme la crainte de dispositifs multiples et complexes dans un contexte de libre administration des collectivités, font planer le risque de voir émerger des « usines à gaz » sans effet tangible sur la motivation des agents. De telles mesures seront d’autant moins bien comprises et acceptées qu’elles ne manqueront pas, si elles sont gérées de façon opaque, de créer des crispations entre agents.
 
Le développement du mode collaboratif est d’ailleurs susceptible de rendre plus malaisée l'individualisation des rémunérations, car les performances ne sauraient qu’être individuelle quand le rôle du manager est également de promouvoir l’intelligence collective (cf. 2). Les managers devront donc faire l’objet d’un accompagnement global afin de réussir dans ces missions.
 
Pour l’Association des DRH des grandes collectivités, il est impératif de rendre les rémunérations plus lisibles et équitables et de lever les obstacles à la mobilité qui en résultent :

  • finaliser en priorité le déploiement du RIFSEEP en publiant au plus tôt tous les décrets pour les cadres d'emplois manquants et en évaluer la mise en œuvre notamment pour sa part variable (CIA) ;
  • progressivement transférer l'ensemble des primes dans le RIFSEEP (idem pour la NBI qui gagnerait à être réintégrée dans l’IFSE, du fait de son application complexe et peu lisible qui freine les mobilités) ;
  • réformer le supplément familial de traitement (SFT) qui avantage les salaires les plus élevés du fait de sa proportionnalité au traitement indiciaire ;
  • rendre obligatoire la participation employeur à la prestation sociale complémentaire dans un objectif d'alignement avec le secteur privé ;
  • réviser les modalités de calcul des pensions en permettant de cotiser sur la totalité du régime indemnitaire au titre de la retraite additionnelle de la fonction publique (actuellement plafonnée à 20 % du traitement de l’agent) et de reverser la pension au conjoint d’un fonctionnaire décédé (idem dans le secteur privé).

En plus du levier salarial, l’Association des DRH des grandes collectivités milite pour fluidifier les parcours des agents publics :

  • instaurer l'entretien de mi-carrière pour les agents occupant des métiers dits pénibles afin d'anticiper et d’accompagner les reconversions ;
  • lever les freins à la mobilité entre fonctions publiques (aligner les cotisations et assurer la visibilité des postes vacants via une bourse nationale des emplois) et développer les mobilités entre employeurs publics à l'échelle des bassins d'emplois ;
  • favoriser les validations des acquis des expériences (VAE) dans les déroulements de carrière.

Élargir le recours au contrat pour donner plus de souplesse dans les recrutements et mobiliser de nouvelles expertises

Le statut de la fonction publique permet déjà le recours aux contractuels mais il est fortement encadré. Depuis longtemps, le concours n'est plus l'unique et prépondérante porte d'entrée : ainsi, 57 % des nouveaux arrivants dans la fonction publique territoriale sont des contractuels, en raison des difficultés de recrutement, d’expertises recherchées, d’accroissement temporaire d’activité… Il convient de préciser que le coût d'un contractuel est plus élevé qu'un fonctionnaire : outre la négociation salariale d'entrée, il existe également des différences de cotisations patronales (par exemple, pour un attaché, le coût employeur est de 1,53 % plus élevé).
 
Si le concours doit rester le principe et le contrat l'exception, des voies doivent être trouvées pour assouplir le recours aux contrats sur tous les grades, si tant est qu’un certain nombre de conditions soient réunies.
 
De façon générale, l’échange de pratiques entre secteurs public et privé est à encourager sous toutes ses formes et les aller-retour à favoriser dans le respect des règles de la déontologie.
 
L’Association des DRH des grandes collectivités propose donc de :

  • permettre le recrutement des agents de catégories B sur trois ans, à l’instar des catégories A pour lesquelles il convient d’alléger le contrôle préfectoral en opportunité (variable selon les réalités locales) ;
  • travailler à l’extinction des vacataires ou contrats horaire (notamment via des motifs à contrats élargis sous forme de mensualisation) ;
  • créer des contrats de mission limités dans le temps et pour certaines activités spécifiques, notamment pour accompagner les transformations ;
  • mieux valoriser les expériences réalisées dans le secteur privé, en autorisant une reprise d’ancienneté supérieure à 50 % ;
  • rendre les formations avant et après titularisation obligatoires pour les contractuels, dans une optique de culture commune ;
  • faciliter les sorties définitives individuelles de la fonction publique (aides financières aux reconversions professionnelles et retraites anticipées) et les cessations progressives d'activités pour les métiers dits pénibles.

Une fonction publique plus représentative et ouverte

La fonction publique doit être représentative de la diversité de la société française. Un effort important doit être porté à cette thématique en raison des impératifs républicains qui lui incombent. Le rapport « Les discriminations dans l'accès à l'emploi public » de Yannick L'Horty de juillet 2016 pose des constats objectifs qui doivent mener à de nécessaires évolutions législatives et réglementaires.
 
Elle doit d'une part impérativement porter une vigilance accrue aux inégalités hommes-femmes, conformément à ses obligations rappelées dans la loi Sauvadet. L’écart de salaire net mensuel en équivalent temps plein (ETP) entre hommes et femmes dans la fonction publique territoriale est de 10,9 %. Il s’accroît avec l’âge : il est de 6,5 % entre 30 et 39 ans et de 15,5 % à plus de 50 ans.
 
Elle doit veiller à un accès pour tous, quels que soient leur origine géographique et sociale et leur cursus de formation. La diversification des voies d’accès est donc indispensable : apprentissage, évolution des contrats aidés, convention REP…
 
La meilleure valorisation des expériences réalisées dans le privé et la facilitation des mobilités professionnelles permettra aussi d’y concourir. Malheureusement, sur fond de « fonctionnaire-bashing », les opportunités professionnelles ouvertes par la fonction publique territoriale restent largement méconnues. Elles gagneraient pourtant à attirer de nouvelles compétences et à offrir des secondes carrières à tout citoyen intéressé par des missions d’intérêt général.
 
Ainsi, l’Association des DRH des grandes collectivités estime nécessaire de :

  • repenser les épreuves de concours et la composition des jurys en renforçant les épreuves tournées vers davantage d’opérationnalité afin de mieux valoriser la diversité des profils et des parcours ;
  • renforcer la promotion des concours et des carrières administratifs auprès des jeunes (bacheliers, étudiants et élèves de grandes écoles) mais aussi des gens recherchant des opportunités (Pôle Emploi, APEC…) ;
  • développer les concours sur titre pour les titulaires d’un diplôme reconnu (notamment les professions réglementées déjà en tension de recrutement dans de nombreuses collectivités. Ex : le personnel médico-social) ;
  • diversifier les voies d’accès en renforçant le développement de l’apprentissage et de l’alternance via la valorisation de cette voie d'accès, par la transmission des savoirs (tutorat ou mentorat).
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