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23 / 03 / 2017 | 11 vues
Jacky Lesueur / Abonné
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Quelles évolutions dans l’engagement des salariés syndiqués ?

Une étude du ministère du Travail décortique l’engagement syndical depuis les années 1980 (*). Elle apporte un certain nombre d'élements de réponses intéressants sur nombre de questionnements.

Combien de salariés s’engagent activement dans les syndicats ? Avec quelle intensité participent-ils aux activités de leurs organisations ? Dans quelles proportions les syndiqués s’impliquent-ils dans les élections professionnelles, dans les conflits collectifs du travail ou dans d’autres causes extérieures à l’entreprise ?

Maria Teresa Pignoni, chercheuse à la direction des études du ministère du Travail, s'est posé toutes ces questions. La sociologue a également scruté l’engagement militant des salariés ces trente dernières années.
Premier constat : la présence d’un syndicat sur le lieu de travail est un facteur déterminant pour qu’un salarié se syndique. Plus de 90 % des salariés syndiqués signalent la présence d’une organisation syndicale dans leur entreprise et près de 75 % dans leur établissement, signale l’étude de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES).

Si on tient compte uniquement des salariés travaillant dans des entreprises ou administrations dotées de syndicats, la part des syndiqués s’élève à 19 % (23 % dans la fonction publique et 16 % dans le privé), poursuit la DARES. Le taux chute à 2 % sur les lieux de travail dépourvus d’organisations syndicales.

Engagés dans le syndicat mais aussi ailleurs

En cas de conflits dans les entreprises, sectoriels ou interprofessionnels, la grande majorité des salariés ayant connu au moins un débrayage ou une grève dans leur établissement travaillent dans une entreprise de plus de 50 salariés. Seuil à partir duquel la présence de délégués syndicaux est possible.

Autre constat de l’étude : les salariés syndiqués adhèrent deux fois plus souvent que leurs homologues non syndiqués à des associations sociales, caritatives, humanitaires ou à des partis politiques. En cas d’élections politiques, ils sont également plus nombreux à glisser un bulletin dans l’urne.

Le portrait-robot du syndiqué dessiné par l’étude montre un homme de 50 ans, cadre intermédiaire ayant au moins le baccalauréat travaillant dans une grande entreprise ou dans la fonction publique. Mais comme tous les portraits robots, il est à prendre avec des pincettes. Car le tableau est en trompe-l’œil et parmi les syndiqués les plus engagés, on trouve les ouvriers de plus de cinquante ans ayant un diplôme inférieur ou égal au baccalauréat. Les femmes dans tout ça représentent 44 % des effectifs des salariés syndiqués et 41% des syndiqués très actifs.

Peur des représailles

Les TPE et PME de moins de 50 salariés seraient-elles des déserts syndicaux ? Selon 42 % des salariés des très petites entreprises et 24 % de ceux œuvrant dans des établissements de 11 à 49 salariés, aucune élection professionnelle ne s’est tenue sur leur lieu de travail. Parmi les freins à la syndicalisation figure la peur des représailles. Mais une fois passé cet écueil et que le salarié prend sa carte, l’inscription dans le militantisme correspond à un réel engagement. Depuis le début des années 1980, cette forme de militantisme semble s’être émoussée. Avec une adhésion de plus en plus tardive, l’âge médian des syndiqués étant passé de 39 ans en 1983 à 45 ans en 2013. L’étude précise en outre que 11 % des salariés âgés entre 25 et 29 ans étaient syndiqués en 1983, contre 3 à 4% dans les années 1990. Quant aux trentenaires, ils étaient deux fois plus syndiqués au début des années 1980 qu’en 1990 et près de trois fois plus qu’en 2013.

Mais les syndicats ne sont pas les seuls à avoir fait les frais de cette tendance. La désaffection militante touche toutes les formes d’engagement.

Si de nombreux politiques pointent de manière récurrente le faible taux de syndicalisation français, les organisations syndicales comptabilisent plus d’adhérents que la plupart des autres organisations, y compris les partis politiques.

Instabilité professionnelle

Maria Teresa Pignoni indique par ailleurs que l’ancien modèle de l’engagement militant masculin, ouvrier et industriel a été ébranlé par la forte transformation du tissu productif et du salariat : privatisation des grandes entreprises publiques, développement du temps partiel, des CDD et de la sous-traitance, augmentation de la part des PME, explosion du nombre de d’emplois de courte durée par rapport aux années 1980.

En 2013, 27 % des salariés de moins de 30 ans ont eu un contrat temporaire, contre 10 % en 1982.

La difficulté à s’inscrire et à s’investir dans des collectifs et des relations de travail souvent trop instables ou imprévisibles rendent encore plus improbable l’adhésion aux organisations syndicales, conclut l’étude.

Si plus de flexibilité du travail fragilise les organisations syndicales, entraînant ainsi encore plus de flexibilité, la loi sur le travail du 8 août 2016 n’arrangera guère la situation avec l’inversion de la hiérarchie des normes, l’introduction du référendum et mise à l’écart croissante des organisations syndicales.

(*) http://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/2017-015.pdf

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