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06 / 10 / 2025 | 28 vues
Theuret Johan / Membre
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Le sérieux budgétaire exige plus que des slogans

Peut-on se réclamer du sérieux budgétaire quand on prévoit des baisses d’impôts pour diminuer le déficit public ? Le sérieux budgétaire exige plus que des slogans !

 

Alors que le Premier ministre Sébastien Lecornu a transmis son projet de budget au Haut conseil des finances publiques et que certaines mesures nourrissent déjà le débat public, Le Sens du service public alerte sur le risque de faire encore une fois payer la facture des baisses d’impôts annoncées aux services publics. En 2024, le déficit public s’est élevé à 169,6 milliards d’euros, soit 5,8 % du PIB. Pour 2025, le gouvernement vise une réduction du déficit à 5,4 % du PIB, soit plusieurs dizaines de milliards d’euros à trouver en recettes ou maîtrise de dépenses.

 

Si le niveau atteint par le déficit public actuel impose des mesures d’urgence, la situation devrait empêcher toute nouvelle baisse fiscale supplémentaire, au risque sinon de remettre en cause le financement des services publics.

 

1. Un déficit alimenté par les baisses fiscales

 

Depuis 2017, l’État a concédé d’importantes allègements fiscaux et sociaux, sans contrepartie suffisante, pour un montant total cumulé de plus de 60 milliards d’euros par an (suppression progressive de la taxe d’habitation sur les résidences principales, réforme de la CVAE (Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises), suppression de la redevance audiovisuelle, baisse du taux de l’impôt sur les sociétés, de 33,3 % à 25 %, transformation du CICE en allègement pérenne de cotisations sociales…). Ce sont ces pertes de recettes qui affaiblissent structurellement les finances publiques.

 

De nouvelles baisses fiscales constitueraient un pouvoir d’achat en trompe-l’oeil, car les quelques euros économisés seraient payés au prix fort par la réduction de services publics essentiels. Parmi eux, les plus modestes seraient les premiers concernés.

 

2. Les services publics, un rempart contre les inégalités et un carburant de l'économie

 

Les services publics ne sont pas un simple poste de dépenses : ils constituent un pilier fondamental de la redistribution sociale.

Grâce à cette redistribution, les revenus des 10% les plus aisés ne sont plus que 3 fois supérieurs à ceux des 10% les plus modestes (contre 18 fois avant redistribution), les transferts en nature réalisés par les services publics (éducation, santé, sécurité, logement) contribuant pour moitié à la réduction des inégalités.

 

Ce qui est moins dit dans le débat public français, c’est que les services publics sont aussi au service… de l’économie et des entreprises. Une population formée et en bonne santé, des infrastructures de télécommunications et de transports, des politiques d’aménagement du territoire, des commandes publiques sont autant de ferments qui soutiennent la croissance et l’innovation, favorables à la réduction des déficits publics.

 

3. Le courage serait celui d’une fiscalité juste et d’une revisite ciblée de certaines dépenses

 

La seule voie crédible pour réduire durablement le déficit, sans remettre en cause notre modèle social, c’est de restaurer les recettes de l’État, des collectivités locales et de la sécurité sociale de façon juste, efficace et équitable, par une fiscalité progressive accrue sur les plus fortunés, tout en remettant à plat certaines dépenses publiques, en interrogeant leurs ciblages, en contrôlant leur utilité, en conditionnant leur versement.

 

L’urgence est surtout celle de renoncer à de nouvelles baisses fiscales pour ne pas sacrifier la stabilité budgétaire et la crédibilité de l’État à terme.

 

Cette démarche n’est pas une option idéologique mais un devoir de responsabilité collective.

                                                                                          ***

Le sérieux budgétaire exige plus que des slogans : il impose le refus de nouvelles baisses fiscales non financées, l’acceptation de la progressivité fiscale pour ceux qui en ont les moyens et le maintien de services publics solides qui assurent l’équité sociale, le bien-être collectif, la robustesse de notre économie et in fine la durabilité de nos finances publiques.

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Dans le cadre des contributions aux débats du moment sur le sujet, on pourra lire avec intérêt  le rapport  (*) issu d’un travail collectif coordonné par Simon-Pierre Sengayrac,Co-directeur de l'Observatoire de l'économie à la Fondation Jean Jaures 

 

Si le niveau de la dette publique, aujourd’hui à un sommet historique, doit être réduit, la trajectoire présentée depuis un an par les gouvernements successifs est aussi brutale qu’irréaliste. La réduction du déficit, certes impérative, ne doit pas se faire au détriment des plus vulnérables, ni de l’avenir du pays.

 

Le rapport propose une trajectoire de retour à l’équilibre plus réaliste et plus juste : un retour progressif sous la barre des 3% de déficit exprimés en points de PIB, non pas en quatre ans, mais à l’horizon de 2032.

 

Cette approche permet pour les auteurs  de concilier rigueur budgétaire et protection des priorités nationales, sans sacrifier les plus fragiles ni hypothéquer le futur.

 

(*)  https://www.jean-jaures.org/wp-content/uploads/2025/09/budget2026.pdf