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15 / 05 / 2023 | 117 vues
Frédéric Homez / Abonné
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Voiture électrique : une révolution peut en cacher une autre !

Le passage au tout-électrique n’est pas seulement une question technique, même si la question mobilise pleinement les services de R&D. C’est une voiture d’un type nouveau qu’il faut mettre au point, dans laquelle la notion même de conduite est à repenser à l’aune de la connectivité et de l’intelligence artificielle.

 

Explications....

 

Le passage au tout-électrique en matière d’automobile est souvent qualifié de révolution, et pour une fois, le terme n’est pas galvaudé. Jusqu’à présent, les constructeurs ont proposé une gamme électrique reposant sur l’électrification de modèles thermiques existants.Cette phase transitoire où les modèles thermiques et électriques sont souvent construits ou adaptés sur les mêmes plateformes ne durera pas. Demain, il faudra concevoir des modèles totalement nouveaux afin de mieux en prendre en compte les spécificités de l’électrique, ce qui va se traduire par des changements plus profonds sur tous les composants des voitures.

 

Avec l’utilisation du freinage régénératif, c’est toute la façon dont est abordé le domaine ô combien vital du freinage qu’il faut revoir dans un véhicule électrique. Sur la plupart des VE, une pression sur la pédale de frein n’actionne pas les mâchoires ni les disques, mais le frein moteur. Ce n’est qu’ensuite, si la pression se fait plus importante ou plus subite, que les « vrais » freins entrent en jeu. De fait, dans la majorité des cas, le frein moteur suffit dans une conduite courante. Ce qui amène les ingénieurs à redéfinir la notion même de freinage, et donc de l’équipement correspondant.

 

Néanmoins, les systèmes de freinage des VE doivent supporter dans leur utilisation des contraintes plus fortes que pour un véhicule thermique. En raison du poids plus important des VE dû à la présence  des packs de batteries, les plaquettes de frein doivent fournir une puissance de freinage supérieure, même si elles sont moins sollicitées.

 

En outre, les accélérations nettement plus vives sont susceptibles d’augmenter l'incidence des arrêts brusques et violents, avec une énergie cinétique plus grande à absorber, d’où la nécessité d’un freinage très performant. Les jantes sont un autre sujet qui occupe fortement les bureaux d’études. Si la question de leur résistance au frottement de l’air n’est pas neuve, elle trouve une nouvelle pertinence à l’ère de l’électrique quand on sait qu’une roue bien profilée peut faire gagner jusqu’à 5 % d’autonomie. Il ne faudra pas pour autant oublier l’esthétique, qui participe à la ligne globale du véhicule et donc à son succès commercial.

 

C’est la même idée qui guide le changement concernant les pneus des voitures électriques qui, eux aussi, se différencieront afin de répondre à deux contraintes principales : le poids et l’aérodynamique, tous deux cruciaux en matière de conception de véhicule électrique. Le poids et le positionnement des batteries des véhicules électriques exercent également une pression supplémentaire sur le châssis, contraignant à revoir l’ensemble des éléments de liaison au sol, notamment la direction et la suspension
 

A toute vitesse
 

Eh oui, l’existence de rapports mécaniques et de leur transmission a peut-être été mise à la trappe un peu rapidement, démontrant au passage les dangers qu’il y a à vouloir changer l’industrie trop rapidement. Beaucoup de constructeurs font pour l’instant l’impasse sur la boîte de vitesses pour les VE, vue comme un équipement inutile, qui ajoute au véhicule complexité, poids et coût sans pour autant lui conférer plus de fiabilité.

 

Et pourtant, comme dans un moteur thermique, toute la question est de transmettre aux roues la puissance d’un moteur dont le nombre de rotations connaît une limite maximale. La boîte de vitesses semble en fait avoir été écartée un peu trop rapidement. En côte ou chargé, un rapport de démultiplication plus petit améliore l’accélération. Sur autoroute par exemple, un rapport plus élevé permet de privilégier la vitesse de croisière et de maximiser l’autonomie.


Porsche et Audi se sont ainsi singularisés en faisant le choix d’installer une transmission à deux rapports sur le Taycan et l’e-tron GT, optimisant à la fois la performance à l’accélération mais aussi l’efficience à vitesse stabilisée, tandis que Bosch a mis les bouchées doubles pour développer ce type de dispositif. Outre l’autonomie, cela autorise le choix d’adopter une batterie et/ou un moteur moins important et meilleur marché tout en conservant les performances.


Et ce ne sont là que quelques-uns des éléments qui occupent les services de R&D, tant chez les constructeurs que les équipementiers, même si ces derniers, bien que conscients des enjeux, consacrent encore beaucoup d’énergie à proposer du neuf pour ce qu’on peut appeler les VE de transition. Ils étaient particulièrement bien représentés aux deux dernières éditions du Consumer Electronics Show (CES) de Las Vegas, pourtant habituellement dominé par les Google, Amazon et autres Microsoft. Valeo y a présenté les fruits de sa co-entreprise avec Siemens, eAutomotive, via un démonstrateur équipé de ses nouveaux moteurs électriques, d’un onduleur et d’un réducteur (l’équivalent d’une boîte de vitesses).
 

L’équipementier a illustré son effort de diversifications avec une moto pourvue d’un module 48V. Bosch a pour sa part présenté la dernière version de son Advanced Driving Module (ADM), qui simplifie la conception des voitures électriques et améliore leurs performances, en réunissant le groupe motopropulseur, le freinage et la direction en une seule unité plus rapidement intégrable à un VE et avec un meilleur coût. Mais comme pour beaucoup d’acteurs du secteur, c’est dans le domaine du numérique que s’est joué le spectacle.
 

Pour le monde de l’auto, deux défis majeurs sont en effet à relever : la révolution numérique avec le véhicule intelligent et connecté, ainsi que la mutation sociétale des nouveaux usages de la voiture et de la mobilité. La voiture connectée va exiger un développement logiciel colossal. Au passage, cela promet aussi un impact considérable sur les besoins de recrutement .


Sur un véhicule neuf, truffé d'un nombre toujours croissant de composants électroniques (le cabinet Yole Développement prévoit un doublement d’ici 2027 !), on peut dénombrer jusqu’à 100 millions de lignes de codes, soit davantage que dans un avion ! Mobilisés sur l’électrique, les équipementiers et les constructeurs se livrent une bataille plus discrète sur ce sujet. Il « représente aujourd’hui 10 % de la valeur d’une voiture. En 2030, ce sera 40 %», prophétisait Luca de Meo, le directeur général de Renault, au salon VivaTech en juin dernier. La présence à ses côtés du patron de Qualcomm n’était d’ailleurs pas un hasard, le groupe ayant choisi de s’associer à un des géants de la Silicon Valley pour préparer la voiture de demain.
 

Conducteur en option
 

A Las Vegas, donc, Valeo a ainsi mis en avant de nouveaux équipements d’aide à la conduite qui préfigurent le véhicule autonome, comme son scanner LiDAR de troisième génération, un radar basé sur l’infrarouge, censé arriver sur le marché en 2024. Continental, qui joue sur le même tableau avec des équipements similaires, a de plus démontré sa maîtrise des architectures logicielles complexes, avec le HPC, que Volkswagen commercialise déjà sur sa gamme électrique ID.
 

Marelli a exposé ses dernières générations d’aide à la conduite, comme des capteurs flexibles ultra miniaturisés ou encore des radars détectant des objets jusqu’à 250 mètres de distance. L’équipementier a aussi fait la part belle à ses travaux d’intégration des capteurs et des radars dans les véhicules, essentiellement dans les blocs optiques.
 

Bosch a annoncé qu’il allait regrouper au sein de sa filiale ETAS le développement de logiciels de base et d’intergiciels indépendants des applications (qui leur permettent de communiquer entre elles), ainsi que de modules logiciels basés sur le cloud destinés aux mises à jour logicielles. Il a également présenté son Virtual Visor, un pare-soleil numérique transparent connecté à la caméra de surveillance de l’habitacle et qui détecte la position des yeux du conducteur et adapte l’opacité de l’écran à la luminosité extérieure, mais promet également d’autres applications pour la conduite autonome.
 

Bosch s’est aussi illustré avec son service d’assistance technique numérique, intégré dans un univers d’après-vente connecté où machines et hommes échangent des données en fonction des besoins, afin de réparer et d’entretenir efficacement les véhicules, avec tout ce que cela laisse attendre d’avantages en termes de maintenance prédictive.
 

Enfin, diversification oblige, l’équipementier a présenté sa nouvelle génération de eBike Systems (vélo à assistance électrique) qui ajoute à la conduite du vélo l’expérience utilisateur numérique grâce à la connectivité.
 

Pour le moment, aucun acteur n’a poussé la diversification jusqu’à développer bornes et infrastructures de recharge, qui constituent pourtant un marché conséquent. Du côté de ZF, équipementier allemand spécialiste des technologies de transmission et de châssis, les innovations destinées à la conduite autonome ont tenu le haut du pavé, de même que les architectures logicielles avancées pour les futures générations de véhicules, incluant la supervision de paramètres tels que la dynamique au niveau du châssis pour une optimisation des performances et de la sécurité.

Côté constructeurs, différents rachats et regroupements montrent la conscience aiguë de la situation et une volonté affirmée de se positionner au centre de ce nouveau marché. Renault n’est pas le seul à se développer sur le logiciel. Le rachat par Stellantis, en fin d’année, d’aiMotive montre que la course à la voiture autonome est bel et bien lancée. Cette start-up hongroise spécialisée dans l’intelligence artificielle et les systèmes d’aide à la conduite doit aider Stellantis à mettre au point une future plateforme technologique pour atteindre le niveau 3 d’autonomie, celui où l’intervention du conducteur devient optionnelle pour certaines manœuvres ; théoriquement en 2024.


Autre question qui concerne directement les constructeurs : celle des mises à jour est également devenue centrale, comme de nombreuses innovations présentées à Las Vegas l’ont montré. A cet égard, le bon vieux GPS se retrouve à nouveau sous les projecteurs. Plus question de mises à jour aussi coûteuses qu’hasardeuses, les constructeurs s’attachent à préparer des versions mises à jour en temps réel et incluant un outil de planification des trajets prenant en compte les étapes de recharge ainsi que leur disponibilité.
 

Avec les nouveaux usages de mobilité, la logique change : il s’agit presque autant de vendre un véhicule que de facturer les services de mobilités qui vont avec. A cet égard, les constructeurs sont déjà à l’offensive. Avec Mobilize, Renault ambitionne de réaliser 20 % du chiffre d'affaires du groupe à l'horizon 2030, tandis qu’avec Free2Move, Stellantis compte étendre sa présence mondiale à 15 millions d'utilisateurs actifs à la même échéance. Enfin, la révolution automobile et les juteux marchés qu’elle promet attirent une nouvelle catégorie d’acteurs. Electronique de puissance, capteurs, fusibles…
 

Au salon Electronica, qui se tenait mi-novembre à Munich, STMicroelectronics a dévoilé l’arsenal de produits qu’il développe pour équiper les véhicules électriques. Avec l'ambition de se faire une place dans un marché d’avenir pour l’électronique. « C’est un marché énorme qui s’ouvre pour l’électronique », faisait alors observer Daniel Derrien, application manager de l’entreprise. La concurrence promet d’être rude.

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