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27 / 12 / 2021 | 137 vues
Eric Peres / Abonné
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Nomadisme numérique : la fin du « métro, boulot, dodo »

Encore méconnu en 2019, le télétravail est tristement célèbre et plébiscité depuis la pandémie. Sa mise en œuvre en situation exceptionnelle a permis sa généralisation en période ordinaire. Pour preuve, le nombre d’accords collectifs en la matière ne cesse d’augmenter. En outre, plus de 800 accords avaient été conclus dans les entreprises avant même la conclusion de l’accord national interprofessionnel de novembre 2020. Depuis, la dynamique de négociation sur ce point ne faiblit pas. Elle répond, entre autres, aux attentes des salariés qui « contraignent » parfois les entreprises à repenser leur mode d’organisation du travail. La culture du présentiel, chère aux managers français, est progressivement abandonnée (ou doit l’être) pour passer dans une logique de confiance.

 

L’expansion du télétravail s’inscrit-elle dans les prémices de l’explosion du nomadisme numérique ?

 

Le nomadisme numérique est le terme employé pour qualifier des gens exerçant un métier numérique leur permettant simultanément de travailler à distance et de voyager. À l’instar du véganisme, le nomadisme est un mode de vie. Ce qui est recherché et/ou attendu n’est pas tant de travailler à domicile que d’exercer ses missions dans un cadre qui varie régulièrement. De plus, le nomadisme n’affecte pas seulement la sphère professionnelle de la personne qui exerce cette activité mais également sa vie personnelle. En l’occurrence, la conciliation entre ces deux temps est perméable à l’extrême.

 

Aujourd’hui, un nouveau triptyque dans le monde du travail semble se dessiner face non seulement à la place toujours plus accrue du numérique dans notre société mais aussi au regard des attentes évolutives des travailleurs : télétravail, flex office (littéralement « bureau flottant ») et nomadisme numérique.

 

Aujourd'hui, alors que nous entendons certaines organisations syndicales proposer les 32 heures hebdomadaires, pourquoi ne pas, sans aller jusque là, mettre la semaine de 4 jours sur le devant de la scène (pour en savoir plus voir Chronique sociale, « La semaine de 4 jours : travailler moins pour travailler mieux » du 8 septembre 2020). Toutefois, ces réflexions semblent bien trop éloignées des possibilités permises à l’égard des nomades puisque, par principe, ils établissent eux-mêmes leurs propres horaires de travail. C’est l’avantage du statut d’indépendant.

 

Lorsque l’on pense « nomade numérique », on imagine souvent des gens sur une plage paradisiaque avec leur ordinateur. Certes, il en existe mais cela n’est pas représentatif de l’ensemble des praticiens. Même si, sur le papier, la pratique pourrait être tentante, elle génère de nombreuses craintes. En premier lieu, la dimension psychologique est un obstacle majeur : isolement, difficulté à élaborer une vie personnelle etc. Les enjeux financiers doivent eux aussi être pris en considération. Aussi la question du mode de nomadisme se pose-t-elle : auto-entrepreneur, freelance ou salarié en télétravail ? Dans les deux premiers cas, la sécurité de l’emploi n’est pas garantie. Autrement dit, devenir nomade numérique ne se décrète pas et invite de fait à un travail d’introspection car le nomade construit son propre monde du travail : un monde du travail personnel.

 

Nomadisme et travail en entreprise : cette articulation est-elle envisageable ? Dans un premier temps, il semblerait qu’une réponse négative se profile. En effet, il est préalablement nécessaire de s’imprégner de la culture de l’entreprise, à l’instar du télétravail qui ne peut se faire immédiatement (hors cas de circonstances exceptionnelles). Ce n’est pas pour rien que les partenaires sociaux préconisent de ne pas dépasser deux jours de télétravail par semaine. Or, par définition, le nomade numérique se situe à plusieurs centaines (voir milliers) de kilomètres de son lieu de travail. La possibilité de créer puis de maintenir des liens avec le collectif de travail lui est extrêmement difficile (même si cela n’est pas impossible).


De plus, dans de nombreuses hypothèses, le nomade numérique rejette les contraintes inhérentes aux CDI, notamment l’existence du lien de subordination, c’est-à-dire cette relation de dépendance qui lie le salarié à son employeur.

 

Petit rappel sur l’inscription dans le contrat de travail du lieu d’exécution de la prestation : celui-ci n’a qu’une valeur informative. En d’autres termes, l’employeur peut modifier le lieu d’exécution de la prestation à sa guise dès lors que ce changement ne constitue qu’un simple changement des conditions de travail et non une modification du contrat de travail. À titre d’illustration, le changement de secteur géographique suppose l’accord du salarié puisque, dans cette hypothèse, nous sommes en présence d’une modification d’un élément essentiel du contrat. Si le salarié refuse, deux possibilités : soit l’employeur renonce à la modification du contrat, soit il licencie le salarié sachant que le refus du salarié n’est pas un motif valable de licenciement. Autrement dit, l’employeur doit s’appuyer sur le motif espéré par la demande de modification du contrat.

 

Est-il possible de travailler en voyageant ?

 

Oui. De nombreux salariés passent le pas mais l’organisation est le maître-mot : gérer les papiers administratifs du pays dans lequel on souhaite s’installer, trouver un nouveau domicile, vérifier que la connexion wi-fi existe etc. En outre, il faut également prendre le décalage horaire et les obligations professionnelles en considération.


En résumé, la pratique du nomadisme ne peut pas se faire sur un coup de tête : c’est un véritable défi avec des occasions, des risques, de belles rencontres, des remises en question etc. On peut considérer que le nomade numérique est un baroudeur en voie de devenir un expatrié. En revanche, il est certain que ce n’est pas un vacancier.

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