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valerie perot / Membre
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Où en est la fonction QVT dans l'entreprise ?

Article publié le 4 février 2020 sur Le Blog QVT par Nathalie L’Her Brossaud*, consultante QVT et expert chez AEPACT

 

Quelle place pour la fonction QVT en entreprise ? A l’heure où les termes de bien-être et de bienveillance au travail fleurissent dans les discours managériaux, l’intégration stratégique de la qualité de vie au travail à la gouvernance des organisations reste faible. Les interventions menées auprès de différentes organisations m’ont permis de constater que les actions développées dans ce cadre étaient souvent disparates et restaient timorées.


Passer d’une intention positive à un principe de réalité pose la question de l’incarnation de cette fonction dans l’entreprise, chargée de conduire et animer cette démarche transversale. Une quasi-absence de spécialistes QVT en entreprise Le poste de Responsable QVT en tant que tel est quasiment inexistant dans les organisations. Quand il existe, il est souvent assujetti à une autre grande fonction de l’organisation (RH, Relations sociales ou Santé au travail, etc.) avec un champ d’action souvent peu défini. Cette vision cloisonne la thématique qui se veut pourtant transversale. Les accords QVT signés dans les entreprises sont généralement muets quant au développement de véritables fonctions d’animation de la QVT. L’absence de responsable ou l’indigence du contenu de son poste peut ainsi traduire la difficulté des entreprises à s’engager dans une approche intégrative et stratégique de la QVT.
 

La QVT incarne encore souvent une injonction paradoxale


Actuellement, deux acteurs principaux se partagent traditionnellement le pilotage de la QVT : la fonction RH et le management de proximité. L’animation de la QVT revient logiquement à la fonction RH. Ses attributions classiques sur le champ de la prévention et de la gestion des parcours professionnels en font le pilote logique du mieux-être au travail. Mais « le lourd écrase le léger !». La lourdeur administrative et réglementaire de la fonction et le manque de disponibilité constatés des équipes RH les ont éloignés des préoccupations et aspirations des salariés. Dans les grandes organisations, cette fonction est en outre souvent critiquée pour sa méconnaissance des métiers et activités réelles et pour un manque de « poids » face aux autres directions pour soutenir des arbitrages stratégiques favorables à la QVT.


Pour le manager de proximité, la responsabilité du « bien-être » d’une équipe s’impose de plus en plus comme un enjeu. Il lui est demandé de développer désormais un management « bienveillant » afin de créer la confiance et accompagner les salariés dans leur développement ou réorientation lors des changements. Cette prescription ne s’accompagne souvent ni d’une redéfinition des objectifs ou du contenu du poste, ni l’attribution d’outils ou de compétences. Pour beaucoup de managers, la QVT incarne encore souvent une injonction paradoxale et peu compatible avec l’atteinte des objectifs prescrits par l’organisation.
 

De l’injonction au bonheur à la mise en débat des conditions de travail


Rappelons schématiquement les deux approches couramment admises pour définir la QVT :
 

  • L’approche individualiste est centrée sur une recherche d’amélioration des compétences du salarié, l’ajustement de ses comportements et l’amélioration de son environnement de travail et de son bien-être physique et psychique. Cette démarche vise à responsabiliser le salarié à titre individuel.

     
  • L’approche organisationnelle cherche à adapter voire modifier les organisations de travail pour améliorer le bien-être physique et moral de la majorité de salariés. Cette démarche engage prioritairement la responsabilité de l’entreprise.

     

La norme BNQ ** d’origine québécoise, principale certification existant à ce jour en matière de QVT, propose aux entreprises un mélange des 2 approches. Dans la lignée de géants de la nouvelle technologie, de plus en plus d’entreprises associent la QVT à la recherche du bonheur, en développant notamment via la fonction de Chief Happiness Officer (CHO). « La chasse au bonheur est ouverte tous les matins » disait Stendhal, « surtout les jours ouvrables ! ajouterait le CHO ».
Dans les faits, le contenu de cette fonction montre qu’elle relève davantage de la proposition d’activités ludiques ou de de services matériels, (conciergerie, activités physiques, etc.) que d’une réelle réflexion sur la nature du travail et sur l’impact de l’activité sur la QVT. Des travaux scientifiques démontrent à ce titre le peu d’impact de ces activités lorsqu’elles sont prescrites et codifiées.


Pour les salariés français, la QVT passe principalement par une discussion sur les conditions de réalisation de leur travail. Paradoxalement, d’après le dernier baromètre BVA-BPI de février 2019, seulement 15% des salariés interrogés constatent une implication de leur entreprise pour améliorer leur qualité de leur vie au travail.
 

De la nécessité d’un pilotage stratégique de la QVT
 

S’il est admis que la QVT est l’affaire de tous les acteurs de l’entreprise, des hauts dirigeants aux salariés, il apparait indispensable de nommer un pilote dédié pour incarner et animer la démarche. A défaut de pilote, les actions proposées risquent d’être diluées, peu valorisées voire impliquer des contradictions ou des dissonances entre une logique de performance et une logique de qualité de vie au travail. Rattaché à la gouvernance centrale, un responsable du pilotage de la QVT aura pour mission de veiller à l’amélioration continue de la QVT en travaillant en transversalité avec l’ensemble des services ou acteurs concernés sur la construction d’actions partagées.


Ce pilotage garantit :

  • La cohérence des actions développées en faveur de la santé et de la qualité de vie au travail des salariés,
  • Le décloisonnement de la thématique, qui dépasse ainsi les limites qui s’imposent aux fonctions RH et SST,
  • Le caractère durable de la démarche QVT qui n’est ainsi plus conçue comme un projet borné dans le temps
     

Le responsable QVT : un emploi particulier et stratégique pour l’entreprise


La décision de créer une fonction dédiée au pilotage de la Qualité de Vie au travail témoigne de la volonté de la direction de considérer le bien-être des salariés comme un facteur de développement de la performance durable de l’entreprise.


Face à ce choix, elle devra être vigilante à la fois à la position et aux compétences attendues de la nouvelle fonction :

  • Un positionnement transversal et autonome
  • Le rattachement direct du pilotage de la QVT à la gouvernance (DG, Présidence, etc.) est nécessaire afin d’accorder à cette fonction un réel pouvoir permettant de peser sur les arbitrages et de travailler en transversalité avec les autres composantes.
  • La présence du pilote interne de la QVT au sein des instances de direction (COMEX, CODIR, etc.) est également nécessaire afin qu’il puisse agir en connaissance de l’ensemble des enjeux, favoriser la cohérence des différents projets leur cohérence et contribuer à la maîtrise de leurs impacts humains.
  • Des compétences de Chef de Projet couplées à un savoir-faire relationnel pointu.

     

Transversal par essence, le pilotage de la QVT ne renvoie pas à un savoir-faire technique ou méthodologique (psychologie du travail, ergonomie, etc.). Il s’agit plus d’un profil s’appuyant sur des compétences généralistes de coordination, une capacité affirmée à concevoir et défendre une stratégie dans un contexte organisationnel complexe, tout en s’appuyant sur les bonnes expertises techniques le moment voulu. A cette expertise spécifique, une capacité de négociation, de médiation et d’aptitude à la recherche compromis est indispensable au regard des enjeux managériaux et de dialogue social associés à la QVT.



* Intervenant dans les entreprises depuis plus de 25 ans (PME et GE) sur les questions RH, d’organisation, conditions de travail et Prévention, Nathalie L’her a acquis une expertise en matière d’identification et de construction de dispositifs de Prévention et Qualité de Vie au Travail. Son expérience au sein de l’ANACT (l’Agence Nationale d’Amélioration des Conditions de Travail), et au sein d’AEPACT, expert en santé, sécurité et conditions de travail, puis sa certification en tant que Chef de projet QVT à l’AFNOR lui permettent de proposer des formations, un conseil spécifique et des méthodes opérationnelles pour articuler mieux être au travail et performance collective.


** La norme BNQ 9700-800 « Prévention, promotion et pratiques organisationnelles favorables à la santé en milieu de travail » a été élaborée par le Bureau de normalisation du Québec (BNQ) ; elle a été la première à offrir un cadre de référence en matière de santé et mieux-être au travail. Appelée communément « Entreprise en santé », elle vise à établir les meilleures pratiques pour favoriser : le maintien et l’amélioration durable de la santé des personnes, l’intégration de la valeur de la santé des personnes dans les processus de gestion de l’entreprise, la création des conditions favorables à la responsabilisation des personnes par rapport à leur santé.

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