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22 / 10 / 2019 | 342 vues
Jean Yves Le Gall / Membre
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« Dans une coopérative, plus qu’ailleurs il faut un dirigeant » - Jacques Landriot, CGScop

Dans le cadre des rencontres « idéaux et débats » du CIRIEC, entretien avec Jacques Landriot, président de la Confédération générale des sociétés coopératives (CGScop).
 

Pouvez-vous nous rappeler les spécificités du statut de vos entreprises par rapport à l’économie de marché ?
 

L’origine des coopératives (cette forme d’entreprise dans laquelle les salariés se partagent la majeure partie du capital et le pouvoir de décision) remonte au milieu du XIXe siècle, avec la révolution de 1848 et la Commune de Paris. D’après la dernière enquête IFOP auprès du grand public (2016), 67 % des gens interrogés savent ce qu’est une Scop et 91 % estiment que les Scop permettent de donner un sens au travail. Le modèle coopératif n’a jamais été autant d’actualité qu’en cette période de très forte envie de création d’entreprise. D’autant que, contrairement aux idées reçues, rien ne contraint une coopérative à rester une petite structure et, comme toutes les autres entreprises, une coopérative est soumise à l’impératif de profitabilité. Une coopérative, c’est une personne = 1 voix en assemblée générale. Chaque salarié associé votant en assemblée générale est porteur d’une part sociale qui a une valeur nominale fixée par les statuts. Le capital constitué par le total de ces parts est variable, ce qui permet la libre entrée et sortie des associés. Dans une Scop, une troisième part (d’au moins 16 % des bénéfices et de 45 % dans la pratique) est affectée aux réserves dites impartageables. Tout au long du développement de l’entreprise, elles contribuent à consolider les fonds propres et à assurer sa pérennité, en suivant une stratégie de long terme. Le taux de pérennité des coopératives est de 68 % à 5 ans (60 % pour les entreprises traditionnelles). La part du résultat ainsi affectée aux réserves est déductible de l’impôt sur les sociétés soumise à une procédure de révision quinquennale pour analyser l’évolution du projet coopératif sur la base des rapports annuels de gestion, entre autres.
 

Dans une coopérative, plus qu’ailleurs, il faut un dirigeant. Le président doit avoir une réelle capacité à entraîner ses troupes et une grande force de persuasion et pas seulement auprès des banquiers et des investisseurs. Bien des jeunes entrent dans une coopérative pour partager ses valeurs de démocratie et d’équité dans la répartition des résultats. Les coopératives ont une politique salariale originale. Je préconise un écart de 1 à 13 au maximum entre le plus petit et le plus haut salaire (les plus bas sont souvent situés entre 20 % et 40 % au-dessus du SMIC).
 

Vous portez une vision différente de l’entreprise et, plus largement, de la société : celle de la place de l’humain au cœur des actions et des décisions. Pouvez-vous illustrer cette position ?
 

La Confédération générale des Scop représente plus de 60 000 salariés en France, dans tous les secteurs d’activité (services, BTP, métallurgie, travail adapté…) et 5,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Nous nous donnons les moyens d’accompagner les entrepreneurs attirés par nos valeurs. Scopinvest permet d’investir en titres participatifs dans les coopératives. Le fonds de garantie Sofiscop et la société financière Socoden proposent des prêts à des taux préférentiels. L’année prochaine, la confédération va lancer un fonds qui sera doté à terme de 16 millions d’euros pour accompagner la création et le développement de start-ups coopératives. Nous avons créé un master à Paris Dauphine pour former nos futurs dirigeants. Par ailleurs, il est nécessaire de former tous les membres à la gestion et à la stratégie, dans les sociétés coopératives au sein desquelles chaque salarié est amené à prendre des décisions.
 

Parmi les orientations du mouvement Scop pour la mandature 2016-2020, à l’occasion de votre 36e congrès de Strasbourg, comment avez-vous renforcé l’efficacité du mouvement et assuré le développement des coopératives ?
 

En 2016, au congrès des Scop de Strasbourg, lors duquel j’ai été élu président, le mouvement des Scop a affiché ses priorités pour l’avenir : en premier lieu, affirmer le projet sociétal du mouvement. Par leur gouvernance participative et démocratique et le partage équitable des richesses créées, les Scop et les Scic permettent d’allier performances économiques et valeurs sociales et sociétales. Le mouvement a mis le renforcement de sa stratégie de visibilité et d’influence en œuvre pour affirmer la place de l’humain au cœur des actions et des décisions. En deuxième lieu, renforcer l’efficacité du mouvement au service des performances des adhérents. Dans le cadre de la réflexion prospective, le mouvement a décidé d’adapter son organisation territoriale, à savoir neuf unions régionales à l’avenir, correspondant à une ou plusieurs régions administratives issues de la loi NOTRE et de renforcer la proximité avec les coopératives adhérentes par des comités ou pôles territoriaux. En dernier lieu, changer d’échelle grâce à l’accompagnement de la croissance interne ou externe des coopératives et la poursuite de l’accompagnement des créations ex nihilo et des transmissions de PME. Depuis le lancement du plan de développement « cap 70 000 emplois coopératifs » début 2017, le mouvement affiche près de 7 000 emplois supplémentaires.
 

Où en est le développement des sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) ?
 

Les Scic ont été créées par la loi 2001-624 du 17 juillet 2001. La société de personnes qui prend la forme commerciale société anonyme (SA), société par actions simplifiée (SAS) ou société à responsabilité limitée (SARL) est inscrite au Registre du commerce et des sociétés et soumise aux impôts commerciaux. Cette coopérative est basée sur le principe 1 personne = 1 voix en assemblée générale. Une mise en réserve des excédents est effectuée à chaque clôture des comptes (au moins 57,5 % du résultat affecté aux réserves impartageables, ce taux pouvant être porté par les statuts à 100 %). L’intérêt collectif est souligné par le fait que tous les associés se retrouvent autour d’un objet commun en organisant une dynamique multi-parties prenantes. Ancrée sur un territoire géographique ou au sein d’une communauté professionnelle ou encore consacrée à un public spécifique, la forme Scic peut couvrir tout type d’activité qui rend des services aux organisations ou aux individus, sans restriction. La Scic permet d’associer des salariés, des bénéficiaires (clients, fournisseurs, bénévoles et collectifs de toute nature), un troisième type d’associés, selon les ambitions de l’entreprise (entreprise privée, financiers ou associations). Les collectivités territoriales, leurs groupements et les établissements publics territoriaux peuvent devenir associés et détenir jusqu’à 50 % du capital. La croissance des Scic est une tendance qui s’affirme avec un taux de progression de 14 % en un an, soit 868 Scic en 2018. À ce jour, près de 60 % des Scic sont actives dans le secteur des services et autour de 10 % d'entre elles opèrent dans le commerce et dans le secteur de l’éducation, de la santé et de l’action sociale. Leur développement est notable dans le cadre de la transformation des associations.
 

Comment voyez-vous l’évolution de l’économie sociale et solidaire ?
 

Nous pensons que l’économie sociale et solidaire est en capacité de répondre aux besoins nouveaux de la société en matière d’éducation, de santé et de formation. Les jeunes salariés sont attirés par les valeurs de démocratie et par les entreprises porteuses de sens. Nous devons investir le terrain politique et miser sur le lobbying : de nombreux ministères ignorent encore le fonctionnement et les atouts des Scop. Les différentes familles de l’économie sociale et solidaire doivent se pencher sur le dossier des entreprises à mission. En effet, la loi PACTE, qui veut engager les entreprises à plus de social, nous interpelle. Les entreprises de l’économie sociale et solidaire sont en quelque sorte une préfiguration des entreprises à mission. Nous étudions avec attention les possibilités que ce nouveau statut pourrait offrir pour les coopératives.
 

Quelques chiffres
 

La Confédération générale des Scop représente plus de 60 000 salariés en France dans tous les secteurs d’activité et 5,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Depuis le lancement du plan de développement « cap 70 000 emplois coopératifs » début 2017, le mouvement affiche près de 7 000 emplois supplémentaires. La croissance des SCIC est une tendance qui s’affirme avec un taux de progression de 14 % en un an.

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