Participatif
ACCÈS PUBLIC
08 / 12 / 2016 | 1810 vues
Conseil supérieur Ordre Des Experts-Comptables / Membre
Articles : 15
Inscrit(e) le 04 / 06 / 2014

Dévolution des biens du CE : quelles obligations ? Comment s’y prendre ?

Arnaud Largier, membre du comité CE du conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables.

Une réorganisation est-elle actuellement en cours dans votre entreprise et/ou dans votre groupe, au terme de laquelle votre comité d’entreprise est appelé à disparaître (fusion, scission de l’entreprise, disparition partielle…) ? Votre CE est-il propriétaire de plusieurs biens immobiliers et est-il engagé dans des activités sociales et culturelles importantes ?

Les dévolutions constituent un moment important de la vie du CE et il est crucial de connaître l’ensemble des étapes à respecter, de maîtriser la mise en œuvre du processus et d’identifier les institutions pouvant être destinataires des biens.

Le principe général de la dévolution

La loi n’a pas expressément défini les règles qui s’appliquent aux comités d’entreprise ou aux comités d’établissement suite aux restructurations de groupe. Seuls les cas des fermetures définitives d’entreprises ont été appréhendés par la loi. Le législateur n’a donc traité que l’hypothèse de la disparition du CE suite à la cessation des activités de l’entreprise mais pas celle de la fermeture d’un seul établissement.
Selon les termes de l’article R 2323-39 du Code du travail, « en cas de cessation définitive de activité de l'entreprise, le comité décide de l'affectation des biens dont il dispose. La liquidation est opérée par ses soins, sous la surveillance du directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle ». C’est donc le CE qui organise la transmission de ses biens, sous la supervision de la DIRECCTE. Par ailleurs, l’article R2323-39 précise que « la dévolution du solde des biens est réalisée au crédit :

  • soit d'un autre comité d'entreprise ou interentreprises, notamment dans le cas où la majorité des salariés est destinée à être intégrée dans le cadre de ces entreprises ;
  • soit d'institutions sociales d'intérêt général dont la désignation est, autant que possible, conforme aux vœux exprimés par les salariés intéressés.

Les biens ne peuvent être répartis entre les salariés ou les membres du comité.

Cependant, dans le cas où l’entreprise ne disparaît pas (simple disparition du CE), le Code du travail ne précise pas le traitement. Il y a donc un vide juridique face auquel la jurisprudence avance des solutions, toujours au cas par cas. La jurisprudence établit ainsi un lien entre transfert du personnel et transfert du patrimoine. Les biens du CE doivent aller là où vont les salariés transférés. Si le personnel est réparti entre plusieurs établissements, il faudra répartir les biens du CE entre les différents comités d’établissements (Cass. Soc., 23 janvier 1996, n° 93-16.799 ; Cass. Soc., 10 juin 1998, n° 96-20.112). Si un comité d’établissement disparaît alors que l’entreprise subsiste et que les salariés sont transférés dans des sociétés du même groupe, le CE ne peut pas dans le cadre de la dévolution faire un don à une institution d’intérêt général (Cass. Soc, 23 janvier 1996, n° 93-16.799).

Les biens transférés

L’ensemble du patrimoine du CE est transféré. Cela signifie que l’on considère à la fois les biens que possède le CE (son actif, composé d’immeubles, terrains, éléments en stocks, comptes bancaires etc.) mais aussi les ressources de financement du CE (son passif, comprenant les dettes financières, les dettes fournisseurs, les dettes fiscales et sociales, le cas échéant). Ainsi, c’est bien la différence entre l’actif et le passif du CE qui est transféré. On parle dans ce cas de situation nette ou d’actif net.

Il est alors indispensable de procéder, au besoin avec l’appui d’un expert-comptable, à la réalisation d’un état des lieux financier comprenant un bilan avant dévolution (inventaire du patrimoine : immobilisations, stocks, créances et des passifs dévolus), un compte de résultat global et un compte de résultat par budget (AEP et ASC), mais également d’un état des lieux juridique et conventionnel : contrats liés au fonctionnement du CE (location de matériel, assistance, logiciels…), contrats et engagements liés aux activités du CE (associations subventionnées, activités en cours…).

Les bénéficiaires de biens transférés

La dévolution du solde des biens est réalisée au bénéfice soit d'un autre comité d'entreprise ou interentreprises, notamment dans le cas où la majorité des salariés est destinée à être intégrée dans le cadre de ces entreprises, soit d'institutions sociales d'intérêt général. En aucun cas, les biens ne peuvent être transférés aux salariés ou aux membres du CE.
Les biens qui étaient propriété de l’entreprise, mais utilisés par le CE, restent propriété de l’entreprise.

Les biens appartenant à une association, club ou société ne font pas l’objet de dévolution, même si le CE a subventionné l’acquisition desdits biens.
Le CE peut cependant créer une association de bienfaisance à laquelle il pourrait remettre tout ou une partie de ses biens. En revanche, il ne peut pas créer d’association de gestion avant la dévolution à laquelle il transférerait ses biens.

La nature et les modalités des décisions à prendre par le CE qui dévolue

Lorsque la fermeture prochaine de l’entreprise est absolument certaine, le secrétaire du comité va demander la mise à l’ordre du jour d’une séance plénière du comité la dévolution des biens (meubles et immeubles) de celui-ci. Le comité prend alors ses décisions à la majorité des présents.

Les réunions du comité destinées à régler la dévolution des biens ont normalement lieu sous la présidence du chef d’entreprise. Celui-ci ne participe pas au vote qui s’inscrit dans le cadre des décisions relatives à la gestion des activités sociales et culturelles.

Avant sa disparition, le comité d’entreprise a intérêt à régler toutes ses dettes, si c'est possible. En effet, la dévolution concerne légalement « le solde des biens », ce qui suppose que toutes les dettes ont été réglées et que la transmission ne porte que sur l’actif restant. Mais cela n’est pas toujours concrètement possible. En outre, un créancier peut apparaître dans le délai légal de prescription.

Le futur CE bénéficiaire peut-il refuser la dévolution ?

Le CE bénéficiaire, qui parfois reçoit à la fois un actif et des passifs, doit décider par un vote s’il accepte ou non de recevoir les biens transférés. Une attestation validant les sommes en jeu est, de ce point de vue, fort utile.

L’intérêt de faire appel à un expert-comptable

  • Dans le cas d’un CE qui dispose d’une simple comptabilité de trésorerie

Une comptabilité de trésorerie est fondée sur le principe « encaissements / décaissements ». Ainsi, les recettes et les dépenses ne sont prises en compte que lorsqu'elles sont effectivement perçues ou payées. Les recettes acquises (mais non encore perçues) et les dépenses engagées (mais pas encore payées) n'ont pas à être enregistrées.
Dans ce cas, il conviendra de retraiter l’information comptable pour faire apparaître les créances et dettes du CE et réaliser un rapprochement bancaire (en effet, un CE, avec des disponibilités bancaires en apparence importantes mais qui est très endetté car il n’a pas réglé ses fournisseurs, peut être àécouvert le jour de la dévolution).

  • Dans le cas d’une comptabilité d’engagement

Une comptabilité d'engagement repose sur le principe « créances acquises et dettes certaines ». Les opérations (recettes et dépenses) sont prises en compte dès qu'elles sont certaines dans leur principe et déterminées dans leur montant, cela même si elles ne sont pas encore payées. Dans ce cadre, l’information comptable fait déjà apparaître les dettes et créances.
L’expert-comptable pourra attester la cohérence et la vraisemblance des états financiers du CE et le montant des biens transférés dans le cadre de la dévolution. Il s’assurera dans ce cadre que les engagements en cours (donnés et reçus) sont exhaustifs.

Pas encore de commentaires