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24 / 11 / 2014 | 3 vues
Pierre Morville / Membre
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Élections à Orange : les premières leçons

Lors du dernier scrutin, l’UNSA Orange, privilégiant l’efficacité à l’émiettement, avait très tôt décidé d’appeler à voter CFDT pour les élections CE et une liste commune CFDT-UNSA avait été présentée pour les élections CAP réservée aux 58 000 fonctionnaires du groupe Orange, qui se déroulaient le même jour.

Forte participation

La principale surprise du scrutin d’Orange France en a été l’exceptionnelle participation. Sur une population de 98 000 salariés en France (le personnel des filiales métropolitaines ayant son propres rythmes électoraux), 73,8 % des électeurs ont exprimés leur vote, une participation légèrement supérieure aux élections de 2011 (73,6 %).

Ces dernières succédaient à une véritable crise sociale très largement liée aux méthodes de management et à la souffrance au travail, qui avait abouti au départ précipité de l’ancien PDG, Didier Lombard. Ces circonstances exceptionnelles pouvaient alors expliquer la mobilisation électorale des salariés. Aujourd’hui, s’il existe encore de nombreux dossiers sensibles sur le plan social (voir plus bas), Orange connaît un certain apaisement social, concrétisé notamment par la reprise d’une vraie vie contractuelle.

Le personnel a également changé, ce qui aurait pu infléchir le taux de participation : de nombreux salariés sont partis en retraite ou se retrouvent en situation de « fin d’activité », par le biais du dispositif du « temps partiel senior » ce qui, pour beaucoup, les éloignent de l’entreprise même s’ils en restent des électeurs. Par ailleurs, dans les trois dernières années, 5 000 nouveaux salariés ont été embauchés. Jeune, salarié de droit privé, souvent cadre, on pouvait craindre que ce nouveau public ne se sente guère concerné par les élections CE/DP.

Il n’en a rien été. Les trois quarts des salariés ont participé au vote électronique.

La CFDT sort indéniablement gagnante du scrutin

La seconde leçon de ce scrutin concerne plus directement les organisations syndicales présentes dans l’entreprise, au regard des résultats cumulés des les 19 CE d’Orange :

Organisation syndicale

Résultats des élections 2014

Résultats des élections de 2011

Progression (2014/2011)

CFDT

24,12 %

21,85 %

+2,27 points

CGT

19,56 %

22,74 %

-3,18 points

SUD

17,51 %

18,61 %

-1,1 point

CFE-CGC

16,18 %

14,74 %

+1,44 point

FO

14,97 %

14,02 %

+0,95 point

CFTC

6,48 %

7,79 %

-1,31 point

Autres

1,18 %

0,25 %

+0,93 point

    

 

La CFDT  devient la première organisation syndicale d’Orange, décoiffant à ce poste la CGT, titulaire traditionnel. La CFDT enregistre également la plus forte progression. Autre leçon du récent scrutin, l’écart entre les autres syndicats se resserre : la CGT a perdu du terrain, SUD recule mais résiste, la CFE-CGC et FO progressent un peu.

CE et CAP : deux élections en une

Certes, le changement de publics (moins de fonctionnaires, moins de non-cadres chaque année, davantage de cadres du privé) peuvent expliquer les modifications électorales. Mais il faut noter que la CGT et SUD, traditionnellement bien implantés dans l’électorat de la fonction publique d’Orange,  enregistrent également des baisses dans l’élection CAP (commission administrative paritaire), dont les 58 000 fonctionnaires d’Orange, cœur historique du groupe, sont les électeurs. Dans ce dernier scrutin, qui se déroulait le même jour, trois syndicats ont vu leurs scores se rapprocher : 25,2 % des voix pour la CGT, 22,6 % pour SUD et 21 % pour la liste CFDT-UNSA. Au-delà des changements sociologiques, il y a donc bien un vrai débat d’orientation syndicale sur lequel les salariés ont exprimé des choix.

Les principales tâches de la future mandature

Dans les prochaines semaines, les 19 CE et le CCE (CCUES à Orange) vont se mettre en place. Les tâches qui les attendent sont loin d’être simples.

Dans un contexte général de récession économique, la situation du secteur des télécommunications est difficile. Les baisses du pouvoir d’achat de la clientèle s’y répercutent très directement, rajoutant encore à l’hyper concurrence qui y régnait déjà sur la base d’une guerre des prix. Arrivée tonitruante de Free, rachat de SFR par Numéricable, volonté de celui-ci aujourd’hui de racheter Bouygues, marginalisation des « opérateurs virtuels »… Si ces dernières années, on assiste à de grandes manœuvres permanentes entre les entreprises de ce secteur « high tech », au résultat, dans les télécommunications, beaucoup plus d’emplois ont été détruits qu’il n’en a été créé.

Autre difficulté, de nombreuses autorités réglementaires (aux décisions parfois contradictoires) émanant de l’État français,  de l’Union européenne, sans oublier le poids du Conseil de la concurrence, de l’ARCEP (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes) et même du CSA, encadrent au millimètre près l’activité quotidienne des opérateurs de téléphonie.

Avec deux grands manquements :

  • la dimension sociale est totalement absente de leurs décisions,
  • la furia réglementaire n’encadre aucunement les véritables concurrents du secteur français des télécoms que sont les GAFA, les Google, Apple, Facebook et autres Amazon, qui, bénéficiant de la prétendue « neutralité du net », réalisent en France de gros chiffres d’affaires sans y créer aucun emploi et sans même y payer d’impôts !

30 000 départs entre 2012 et 2020

Chez Orange, les principales préoccupations des salariés restent l’emploi et le pouvoir d’achat.

Sur l’emploi : l’entreprise va continuer de connaître une très nette décrue des effectifs. Au total, 30 000 suppressions de postes entre 2013 et 2020. La négociation a permis d’obtenir le « temps partiel senior » qui a permis d’accompagner le départ de nombreux salariés. Car Orange est elle-même aujourd’hui une entreprise « senior » où l’âge médian est autour de 54 ans.

Les nombreux départs créent souvent de véritables « trous » dans les services (certaines unités voient partir en quelques mois la moitié de leurs effectifs) alors que la charge de travail est le plus souvent en augmentation. La direction ne prévoit de ne remplacer qu’un poste sur trois. Pas facile pour ceux qui restent...

Ceci explique également le recours croissant à la sous-traitance, aux CDD de très courte durée, aux stagiaires… On constate aussi, ici et là, le retour à des méthodes de management très contestables pour gérer les sous-effectifs.

Dans la prochaine mandature, les organisations syndicales devront être extrêmement vigilantes sur ces questions relatives à l’emploi, tant au plan national que dans les 19 CE. La situation de travail du personnel non-titulaire ou précaire présent sur les nombreux sites, comme la question de la répartition des charges de travail devront faire l’objet d’une attention particulière. 

Sur le pouvoir d’achat : la crise (même des télécoms) a parfois bon dos ! Orange a vu son bénéfice net plus que doubler en 2013 par rapport à 2012. C’est peu dire que les salariés n’en ont pas vu le moindre effet sur leur fiche de paie. Le salaire n’est que l’une des composantes de la rémunération : couverture sociale, participation, intéressement, autant de domaines dans lesquels des mises à plat et de vraies négociations seront nécessaires lors de la nouvelle mandature.

La direction de l’entreprise s’auto-congratule souvent d’un « pacte social » qu’elle aurait mis en place. Celui-ci devra prendre un peu plus de corps dans les prochains mois et l’UNSA appelle l’ensemble des syndicats à faire cause commune sur des revendications unitaires sur  les dossiers les plus importants pour les salariés. 

Notre syndicat tire un bilan très positif du travail effectué en commun avec la CFDT. Il a été entamé lors de l’élection des représentants du personnel au conseil d’administration en 2013 et il s’est enrichi lors de ces dernières élections. L’UNSA a la volonté de le poursuivre.

Auteurs > Pierre Morville et Pierre Vars, pour l’UNSA Orange.
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