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14 / 10 / 2013
Didier Cozin / Membre
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La formation tout au long de la vie au chevet de la société industrielle - volet III

Alors que les discussions ont enfin démarré entre les partenaires sociaux pour tenter de trouver un accord sur la future réforme de la formation, l’OCDE fait paraître un long rapport sur l’éducation et les compétences des adultes dans 24 pays développés.

La France se retrouve une nouvelle fois très mal classée : 22ème (sur 24) en littératie (saisir le sens d’un texte simple) et 21ème en numératie (résoudre des problèmes simples).

L’OCDE présente ainsi cette enquête :

« Renforcer les compétences est essentiel pour lutter contre le chômage et améliorer le bien-être », « Trop d’individus sont aujourd’hui laissés pour compte […] Avec une formation efficace et l’apprentissage tout au long de la vie, chacun peut se réaliser pleinement. Les bénéfices sont clairs non seulement pour les individus mais également pour les sociétés et pour l’économie », dans enquête OCDE sur les compétences des adultes (166 000 personnes dans 24 pays étudiés entre 2006 et 2012).

Le diagnostic est partagé par la majorité des acteurs du monde du travail : si notre pays perd chaque année de ses positions économiques et si notre compétitivité est en berne, c’est du fait d’une formation quasi absente pour les salariés non qualifiés.

Arcboutées sur les modèles compassés de la société industrielle (une formation rare, chère et contingentée), enlisées dans la procédure administrative, les accords de branches ou les négociations quadripartites, les réformes successives de la formation se résument à des mots, des textes de lois et un Code du travail de moins en moins applicable ni même compréhensible (la nouvelle mouture de 2008 devait simplifier les choses : il n’en a rien été, bien au contraire).

Nous sommes aujourd’hui pris dans une forte tempête économique avec à bord un équipage dont seulement une partie sait nager. Comment se confronter à la société de l’information, comprendre et prendre sa part à la vague informationnelle si 22 % des adultes ne comprennent pas le sens d’un texte simple ? Allons-nous écoper sans cesse pour éviter la noyade d'un quart de l’équipage ou lui permettre enfin d’apprendre à plonger et à nager ?

Dans ce monde de sept milliards d’habitants, les individus, les organisations et même les pays sont en concurrence. L’éducation et la formation pour tous sont devenues des enjeux sociaux majeurs.

 

  • Des habitants éduqués et bien formés adoptent des attitudes citoyennes, respectueuses de l’environnement tout en étant capables de prendre en main leur avenir économique et social.

 

  • Le capital humain des entreprises comme des pays est leur première richesse. Sans une éducation de qualité pour tous et de vraies capacités d’anticipation, beaucoup de travailleurs ne pourront trouver leur place dans la société de la connaissance.  

 

La France ne sait toujours pas valoriser son capital humain (pourtant considérable). Elle décourage plus qu’elle n’encourage et ne sait pas faire progresser les travailleurs non qualifiés. Le parcours du combattant que représente aujourd'hui la réalisation de la moindre action de formation élimine de son champ les moins bien armés pour demander ou faire valoir leurs droits (à la formation).

En matière d’éducation et de formation, nous agissons comme pour les handicapés : de la compassion, des taxes dont on finit par s’acquitter (la cotisation formation ou les pénalités pour l’absence de salariés handicapés) mais une incapacité notoire à intégrer et à faire progresser tous les travailleurs.

  • Le compte pénibilité que les pouvoirs publics viennent de mettre en place en est une plus parfaite illustration (comme ces retraites anticipées inconnues chez nos partenaires européens).

Partout ailleurs qu’en France, on permet aux travailleurs de se reconvertir, de ne pas rester 40 ans dans un travail de mauvaise qualité, de reprendre des études. En France, si l’on est tombé du mauvais côté du travail, le salut ne semble pouvoir venir que de l’arrêt du travail (chômage ou retraite).

En cet automne 2013, les solutions avancées pour réformer la formation sont dérisoires, absolument pas à la hauteur des enjeux financiers et organisationnels que sous-tend la formation pour tous.

La formation tout au long de la vie n’a pas besoin de nouveaux tuyaux dans une usine à gaz qui en compte déjà beaucoup trop.

Le CPF (compte personnel de formation) est donc censé à lui seul soutenir et symboliser la prochaine réforme de la formation (ce serait le « pilier » selon le ministre du Travail ou encore le « cœur » de cette même réforme, selon le MEDEF).

« La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent »Albert Einstein

Déjà en 2003-2004, les partenaires sociaux et les pouvoirs publics avaient présenté un nouveau dispositif, le DIF, appelé lui aussi à devenir le « phare » de la réforme.

Le DIF était pourtant né sous les meilleurs auspices, bien avant la crise économique de 2008 mais il n’a pas fonctionné parce que les partenaires sociaux et les pouvoirs publics se sont payés de mots et sont passés à d’autres sujets dès lors que l’encre de l’ANI de 2003 avait séchée ou que la loi de mai 2004 était votée.

Le DIF n’a pas fonctionné parce qu’on a franchi la moitié du gué en créant un droit non financé et non opposable, tout en pensant que le bon sens finirait par l’emporter.

Le bon sens ne l’a pas emporté, noyé dans d’interminables palabres sociales (accords de branches, d’entreprises, lente appropriation des OPCA, pusillanimité des services RH et formation), rien n’a été possible et en cette rentrée 2013, les budgets manquent partout pour former les salariés non qualifiés.

Il est désormais difficile de croire que sans une remise à plat des institutions éducatives en France (Éducation nationale comprise), il serait possible d’inverser la mauvaise pente sur laquelle nous nous sommes engagés.

La formation, ce devrait être l’anticipation

Si l’éducation est un trésor (d'après Jacques Delors), nous pourrions l’avoir laissée filer.

Rattraper la situation va nécessiter des mesures d’urgence plus fortes et difficiles à mettre en œuvre que l’adoption d’un compte personnel de formation (un sympathique compteur qui pourrait surtout conter des histoires aux travailleurs).

Plutôt que d’exiger l’impossible d’un secteur marchand fragilisé par la crise, ne pourrait-on aussi demander à l’État ce qu’il compte faire pour redresser son organisme de formation qui emploie 1 million de personnes et semble avoir perdu beaucoup de ses capacités à accompagner les jeunes (160 000 jeunes sortent du système scolaire totalement démunis, près de 1 million de jeunes forment les « NEET » : « not in education, employment or training »).

Les entreprises privées sont déjà ponctionnées depuis 2009 de 13% de leurs budgets formation pour former les chômeurs alors que l’État, les collectivités territoriales et les hôpitaux ne l’ont jamais été sur leurs budgets formation.

En matière de formation comme dans d’autres champs sociaux (nous pensons aussi aux retraites), le secteur public ne peut-il lui aussi apporter sa pierre pour redresser le pays ?

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