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14 / 06 / 2013 | 1955 vues
David Mahe / Membre
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Les conséquences humaines des restructurations d’entreprises sont un enjeu majeur de santé publique

La crise économique aiguë que nous connaissons depuis deux ans génère de nombreuses restructurations d’entreprise. Plans sociaux, réorganisation du travail, nouveaux modes de collaboration et environnements de travail, augmentation de la pression… Nous savons maintenant à quel point ces restructurations ont des conséquences significatives sur la santé des salariés, qu’ils soient licenciés ou « rescapés ». De récentes décisions judiciaires ont d’ailleurs confirmé la nécessité pour l’employeur d’évaluer les risques qu’une restructuration fait courir pour la santé des travailleurs et donc de prendre des mesures de prévention.

D’une part, les périodes de restructuration sont souvent marquées par une paralysie de l’entreprise et des dysfonctionnements qui déstabilisent les collaborateurs. D’autre part, elles exposent les salariés à des facteurs de risque psychosocial spécifiques, avec des conséquences parfois dramatiques. Enfin, même les entreprises impliquées dans des démarches d’amélioration de la qualité de vie au travail sont tentées de mettre en sommeil les premières actions engagées et de relâcher leurs efforts de prévention des RPS ou de formation, alors qu’il faudrait précisément faire le contraire.

Les conséquences les plus tragiques et les plus visibles de ce mal-être des salariés sont bien évidemment les suicides mais il en existe bien d’autres : déprime, dépression, anxiété, détresse psychologique, stress et maladies associées.

Face à ces enjeux majeurs de santé publique, la responsabilité des entreprises est engagée mais aussi celle de l’État. Faisant suite à un avis de la Fédération des intervenants en risques psychosociaux, le Conseil économique, social et environnemental, dans son rapport en date du 14 mai, a d’ailleurs attiré l’attention des autorités sur la nécessité d’une démarche de traitement des RPS en amont des restructurations d’entreprises.
 
Il est temps d'engager des mesures concrètes. Trois facteurs clefs de succès sont avérés.  

Évaluer les conséquences humaines en amont des projets de restructuration

 
Cette évaluation est le principal facteur de succès d’un projet de restructuration.
 
Il s’agit d’analyser les conséquences réelles des changements et les perceptions des salariés confrontés à ces changements futurs, dans une démarche globale de bien-être et de qualité de vie au travail. On pourra déceler des facteurs de risques ayant un effet potentiellement négatif sur la santé des salariés mais aussi des facteurs de protection qui pourront devenir des leviers de motivation et d’engagement des salariés. Cette première analyse permet d’engager des mesures de prévention adaptées au contexte spécifique de l’entreprise.

Porter une attention particulière aux salariés en difficulté

  • Prévenir la dégration de la santé du personnel licencié

Jusque-là, les entreprises se sont concentrées sur les aspects techniques et administratifs des licenciements. La santé du salarié licencié n’était pas leur priorité. Pourtant, les structures d’accueil après un licenciement sont bien incapables de traiter les questions de santé à un moment où les personnes concernées se trouvent en grande précarité. Les actions de prévention doivent donc être proposées en premier lieu au personnel qui va quitter l’entreprise.

Le rapport du CESE propose plusieurs types d’actions pour réduire ces risques, dont un suivi médical renforcé avec une régularité de visite médicale du travail accrue. On peut ajouter l’ouverture d’une ligne téléphonique pour instaurer un dialogue avec des interlocuteurs extérieurs à l’entreprise ou le recours à des psychologues sur site ou en cabinets. Autant de mesures qui préparent le salarié au choc du licenciement et permettent d’identifier les individus les plus à risques avant de les « lâcher dans la nature ».
 

  • Ne pas oublier ceux qui restent

Ne pas faire partie d’un PSE est certes une chance mais il ne faut pas négliger les difficultés qui s’ensuivent pour les « rescapés ». Trouver sa place dans la nouvelle structure est un facteur de stress évident, renforcé par la crainte de faire partie des prochains départs en cas d’échec.

Il s’agit là d’agir sur les plans collectif et individuel. Au plan collectif, la communication est essentielle. Il n’y a rien de pire que de laisser les salariés dans l’incertitude et l’incompréhension face à une restructuration. Donner du sens à l’opération et la positiver sort les équipes de la confusion dans laquelle elles se trouvent. Parallèlement, il faut réassurer les collaborateurs touchés par le changement. Là encore, le dialogue est la clef, à la condition qu’il implique tous les acteurs de la santé dans l’entreprise : direction, ressources humaines, médecine du travail, CHSCT, représentants du personnel, éventuels consultants externes impliqués.

Plus d'implication du management de l'entreprise 

« La santé des salariés est d’abord l’affaire des managers, elle ne s’externalise pas. Les managers de proximité sont les premiers acteurs de santé » *. Lui-même touché par les changements d’une restructuration, le manager a un rôle clef dans la mise en place des plans de prévention des RPS au sein de son équipe. Selon son degré d’information, de formation, il sera soit un facteur de risque, soit un facteur de protection pour ses collaborateurs.

La formation des managers à la gestion de leur propre stress et à celui de leurs équipes, le coaching dans certains cas sont aussi des facilitateurs pour prévenir et réagir en cas de situations tendues. Au contraire des pratiques actuelles en période de restructuration, il est indispensable de développer la reconnaissance, d’encourager un management de proximité, et de rechercher l’engagement des équipes par un soutien managérial plus fort.


Et si l’on transformait les restructurations en source d’opportunités ?

Il n’est pas question ici de nier les risques et les souffrances que génèrent les restructurations. Nous en avons hélas trop d’illustrations. Mais d’essayer de les appréhender avec une posture nouvelle, proactive plutôt que réactive, constructive plutôt que défensive. Si, comme nous venons de l’expliquer, la restructuration est l’occasion d’un bilan de l’état de santé dans l’entreprise, si elle est l’occasion de réunir et d’impliquer tous les acteurs dans la santé de l’entreprise, si elle est l’occasion de lancer des actions spécifiques à l’égard des différents publics, alors n’est-elle pas l’opportunité d’améliorer les conditions de vie au travail de chacun pour le bénéfice de l’entreprise ?

 * 2010, rapport sur le « bien-être et l’efficacité au travail », Henri Lachmann, Muriel Pénicaud, Christian Larose.

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