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01 / 09 / 2012 | 3 vues
Laurent Degousée / Membre
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Rififi dans la distribution culturelle

Parmi les annonces de plans de licenciements qui se succèdent ces derniers mois, le petit monde des enseignes spécialisées dans la vente de biens et de loisirs culturels n’est pas épargné : par delà des enjeux économiques qui traversent ce secteur, la question de l’emploi est au cœur des mobilisations en cours et à venir.

La Fnac : le grand ancien perd ses couleurs


Rien ne va plus chez le célèbre agitateur culturel créé en 1954 : après la fermeture du magasin de Bastille en 2009, un énième plan social qui vise près de 300 emplois en France est mi en œuvre depuis janvier 2012, plan décrié par l’Inspection du travail et contesté par les syndicats.

D’autre part, le personnel se mobilise fortement depuis mars, suite à l’échec de la négociation annuelle obligatoire (NAO), avec l’appui d’une large intersyndicale regroupant la CFDT, la CFTC, la CGT, la CNT, FO, SUD et l’UNSA : direction retenue dans la salle de négociation, blocage du magasin de Saint-Lazare le 5 avril dernier, occupation du siège puis invitation à l’assemblée générale des actionnaires etc. Les salariés ne baissent pas les bras face à la morgue de PPR, actionnaire de la Fnac, qui affiche sa volonté de céder la société.

Enfin, le 3 mai, la justice a sommé la direction de transmettre aux comités d’entreprises concernés les documents nécessaires à sa parfaite information en ce qui concerne la stratégie commerciale prévue à l’horizon 2015 (une nouvelle procédure a depuis été intentée sur le fond).

Virgin : jusqu’à quand ?


Implantée en France depuis 1988, la prestigieuse enseigne musicale d’origine anglo-saxonne a connu son heure de gloire dans les années 1990 avec l’avènement du compact disc et à grands coups de communication, tels que les rondeurs de feue Anne Zamberlan ou l’ouverture dominicale de ses magasins vantée alors par le chanteur Renaud, sous contrat avec la maison de disques du même nom.

Vingt ans plus tard, Virgin Mégastore est en pleine débâcle, faute pour ses dirigeants successifs de n’avoir pas su répondre aux défis posés par la transformation de ses marchés ou plutôt de n’y avoir répondu qu’à coups de plans d’actions, plus ou moins avortés et surtout menés au mépris du personnel.

D’abord cédé en 2001 au groupe Lagardère, Virgin est propriété du fond d’investissements Butler depuis 2007. Le résultat ? Des fermetures successives de magasins : en 2011, ce sont celles de Mérignac, du Louvre et de Saint-Denis. En 2012, ce sont celles de Metz et de Toulouse.

Le 25 mai dernier, à l’initiative de SUD, suivi par le comité d’entreprise, la justice a suspendu les fermetures en cours, obligeant ainsi la direction à négocier un accord de méthode qui ne vise cependant qu’à encadrer et à renchérir les licenciements prévus et ceux à venir, pas à les interdire…

En outre, le CE a déclenché une procédure de droit d’alerte visant à mettre à jour les véritables desseins de l’actionnaire quant à la pérennité de l’enseigne et, en particulier, du magasin phare des Champs-Élysées, qui compte près de 200 salariés et dont le bail a depuis été racheté.

Alors que, selon le dernier projet dévoilé par la direction, plus de la moitié des 1 200 emplois restants sont menacés dans les deux ans à venir, il est urgent que se construise, chez Virgin, la mobilisation du personnel, atone à ce jour faute de volonté intersyndicale.

Surcouf : naufrage en perspective


Lancée en 1992 puis boostée par l’ouverture de son imposant établissement de Daumesnil, cette chaîne de magasins d'informatique, un temps dans le giron de la Fnac, est propriété d'Auchan, depuis 2009.

En 2010, un plan de licenciements collectif est mené, donnant lieu à une âpre lutte de plusieurs semaines. La société a cependant été placée en redressement judiciaire en mars 2012 et est désormais en vente, une angoisse supplémentaire pour ses 500 salariés.

Cultura : l’exception qui échappe à la règle


Créée en 1998, la société, qui compte également des actionnaires d’Auchan dans son capital, possède une cinquantaine de magasins répartis sur tout le territoire et emploie plus de 2 000 salariés.

Elle investit en priorité les zones commerciales situées en périphérie des villes moyennes et développe, autour des produits traditionnels que sont le livre, la vidéo et la musique, des espaces de billetterie, café, papeterie et loisirs créatifs, un concept qui n’est pas sans rappeler celui des magasins Extrapole (*) aujourd'hui disparus. Une diversification encore accentuée suite au rachat de Milonga, leader de la vente d'instruments de musique en France.

Le succès de cette dernière enseigne démontre que le développement de l'e-commerce, que certaines d’entre elles ont d’ailleurs investi avec plus ou moins de réussite, et la dématérialisation des contenus (liée à l’essor du numérique) ne peuvent être les uniques explications brandies par les patrons pour justifier les suppressions d’emplois ainsi mises en œuvre : l’application de méthodes issues de la grande distribution, tant en termes de management que de gestion des produits, la réduction des gammes, l’instauration de la polyvalence via, entre autres, la mise en place de l’encaissement par les vendeurs, la déqualification du personnel qui s’ensuit constituent autant de freins auprès d’une clientèle qui continue à venir en magasin pour se voir insuffler, à travers le conseil d’un personnel qualifié, le supplément d’âme qui manque à son produit, pourtant accessible sur internet comme dans grand nombre de commerces.


(*) Extrapole était une enseigne à dominante librairie, fondée en 1993 par un ancien directeur général de la Fnac, couplée ensuite avec le Furet du Nord puis finalement absorbée, en 2001, par Virgin Mégastore.
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