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27 / 06 / 2012 | 7 vues
Vincent Jacquemond / Membre
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30 ans des CHSCT : bilan et perspectives

En 1982, Jean Auroux, Ministre du Travail du gouvernement Mauroy, fait voter quatre lois qui ont durablement marqué le droit du travail.

Secafi a fait le point, lors de la deuxième édition de ses universités sur le thème : 30 ans après les lois Auroux, que faut-il mettre en place pour améliorer le dialogue social ?

Retour sur quelques moments forts de ces universités. Avec un zoom particulier sur le rôle des CHSCT, qui a tenu une place importante dans les débats.

« L’entreprise ne doit pas être le lieu du bruit des machines et du silence des hommes. »

J. Auroux lors du débat de cloture des univertistés SECAFI

Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail a été créé par la quatrième loi Auroux du 23 décembre 1982.

Cette loi décide en effet de la fusion de deux instances :

  • les comités d’hygiène et de sécurité (CHS) créés en 1947, pour les établissements industriels de 50 salariés et plus.
  • la commission d’amélioration des conditions de travail (CACT), créée en 1973, obligatoire pour les entreprises de plus de 300 salariés.

Pour Jean Auroux, « cette nouvelle institution collective s’articulait parfaitement avec le droit d’expression et la médecine du travail et devenait une véritable institution représentative du personnel (IRP) dans les entreprises ».

En effet, la création du CHSCT doit être replacée dans son contexte. C'est-à-dire un ensemble de lois ayant pour objet :

  • le rétablissement et l'élargissement des droits des salariés ;
  • la reconstitution de la collectivité de travail ;
  • le renforcement des instances de représentation des travailleurs ;
  • le renouveau de la négociation collective.

Ce que le Ministre du Travail résumera avec son sens de la formule : « L’entreprise ne doit pas être le lieu du bruit des machines et du silence des hommes ».

L’extension des champs d’action du CHSCT

« En 1982, le patronat m’a dit OK pour les CHSCT dans l’industrie, mais dans le tertiaire ce n’est pas la peine ! » Depuis 30 ans, les CHSCT ont vu leurs champs d’action s’élargir considérablement.

Ils ont été étendus en 1991 aux hôpitaux et, en 2010, à la fonction publique d’État et à la fonction publique territoriale.

Mais, c’est surtout les prérogatives du CHSCT qui se sont étendues au fil du temps.

Dans les années 1990, l’obligation générale de sécurité est renforcée sur la base des principes généraux de prévention.

Durant les années 2000, le CHSCT voit son champ d’action s’étendre de la protection de la santé physique des salariés à la protection de la santé mentale (harcèlement, stress, risques psycho-sociaux).

Enfin, dernièrement, l’évaluation des salariés et la prévention de la pénibilité se sont ajoutées aux prérogatives du CHSCT.

Avec le recul, Jean Auroux ne peut que se féliciter d’avoir « tenu bon » face aux oppositions de l’époque : « En 1982, le patronat m’a dit OK pour les CHSCT dans l’industrie, mais dans le tertiaire ce n’est pas la peine ! »  

Parallèlement, le cadre juridique a considérablement évolué, sous l’influence des directives européennes mais aussi de la jurisprudence. En vertu du contrat de travail, l’employeur est tenu à une obligation de résultat en matière de sécurité.

Cette évolution juridique a considérablement renforcé le pouvoir des CHSCT (cf notre commentaire de l’arrêt Snecma du 5 mars 2008).

« On est dans un moment particulier où le travail devient un enjeu central dans le débat social. »

Les employeurs pointent des effets pervers de ces évolutions règlementaires et juridiques. Ainsi, Jean-François Pilliard, délégué général de l’UIMM, considère que « l’empilement des obligations des employeurs tue le débat social ».

Du côté des organisations syndicales, ces évolutions sont perçues positivement. Pour autant, elles posent aussi un certain nombre de questions sur le rôle et le fonctionnement des CHSCT.

Pour Henri Forest, secrétaire confédéral CFDT en charge de la santé au travail, il faut se poser la question : « Le CHSCT est-il un instrument technique d’application de la réglementation et de mise en œuvre de la prévention ou un instrument de démocratie sociale avec une mission de régulation ? ». Dans un contexte d’éloignement entre les lieux de décision et les réalités du terrain, il constate un besoin de « remettre de la régulation sociale et de redonner une capacité d’expression et d’action aux salariés sur leur travail ».

Bernard Salengro, secrétaire national du pôle santé au travail de la CFE-CGC, souligne que l’irruption des risques psycho-sociaux est en lien avec les bouleversements vécus dans les entreprises. Il constate un développement de la logique financière dans les entreprises « qui valorisent les bénéfices et la rentabilité là où avant on valorisait la qualité et la satisfaction client », mais aussi celui des nouvelles technologies qui se traduit par une véritable « révolution industrielle dans les services ».

Il souhaite donc un renforcement de la place et des moyens des CHSCT. Il pointe en particulier le besoin de « renforcer la formation des membres » et plaide pour une « élection directe des membres du CHSCT » afin d’accroître leur notoriété et leur crédibilité.

Le constat est partagé sur la place plus importante à accorder aux débats sur le travail et la santé au travail.

« On est dans un moment particulier où le travail devient un enjeu central dans le débat social », constate Jean-François Naton, conseiller confédéral de la CGT. Dans ce contexte, il insiste sur le rôle des syndicalistes. « Nous avons trop longtemps détourné notre regard du travail. La connaissance et la reconnaissance du travail doivent être au cœur de la démarche syndicale ». Si la question de l’évolution des instances de représentation du personnel lui semble légitime, il pointe que « la question est aussi : comment fait-on évoluer les instances de direction ? ».

Il rejoint en cela une interrogation plus globale, sur la prise en compte du « point de vue du travail » dans les instances de prise de décisions.

Les enjeux de santé au travail ne peuvent en effet être dissociés de la stratégie, de l’organisation du travail et du management.

« Les travailleurs doivent devenir des acteurs du changement dans l’entreprise. »

Le souhait formulé en 1981 par Jean Auroux dans son rapport sur les droits des travailleurs reste encore largement d’actualité.

Si le rôle et les moyens des CHSCT ont pour vocation de se renforcer, nul doute que d’autres évolutions, plus profondes, seront nécessaires pour que le « point de vue du travail » soit mieux pris en compte, dans les instances de direction.

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