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21 / 04 / 2012 | 8 vues
François Dubreuil / Membre
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De la lutte des classes à la fracture sociale (1/3)

Entreprise&Personnel (association de directions de ressources humaines rassemblant environ 120 entreprises) a publié de nombreuses études dans les années 1980 et 1990 et au début des années 2000 sur le thème de la régulation sociale.

À l’origine, la notion de régulation sociale associe pour notre association, une vision humaniste des rapports sociaux en entreprise, visant explicitement « l’harmonie sociale » entre classes sociales, une vision institutionnaliste cherchant à instaurer des dispositifs de régulation des conflits plutôt qu’à s’en remettre aux qualités de leadership des dirigeants ou à une hypothétique révolution finale et une vision pragmatique : comment conduire les changements souhaités en anticipant et en maîtrisant le risque social ?

Dans l’après guerre, elle concerne essentiellement les relations sociales, entendues au sens des relations entre direction et syndicats. Elle renvoie essentiellement à la régulation de l’imprévisibilité, de l’intensité et de la durée des conflits sociaux, ainsi qu’à la production de règles qui en résultent, notamment de conventions collectives : interprofessionnelles, de branche, d’entreprise.

Décentralisation

Première évolution, à partir de la fin des années 1960, le but est d’élargir le champ et de décentraliser la négociation pour sortir d’un modèle de gestion basé sur le tout collectif/tout salaire et encourager un syndicalisme réformiste. Dans cette optique, pour sortir des affrontements collectifs rituels, la direction doit recourir à une plus grande communication et à des démarches participatives associant le personnel. C’est le début de la décentralisation aux opérationnels et la création d’équipes autonomes de production, censées « couper à la racine » les raisons poussant à se tourner vers les syndicats ou à se mobiliser collectivement dans la grève. L’action sociale se résume alors à 4 vecteurs : l’encadrement, la communication, la participation, les accords sociaux et les IRP [1].

Responsabilisation

Les années 1980 et 1990 semblent accomplir une sorte d’âge d’or : responsabilisation de l’encadrement amélioration du contenu du travail par élargissement et enrichissement des tâches, communication interne et enquêtes de climat social, association des salariés à la marche de leur entreprise (groupes d’expression des lois Auroux, cercles de qualité, projets d’entreprise, démarche projets), tout ceci contribuant à pacifier les relations sociales.

Déconnexion

Le contexte actuel offre une situation paradoxale. Alors que les discours managériaux insistent sur l’entreprise plate (les réseaux sociaux ayant triomphé des approches pyramidales), nos enquêtes de terrain observent une coupure croissante entre les opérationnels (collaborateurs et managers) et les acteurs du siège (direction et parties prenantes).

  • Les salariés se sentent fréquemment plus proches de leur hiérarchique direct que d’organisations syndicales perçues comme politisées, co-gestionnaires du CE et surtout trop déconnectées du travail quotidien. Les managers opérationnels surtout semblent se détacher de la direction de l’entreprise.

La communication d’entreprise n’est plus qu’une des sources d’information de salariés hyper-connectés, de sorte que les messages de la direction, souvent transmis par courriel ne sont plus vraiment écoutés, ni entendus. La participation est à la fois omniprésente (projets, consultations) et perçue comme peu opérante, les urgences venant régulièrement défaire le travail participatif.

  • L’affaiblissement des corps intermédiaires

Les corps intermédiaires qui assuraient la régulation (encadrement, représentants du personnel) sont en crise. Attendu sur des objectifs individuels et pour son équipe, le manager de proximité a peu de marge dans leur négociation. Il n’est pas non plus maître de l’organisation du travail de plus en plus imposée par le groupe. Il subit la réduction des échelons hiérarchiques intermédiaires, d’autant plus douloureusement qu’il s’est impliqué de longue date dans le développement de l’entreprise. Les organisations syndicales résistent également difficilement. Leur influence a chuté progressivement avec une base adhérente et militante de plus en plus restreinte et vieillissante. Le taux de syndicalisation a chuté de 25 % à 7 % environ, avec un poids croissant des fédérations de retraités, les plus jeunes rejoignant peu les organisations. Concentrés dans le secteur public et les très grands groupes industriels, les syndicats ont du mal à s’implanter dans les services, chez les intérimaires et les sous-traitants. Ce faisant ils sont de moins en moins légitimes pour parler au nom de tout le « personnel » [2].

  • C’est ce constat d’une sorte de non-régulation du social local et d’un passage en 30 ans de la lutte des classes à la fracture sociale qui a constitué le point de départ de l’étude « de la régulation sociale à la performance sociale ? ». Comment en sommes-nous arrivés là ? Comment réguler dans le nouveau contexte de fracture sociale ? Que faire pour revenir à une situation plus équilibrée et harmonieuse ?

Pour en savoir plus sur cette étude, rendez-vous ce 26 avril 2012 au petit-déjeuner de présentation (réservé à nos adhérents). L’étude est par ailleurs téléchargeable ici (accès réservé à nos adhérents).

  • Suite à paraître :
    2. La régulation sociale aujourd’hui
    3. L’alpha et l’oméga de la performance sociale



[1] Donnadieu G., Layole, G., (1992), La régulation sociale dans l’entreprise : Théorie et perspectives opérationnelles, étude E&P

[2] Institut Montaigne, Entreprise&Personnel, (2011), Reconstruire le dialogue social. Rapport

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