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07 / 01 / 2009 | 4 vues
Hélène Truffaut / Membre
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Les salariés se mettent au vert

Économique, environnemental et social : les trois piliers interdépendants (en théorie) du développement durable, décliné en entreprise sous le sigle RSE (responsabilité sociétale des entreprises). Pour être efficace, une démarche RSE doit être déployée dans toutes les fonctions et relayée à tous les niveaux de l’organisation (voir l’interview de Thierry Marneffe, directeur associé du cabinet des Enjeux et des Hommes). Dans les faits, la plupart des entreprises sont encore loin du compte (voir l'interview de Jean-Paul Bouchet, de la CFDT Cadres).

Vieille recette

Mais cela n’empêche pas certaines d’entre elles de chercher à impliquer concrètement l’ensemble de leurs collaborateurs dans le volet « vert », généralement le plus médiatisé, de leur politique de développement durable. Opérations extérieures ponctuelles de préservation de l’environnement, promotion des modes de transport alternatifs par le biais de plan de déplacements entreprise (PDE), campagnes de sensibilisation aux gestes verts au bureau... Autant de bonnes pratiques visant à mettre les comportements des salariés au diapason du discours écologique de l’entreprise.


« C’est une nouvelle responsabilité des conducteurs de bus et de cars », Bertrand Barthélémy, directeur de la formation chez Veolia TransportLa plupart de ces actions remettent au goût du jour la bonne vieille « chasse au gaspi » des années 1970. Avec des résultats intéressants sur la consommation de carburant. La Poste, dotée d’une flotte de 42 000 véhicules, a ainsi décidé de former ses 60 000 facteurs à l’éco-conduite d’ici fin 2009. L’entreprise espère réduire à terme ses émissions de CO2 de 5 %, soit 10 000 tonnes par an, en tablant sur une diminution de la consommation de carburant de 8 %. Soit une économie de plus 5 millions de litres par an ! L’idée n’est pas neuve. Cela fait plus de dix ans que Veolia Transport, qui compte 30 000 salariés en France, dont 70 % de conducteurs de bus et de cars, s’intéresse de près aux bienfaits de la « conduite souple ».

Quelques 150 formateurs internes disséminés sur le territoire initient les conducteurs à ce que l’opérateur privé de transport public appelle désormais, tout simplement, la « conduite professionnelle ». « La réduction de la consommation de carburant, comprise entre 10 et 15 % en moyenne, est un enjeu économique majeur », convient Bertrand Barthélémy, directeur de la formation. « Mais cela permet aussi d’améliorer le confort des passagers, de réduire le nombre d’accidents, et donc les coûts d’entretien ». Il n’y voit pas là une nouvelle compétence, mais plutôt une « nouvelle responsabilité des conducteurs ». Qui peut être valorisée ou non en fonction du système de gestion en place dans chaque entité du groupe. Lequel ne donne aucune directive en la matière.

Levier de management

L’important, c’est d’éviter tout décalage entre notre discours externe et notre culture d’entreprise, en accompagnant nos efforts par quelque chose qui parle aux salariés », Jean de Corbière, DRH de Bruneau


Même si le mouvement est encore limité, certains employeurs réfléchissent à la façon d’intégrer le développement durable dans leur système de management (voir article sur Logica). Et quelques-uns ont d’ores et déjà franchi le pas de l’incitation financière. C'est le cas de Bruneau, spécialiste de la vente par catalogue de mobilier et de fournitures de bureau (Groupe 3SI). Il y a trois ans, la direction, en accord avec le comité d’entreprise, a inclus le taux de consommation électrique (entendez la consommation en kWh de l’ensemble des bâtiments rapportée aux heures d’ouverture) dans les critères de progrès des performances retenus pour le calcul de l’intéressement (avec le chiffre d’affaires, le taux de fréquence des accidents du travail, le taux de réclamations et le nombre de clients fidèles). L’atteinte de l’objectif sur ce critère donne lieu au versement de 0,16 mois de salaire.

« Les investissements de la direction (panneaux solaires, ampoules basse consommation, etc.) et les efforts des salariés ont permis de faire baisser le taux de consommation électrique de 3 % entre 2006 et 2008, explique le DRH Jean de Corbière. Nous ne gagnons pas franchement d’argent sur ce sujet-là. Nous venons d’ailleurs à bout des améliorations possibles et il nous faudra certainement actionner un autre levier. Mais l’important, c’est d’éviter tout décalage entre notre discours externe et notre culture d’entreprise, en accompagnant nos efforts par quelque chose qui parle aux salariés ».

Transparence des indicateurs

Bertrand Mahé, expert confédéral CFTC et négociateur pour le Grenelle de l’environnement, voit plutôt d’un bon œil le développement des éco-gestes en entreprise. Même si les économies relèvent plutôt du choix des matériaux et des équipements utilisés dans les bâtiments, « il n’est quand même pas neutre de demander aux salariés de consommer moins de papier, de faire attention à l’eau, de trier leurs déchets », argumente-t-il. « Nous sommes dans une situation d’urgence et il faut faire évoluer les mentalités ».


« Ce qui peut poser problème, c’est une codification des comportements », Jean-Pierre Sotura, responsable du collectif développement durable à la CGT

Jean-Pierre Sotura, responsable du collectif développement durable à la CGT est plus réticent. « Ce qui peut poser problème », estime-t-il, « c’est une normalisation, une codification des comportements. Par exemple, par le biais d’une charte éthique qui va transformer certains objectifs de l’entreprise en contraintes pour les salariés, avec d’éventuelles sanctions à la clé. C’est une ligne à ne pas franchir. » « Les incitations financières ne doivent pas non plus être un élément de pression », ajoute Bertrand Mahé. « L’idée n’est pas mauvaise en elle-même. Tout dépend de la façon dont le dispositif est ficelé ».

Selon Thierry Marneffe du cabinet des Enjeux et des Hommes, le développement durable, en tant qu’élément central de la pérennité de l’entreprise, va de toute façon rentrer, à terme, dans les objectifs individuels et collectifs des salariés. Et probablement intégrer, de manière croissante, les dispositifs d’intéressement. Mais pour l'heure, « la RSE suscite encore beaucoup d’incrédulité dans les entreprises », estime Hervé Lassalle, délégué syndical central CFDT d’Alcatel-Lucent France.

Chez l’équipementier télécoms et réseaux, c’est la section CFDT qui, en juin dernier, a cherché à mettre du vert dans l’intéressement. Une occasion, pour le syndicat, de se pencher sur certains indicateurs de performance environnementale dûment renseignés dans le rapport de développement durable de l’entreprise (évolution de la consommation totale d’énergie par salarié, évolution de l’émission totale de CO2 par salarié...). La direction a refusé la proposition du syndicat... Qui n’a pas manqué de s’interroger sur la fiabilité des données publiées.

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