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26 / 12 / 2013 | 20 vues
Philippe Grasset / Abonné
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Ministères économique et financier : 20 % des effectifs supprimés en dix ans, quel est le plancher ?

Il est parfois intéressant de se replonger dans les données fournies chaque année par le ministère dans son bilan social. Sa lecture est fort explicite est vaut mieux que tous les discours.

Les effectifs des ministères économique et financier sont passés de 188 750 en 2002 à 147 674 agents prévus dans la loi de finances 2014.

Emplois : jusqu’où la dégringolade ?

Quel que soit le gouvernement et les projets de réforme présentés, les cibles à détruire sont toujours les mêmes : d’abord les effectifs de la défense nationale puis les effectifs dans les directions de Bercy.

Certains ont beaucoup glosé sur « la forteresse de Bercy », soi-disant sourde aux contraintes extérieures et intouchable face aux évolutions économiques.

La réalité démontre le contraire, les ministres de Bercy se sont faits les bons élèves de la classe des libéraux. Leur culture économique est plus proche de Milton Friedman* que de John Maynard Keynes.

C’est donc avec constance et régularité que chaque ministre réduit les effectifs, avec une palme toutefois à ceux ayant dirigé ces ministères entre 2007 et 2012.


Suppressions d’ETPT  

2003 : 1350
2004 : 2055
2005 : 2262
2006 : 1495
2007 : 4389  
2008 : 2425  
2009 : 3150   
2010 : 4078   
2011 : 3539   
2012 : 2971
2013 : 2353  
2014 : 2564

Dans toutes les directions, se pose toujours le sujet de l’adéquation des missions et des moyens dans un environnement marqué par une appréciation de plus en plus négative du personnel sur l’avenir.

L’annonce par les ministres, à l’occasion du comité technique du 8 octobre dernier, qu’aucune mission n’était remise en cause dans les directions, laisse pantois.

Comment imaginer en 2014 remplir les mêmes missions, voire plus, qu’il y a dix ans avec 1/5ème de membres du personnel en moins ?

  • À l’interrogation de savoir si un seuil d’effectifs plancher existe, aucun ministre ne s’aventure à l’évoquer, confirmant l’approche strictement comptable de l’exercice et non une approche de service public rendu aux usagers.

Dans cet environnement professionnel, il n’est pas surprenant de lire au travers des différents rapports des acteurs de la prévention que les conditions de travail se détériorent de plus en plus et amène une population d’agents toujours plus nombreuse à des situations personnelles critiques.

À quoi sert-il d’élaborer un plan d’action pour la prévention des risques psycho-sociaux quand l’administration en nie la principale cause, à savoir la baisse des effectifs ?

Des directions malmenées

Avec 1 988 suppressions d’emplois, la DGFIP en totalise 77 %. Le discours rassurant du ministre, à l’occasion du comité technique du 8 octobre sur le maintien du réseau de cette direction, sera vite confronté à la réalité. Comment maintenir un réseau sur l’ensemble du territoire quand, chaque année, des milliers d'emplois sont supprimés ?

Pour la troisième année consécutive, la douane va perdre un douanier par jour (- 364), soit l’effectif moyen d’une direction régionale et 50 créations sont encore prévues au titre de la mise en place de la taxe poids lourds (TPL).

  • Notons que les décisions successives de report d’entrée en application de cette taxe, sous la pression des lobbies routiers, auront eu pour conséquence de cloisonner plus de 200 agents à Metz sur un service dont les missions n’ont pas encore commencé. Est-ce cela aussi, la bonne gestion des ressources humaines et des deniers publics ?

Pour la deuxième année consécutive, les services du secrétariat général sont les plus touchés, proportionnellement à leurs effectifs, avec plus de 2 % de suppressions d’emplois, ce qui ne pourra pas être sans conséquence sur la charge de travail du personnel.

L'un des principaux postes visés sera le domaine de l’action sociale, avec la poursuite de suppressions d’emplois dans ce réseau de proximité.
 
L’affaire de la « viande de cheval congelée » aura au moins eu un mérite, celui de confirmer le manque crucial d’agents de la DGCCRF dans certains départements. Les 15 emplois créés en sont la traduction, même si nous sommes bien loin de combler les déserts existants (à ce jour une trentaine de départements ont moins de 6 agents). C’est aussi un lot de consolation « généreusement offert » en contrepartie de la perte de l’arbitrage interministériel sur la sortie de cette direction des DD(CS)PP.
 
Quant à l’INSEE, si le ministre a confirmé le maintien du réseau régional, la suppression de 90 ETPT aura une conséquence significative sur la qualité des prestations fournies par l’institut.

Des crédits décimés

Après une année 2013 qui se termine dans la douleur pour l’acquittement des factures aux fournisseurs et le remboursement des frais de déplacement aux agents, ce n’est pas le projet de loi de finances 2014 qui risque d’améliorer la situation.

Avec une baisse moyenne de 4 % des crédits de fonctionnement qui vient s’ajouter aux 7 % de 2013, c’est une rigueur sans précédent qui est appliquée aux services économiques et financiers de l’État.

L’écart est grand entre l’affichage d’une lutte contre toutes les fraudes, un meilleur rendement du taux de recouvrement, une meilleure sécurité du consommateur est la réalité budgétaire qui ampute les moyens qui devraient être mis en œuvre pour atteindre ces objectifs.

Dans ces conditions, récupérer 2 milliards d’euros supplémentaires au titre de la fraude fiscale est un argument de communication face aux médias et un leurre devant la représentation nationale.
 
Si les moyens informatiques sont préservés, comme les investissements lourds de la surveillance douanière, il n’en demeure pas moins que pour l’ensemble du ministère, c’est là encore une diminution de 4 % qui est programmée.
 
Quant aux crédits de rémunérations, pour la première fois de leur histoire, ils seront diminués (-0,4 %). Si pendant plusieurs années ce poste évoluait, malgré les milliers de suppressions d’emplois, cela était dû aux évolutions de carrière auxquelles s’ajoutaient les plans de qualification et de promotions internes.

Cette année, même la réforme de la grille indiciaire de la catégorie C ne permettra pas d’éviter un recul de ces crédits. Ainsi, le plein effet de quatre années de non-revalorisation de la valeur du point d’indice se fait particulièrement ressentir, comme la poursuite de la raréfaction des possibilités de promotions internes.
 
Le personnel des directions des ministères économique et financier est triplement victime de ce budget : en tant que citoyens, subissant les hausse d’impôts et de taxes, en tant que fonctionnaires, confrontés au gel de la valeur du point d’indice depuis maintenant quatre ans et en tant qu’agents des finances, face aux incessantes suppressions d’emplois et baisse de crédits dans leurs services.



* Milton Friedman est un économiste américain, considéré comme l'un des économistes les plus influents du XXème siècle. Il a été un ardent défenseur du libéralisme. Ses idées se sont progressivement diffusées et, devenant populaires parmi ses idées économiques sur le monétarisme, la fiscalité, les privatisations et la déréglementation ont directement ou indirectement inspiré les politiques économiques de Ronald Reagan, Margaret Thatcher et Augusto Pinochet.

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