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10 / 10 / 2016 | 2 vues
Roman Bernier / Membre
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Le PDG d’Air France tire le signal d’alarme sur les pratiques des compagnies à bas coût

Frédéric Gagey (PDG d’Air France) a écrit une lettre au Premier Ministre Manuel Valls et à la ministre du Droit du travail Myriam El Khomri sur les pratiques potentiellement illégales de Ryanair et de Vueling.

Signée par Frédéric Gagey, Alain Battisti (FNAM), Jean-François Dominiak (SCARA) et Erick Derivry, président du syndicat des pilotes (SNPL), la lettre envoyée à Manuel Valls et à Myriam El Khomri le 16 septembre 2016 a tout l’air d’une union sacrée du transport aérien français. Dans le viseur, les pratiques managériales des compagnies à bas coût, au centre des controverses depuis dix ans. Cette nouvelle tentative aura-t-elle plus d’effets que les précédentes ?

Détachement des travailleurs et précédent marseillais

La lettre envoyée par Frédéric Gagey au Premier Ministre ne se contentait pas d’alerter sur les pratiques sociales de Ryanair et de Vueling, les deux compagnies à bas coût citées dans le document selon Challenges. La correspondance dénonce aussi une tentative de lobbying menée à l’échelle européenne pour rendre caduques aux yeux de la loi les décisions de la Justice française.

Vueling et Ryanair ont ainsi lancé une plainte contre la France à la Commission européenne, prétextant que cette dernière ne respecte pas son obligation d’accepter le détachement de salariés sur son territoire.

Les signataires rapportent ainsi que la Commission européenne a « ouvert une procédure contre la France et a demandé aux autorités françaises de fournir toutes les informations susceptibles d’expliquer leur position dans un délai de 10 semaines ». Une position assez cocasse quand on connaît les multiples accusations liées au modèle d’emploi des travailleurs des compagnies à bas coût portées par différentes institutions (qu’il s’agisse du Sénat en France, d’une université à Bruxelles dans un rapport pour la Commission ou d’une cour de justice anglaise…).

Le personnel exerçant en France et prétendument détaché d’Espagne par Vueling et d’Irlande par Ryanair, ne résidait ni en Espagne ni en Irlande et ne s’y rendait pas non plus dans le cadre des activités professionnelles, rappellent les signataires. Ainsi, « les règles du détachement ont pu être détournées de leur finalité initiale afin de profiter du système social le plus avantageux ».

La Justice française a tranché à plusieurs reprises sur le sujet des travailleurs détachés (en 2011 notamment à Marseille avec Ryanair) mais par le passé avec easyJet, cityJet et Vueling, en déclarant que le système était illégal. À ce jour cependant, Ryanair n’aurait toujours pas payé sa cotisation et aurait fait son maximum pour ralentir le processus.

Un précédent italien qui vient semer le trouble à l’échelle européenne

Bien qu’elle ne soit pas invoquée dans la lettre du PDG d’Air France, la récente décision de la cour italienne d’amnistier Ryanair jouera probablement un rôle central dans le jeu de pouvoir qui se joue à Bruxelles. En début d’année, la compagnie irlandaise avait échappé de justesse à une amende record de 9,4 millions d’euros pour travail dissimulé, une demande comparable aux dix millions réclamés par la France dans le cadre de l’affaire de Marseille.

Alors même que la Cour européenne et la Commission ont pris position à plusieurs reprises pour rappeler la prééminence de l’État membre sur le droit social des travailleurs sur son sol, la tentative de lobbying de Ryanair et de Vueling entend remettre en cause cet état de fait.

Ont-elles nécessairement tort d’essayer ? Depuis longtemps, la Commission européenne a beaucoup tergiversé sur le droit des travailleurs européens, véritable pomme de discorde. L’union bancaire, souhaitée en Europe, n’a jamais réellement abouti sur une harmonisation fiscale ou politique. C’est sur ce manque de fermeté de la part de l’Union Européenne que les compagnies à bas coût entendent jouer pour faire prévaloir le droit irlandais sur le droit français, tandis qu’Air France essaye tant bien que mal de jouer la carte de la concurrence équitable.

Ces deux positions antagonistes divisent profondément les compagnies à bas coût et la compagnie tricolore, au point peut-être de créer des tensions. Aussi surprenant que cela puisse paraître, nul ne sait où la plainte de Vueling et Ryanair aboutira. La question des travailleurs détachés s’étend, après tout, bien plus loin qu’au seul secteur de l’aérien…

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