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26 / 10 / 2018 | 71 vues
Laurent Dupont / Membre
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L'ubuesque combat de la direction d'Arkéa contre la confédération nationale du Crédit Mutuel et le syndicalisme

Méprisant les syndicats, la direction d'Arkéa s'enfonce dans la violence, invitant désormais les partisans de l'indépendance à se rendre « armés » (de contre-arguments) aux réunions de ceux qui veulent défendre le mutualisme. Une escalade dangereuse.

Trop, c'est trop. Dans leur combat ubuesque contre la confédération nationale du Crédit Mutuel (CNCM), Jean-Pierre Denis et sa troupe enfoncent un peu plus chaque jour la banque Arkéa dans une crise sans fond (sans fonds ni fondements, serait-on tenté d'ajouter), la Banque centrale européenne (BCE) et l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), sans parler du gouvernement, ayant clairement fait savoir que les ambitions sécessionnistes de la direction d'Arkéa envoyaient ses collaborateurs, sociétaires et clients dans le mur.

Le dernier exemple en date de cet acharnement fait froid dans le dos. Révélé par le journal d'investigation Mediapart le 12 octobre, un courriel signé Christian David (administrateur d'Arkéa) adressé aux présidents des caisses locales du Morbihan est on ne peut plus explicite. Appelant à perturber les réunions organisées en Bretagne par l'ancienne ministre Marylise Lebranchu, qui se bat contre le projet d'indépendance, Christian David demande noir sur blanc « une présence d'administrateurs et de collaborateurs armés pour porter la contradiction aux contre-vérités (…) de cette autoproclamée mutualiste authentique, plus parisienne que bretonne ».

On se pince pour y croire. Le niveau de conflictualité chez Arkéa est donc tel qu'il faudrait que les partisans de l'indépendance viennent « armés » pour se confronter à ses détracteurs ? Sommes-nous encore en France ou dans un pays en guerre ? Répondant à Mediapart (contrairement à Christian David, qui s'est contenté de noyer le poisson), Marylise Lebranchu s'étonne « encore de l'agressivité des « défenseurs » de la scission entre Arkéa et le Crédit Mutuel. La violence des réseaux sociaux, les slogans et les anathèmes n'ont rien à faire dans un débat d'une telle importance (…) Personne n'a à craindre d'un débat éclairé : c'est cela l'intérêt général ».

Personne, sauf peut-être et justement la direction d'Arkéa et ses soutiens parmi les cadres dirigeants. Selon le journaliste Laurent Mauduit, ces « comploteurs » et « commandos avec chacun un rôle déstabilisateur à jouer », pour l'ancienne ministre, depuis le début de cette affaire, n'ont eu de cesse d'user de toutes les méthodes pour arriver à leurs fins. Quitte à s'opposer frontalement à leurs propres syndicats, sacrifiés sur l'autel des ambitions personnelles de Jean-Pierre Denis.

L'anti-syndicalisme poussé à son paroxysme

La direction d'Arkéa ne se contente hélas pas d'user de méthodes qui témoignent une nouvelle fois du fait que le patronat ne recule jamais (n'a jamais reculé, et ne reculera jamais) devant rien pour asservir les salariés. Elle ignore aussi purement et simplement ses syndicats. Lors d'un précédent comité central d'entreprise (CCE), nos camarades élus avaient vivement dénoncé le projet de leurs dirigeants, qui « reste vague, qui nous semble peu stabilisé et sur lequel pèsent, comme toujours, énormément d'incertitudes ». Pas assez, cependant, pour que leur directeur général, Ronan Le Moal, ne daigne se déplacer en personne pour les éclairer sur ses fulgurants projets, qu'il réserve à ses groupies de la « start-up nation » sur Twitter.

Réunies en un nouveau CCE le 18 octobre, les instances centrales d'Arkéa ont voté contre le projet d'indépendance à une écrasante majorité, estimant que ce plan « demeure dans un flou juridique » et qu'il ne tient « pas compte de paramètres essentiels comme le coût de refinancement, la potentielle dégradation de la notation bancaire, les incertitudes concernant les besoins en fonds propres ou encore la concurrence de nouvelles agences Crédit Mutuel » qui s'implanteraient en face des agences Arkéa.

Fin septembre, Mediapart a encore révélé qu'un mystérieux « collectif de salariés » avait adressé un courriel à l'ensemble des collaborateurs du groupe, y dénonçant une intersyndicale « cornaquée » par la CNCM et « agitant des peurs ». Le texte va jusqu'à mettre en cause « le parti pris » de Syndex, le cabinet d'audit indépendant mandaté par le CCE pour examiner le projet d'indépendance. Immédiatement, devant le refus de la DRH d'Arkéa de se désolidariser de cette initiative, les représentants du personnel d'Arkéa ont décidé d'ajourner leurs travaux, se réservant le droit d'engager une procédure pour délit d'entrave à la consultation des instances centrales.

Enfin, n'oublions pas « l'invention » la plus loufoque que la direction d'Arkéa ait sortie de son chapeau, comme le coup le plus grave porté à l'idée même de syndicalisme : l'organisation, le 5 avril dernier, de la première « manifestation de banquiers ». Une manifestation pour réclamer l'indépendance en battant le pavé à Paris, tous frais payés.

Quant à ceux qui ont refusé de se joindre à cette mascarade, ils ont subi pressions et menaces, quand on ne leur a pas fait comprendre qu'ils n'avaient plus leur place dans l'entreprise... La direction d'Arkéa n'est pas seulement en guerre avec la CNCM : elle est en guerre contre les syndicats et l'idée même de syndicalisme. Si elle parvient à ses fins, s'en sera définitivement fini de la lutte collective dans cette banque.
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