Participatif
ACCÈS PUBLIC
05 / 04 / 2013
Jean-Claude Frey / Membre
Articles : 2
Inscrit(e) le 25 / 04 / 2012

L’extension de la couverture de complémentaire de santé ne doit pas se faire au détriment de la solidarité

L’accord sur la sécurisation des parcours professionnels, signé par une partie des organisations syndicales le 11 janvier dernier, prévoit l’extension des contrats de groupes de complémentaire de santé à tous les salariés du privé.

Cet accord peut contribuer à ce qu’un plus grand nombre de salariés puissent bénéficier d’une complémentaire aidée, dont nous savons qu’elle est indispensable pour accéder aux soins, compte tenu du décalage croissant entre les prises en charge du régime obligatoire et le coût réel des soins.

Néanmoins, il peut conduire aussi à un véritable bouleversement de la protection sociale telle que nous la connaissons aujourd’hui autour d’un socle de sécurité sociale fondé sur la solidarité entre malades et bien portants, entre générations, entre professions.

Les conséquences de cet accord interrogent toute la société sur le modèle de protection sociale et de santé, dont ont besoin les citoyens. Au-delà des intérêts propres à tel ou tel opérateur de santé, ne devons-nous pas nous interroger sur la base de l’intérêt général ? Pour notre part, nous voulons préserver et développer le droit à la santé, aux soins et à la prévention pour tous, quelle que soit leur situation : salarié, retraité, chômeur, précaire...

Un risque majeur existe, celui d’une segmentation

Un premier niveau de régime obligatoire, celui de l’Assurance-maladie, par ailleurs confrontée à une insuffisance de financement conduisant à une récurrence des déficits et des transferts de dépenses sur les assurés sociaux et sur les complémentaires.

Un deuxième niveau de régime obligatoire, autour des branches notamment (variable néanmoins d’une branche à une autre, pour les prestations comme pour les cotisations) et géré par des opérateurs complémentaires privés. Ce deuxième niveau obligatoire pourrait favoriser le repli du premier niveau, comme on peut le constater pour le système de retraites.

La CMU pour les plus démunis, financée par les taxes sur les complémentaires de santé.

Et peut-être une sur-complémentaire...

Le financement du système serait également affecté. L’insuffisance de ressources génère, nous le savons tous, des déficits et des transferts de dépenses et d’endettement, dans le même temps où les exonérations sociales et fiscales (ou aides publiques) dont bénéficient les contrats collectifs représentent déjà, selon le rapport de septembre 2011 de la Cour des Comptes, 4,3 milliards d’euros.

  • L’extension en l’état représenterait 2,5 milliards d’euros d’exonérations ou de perte de recettes supplémentaires, notamment pour l’Assurance-maladie.

La Cour des Comptes pointait dans son rapport de septembre 2011 que « les diverses aides accroissent les inégalités d’accès aux soins ». Cela doit nous interpeler. Les fonds publics ne doivent-ils pas contribuer à corriger, à réduire les inégalités, et non à les creuser ?

C’est d’autant plus nécessaire que la précarité est un fléau qui touche de plus en plus la population, que la pauvreté se décline aujourd’hui chez les salariés, dans le privé et dans la fonction publique, chez les jeunes et chez les retraités. L’explosion des dossiers de surendettement témoigne de cette triste réalité.

  • Lier l’accès à la complémentaire de santé au contrat de travail ne permet pas d’avancer dans la voie de l’universalité du système.

Que deviendra l’égalité de traitement pour les salariés d’une entreprise, victimes d’un échec des négociations dans sa branche de métier et sans partenaires sociaux ?

Que deviendra la couverture des chômeurs, des retraités, des jeunes en formation ?

L’aboutissement de cette logique est un système à plusieurs vitesses qui laisserait sur le côté des millions de personnes, ajoutant de l’injustice à l’inégalité.

N’avons-nous pas, « grandeur nature », le résultat de cette logique menée à son terme avec le système existant aux États-Unis, qui a produit tant d’inégalités et d’exclusions, accompagnant un développement conséquent des dépenses de santé ?

L’intérêt général, ce n’est pas seulement la consolidation d’un système solidaire et universel, le recul des inégalités, c’est aussi une meilleure régulation, une plus grande efficience des dépenses.

Nous souhaitons que le débat à venir permette une mise à plat de la totalité des enjeux de la généralisation de la complémentaire dans le cadre plus large de l’examen de la réforme du financement de la protection sociale promise par le gouvernement pour 2013, incluant la régulation efficace des dépenses de santé et la problématique des dépassements tarifaires et de la rémunération des médecins.

Afficher les commentaires

A terme, on va vers certainement une sécurité sociale pour les riches et les pauvres. De plus, on découvre que la mise en place de cette complémentaire santé pour tous les salariés va couter pres de 2 milliards à la sécu ! http://m.lesechos.fr/redirect_article.php?id=0202682934432