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13 / 06 / 2025 | 20 vues
Alain Arnaud / Abonné
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Un nouveau mauvais coup porté à la mutualité et à l'ESS !

Ce qui vient de se passer dans le choix d’un opérateur pour la protection sociale complémentaire des agents du ministère de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté Industrielle et Numérique est d’une extrême gravité.

 

La décision de l’employeur public, discrétionnaire et peu transparente selon les syndicats, de confier à une start-up la gestion du contrat collectif santé pour ses agents n’est pas acceptable à maints égards :
 

  • Elle écarte en toute connaissance de cause une mutuelle historique, créée et administrée par les agents eux-mêmes, qui depuis des décennies a organisé pour les agents du ministère une protection complémentaire santé de haut niveau, professionnelle, intergénérationnelle et solidaire, appréciée par une très grande majorité des agents actifs et retraités ;
  • Elle met en danger de mort cette mutuelle et les 190 emplois de ses salariés ;
  • Elle fait la courte échelle à une jeune start-up qui se capitalise y compris avec des fonds étrangers pour attaquer le marché de l’assurance-santé en France et en tirer des dividendes, avec un modèle économique et gestionnaire aux antipodes de la mutualisation solidaire ;
  • Elle met en questionnement la couverture complémentaire des adhérents retraités et prive l’ensemble des agents d’un accompagnement social de haut niveau ;
  • Elle crée un contexte de conflit avec les organisations syndicales qui à juste titre s’inquiètent des conséquences de ce choix ;
  • Elle écarte de la Commande publique une organisation de l’ESS et met un grand coup de canif dans la politique de soutien à l’ESS annoncée par le même ministère qui en a la tutelle.

 

Le mouvement mutualiste a souvent traversé des périodes complexes au cours de son histoire.


Réformes successives du code de la mutualité, transposition des directives européennes sur l’assurance, soumission aux exigences réglementaires en matière de solvabilité et de contrôle prudentiel, compétition concurrentielle pour la complémentaire santé devenue un produit de marché, ont été autant d’étapes difficiles que la mutualité a peu ou prou réussi à franchir, en s’organisant, en professionnalisant ses activités, en se regroupant.

 

Se sont ajoutées la fiscalisation, alors que les mutuelles sont non-lucratives, - les exigences d’honorabilité et de compétence pour leurs administrateurs, alors qu’ils sont démocratiquement élus par les adhérents mutualistes, - les contrats collectifs obligatoires, alors que le modèle mutualiste prévoit que ce soient les assemblées générales qui fixent les prestations et les cotisations.

 

C’est donc un total alignement sur le mode de fonctionnement des sociétés de capitaux exerçant des activités lucratives. Mais ce faisant, la mutualité paye ainsi un lourd tribut à cette véritable entreprise de banalisation.

 

De nombreuses mutuelles solidaires de proximité dont la taille ne leur permettait plus de s’adapter à de telles exigences ont disparu, et avec elles, la notion de « pot commun volontaire » dans les territoires ou les professions.

 

C’est toute la dimension humaniste de la mutualité qui s’est ainsi progressivement estompée au profit d’un modèle inscrit dans la financiarisation de la société et le commerce de garanties.
 

Si malgré tout le mouvement mutualiste des fonctions publiques, meurtri dans sa culture, ses valeurs et ses principes, a réussi au prix fort à surmonter ces épreuves, il se trouve aujourd’hui plus que jamais menacé dans son existence même, en raison d’une dynamique qui a pour conséquences de mettre les mutuelles professionnelles des fonctions publiques, par essence mono-produit, dans une position totalement inégalitaire vis-à-vis d’acteurs venus faire du commerce d’assurance et non de la solidarité, et de les mettre en péril.

 

Certes, nous sommes totalement dans le champs concurrentiel, et les mutuelles des fonctions publiques ont su d’adapter et se mettre au niveau des autres acteurs. Mais nous le disons souvent, la concurrence nuit aux constructions solidaires.

 

Si cette décision reste en l’état, ce sera un nouveau coup porté à la mutualité et à l’économie sociale et solidaire.

 

NDLR: le résultat du recours en référé déposé par la Mgefi devrait être connu dans la semaine

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