Participatif
ACCÈS PUBLIC
19 / 01 / 2018 | 2 vues
Jacky Lesueur / Abonné
Articles : 1866
Inscrit(e) le 04 / 03 / 2008

Risques professionnels : les femmes et les employés sont les plus exposés aux affections psychiques

La branche des risques professionnels de l'assurance-maladie apporte un nouvel éclairage sur les affections psychiques dont les victimes sont majoritairement des femmes, employées dans le secteur médico-social, le commerce de détail ou les transports. Si les troubles psychosociaux ne représentent que 1,6 % des accidents de travail avec arrêt (sur 626 000 arrêts de travail en 2016) et une petite partie des maladies professionnelles indemnisées, le nombre de demandes de reconnaissance de maladies psychiques a été multiplié par plus de 5 en 5 ans.

Ce rapport met en évidence le fait que les victimes d’affections psychiques en lien avec le travail sont, en 2016, majoritairement des femmes (près de 60 % des cas) âgées de 40 ans en moyenne et relevant de la catégorie des employés. Trois secteurs concentrent le plus grand nombre des affections psychiques reconnues : le médico-social, qui emploie 10 % des salariés et concentre 20 % des accidents psychiques, le transport de voyageurs et le commerce de détail. Ces trois domaines d’activité représentent, à eux seuls, près de la moitié des affections psychiques liées au travail reconnues en 2016. Ils ont pour caractéristique commune le contact quotidien avec le public dans des contextes parfois difficiles.

Deux grandes catégories d’événements déclencheurs sont répertoriées : les altercations, agressions et attentats qui touchent en particulier ces trois secteurs et ceux survenant à l’occasion d’un épisode de la vie professionnelle (réunion qui tourne mal ou entretien d’évaluation tendu) qui masquent des conditions de travail difficiles.

  • Dans le premier cas de figure, « ces salariés-là sont soumis à des agressions dont la répétition jour après jour a forcément des répercussions qui ne sont pas négligeables ».
  • Dans le second cas, les événements auraient pu être reconnus en maladies professionnelles parce que « la manière dont les médecins décrivent les troubles sur le certificat médical, sous les mots de dépression, épuisement professionnel et grande anxiété sont autant de symptômes plus chroniques reconnus dans notre système comme des accidents de travail mais sont en fait révélateurs d’un problème de fond dans l’entreprise ».

Maladie professionnelle : l’effet d'assouplissement de la réglementation

L’assouplissement réglementaire intervenu en 2012 a par ailleurs permis la transmission d’un plus grand nombre de dossiers aux comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP), lequels se prononcent au cas par cas sur l’existence d’un lien « direct et essentiel » entre le trouble psychique et l’activité professionnelle. Il pourrait expliquer en bonne partie que le nombre des demandes de reconnaissance en tant que maladies professionnelles de ces troubles ait connu un fort essor à compter de cette date. On est ainsi passé d’environ 200 demandes en 2012 à plus de 1 100 en 2016. Cette dynamique semble devoir se poursuivre puisqu’en 2017 : on devrait avoisiner les 1 500 demandes de reconnaissance en maladie professionnelle.

Les dépressions sont les affections les plus prises en charge

Au sein des affections psychiques reconnues comme maladies professionnelles, les dépressions sont les plus nombreuses à être prises en charge (460 cas) (2), bien loin devant les troubles anxieux (68 cas) à égalité avec les états de stress post-traumatique (65 cas). Depuis 2016, pour aider à instruire ces dossiers, un psychiatre peut siéger au CRRMP afin de renforcer son expertise. Parmi les dossiers transmis aux CRRMP, environ la moitié est reconnue d’origine professionnelle quand ce taux n’est que de 20 % pour l’ensemble des autres pathologies.

Concernant les accidents du travail, la branche estime que si l’on retenait tous les accidents dont les circonstances décrites dans les déclarations d’accidents rédigées par l’employeur s’apparentent aux 10 000 cas reconnus au titre des accidents psychiques du travail en 2016, on obtiendrait un nombre de 20 000 accidents du travail (3,2 % des accidents du travail). Le taux de reconnaissance des accidents identifiés à partir du certificat médical initial se situe autour de 70 %, soit un taux stable sur les cinq dernières années, nettement plus faible que celui obtenu (tous types d’accidents confondus) de l’ordre de 93 %.

Troubles psychosociaux : les employés sont les plus touchés

Parmi les catégories socioprofessionnelles affectées par les troubles psychosociaux, on observe que celle des employés connaît la fréquence la plus importante d’affections psychiques liées au travail. À l’opposé, les cadres, techniciens et agents de maîtrise ont la fréquence d’affections psychiques la plus faible. Cela ne signifie pas qu’ils ne sont pas exposés à ces affections car, proportionnellement, c’est leur catégorie qui connaît la plus grande part d’affections psychiques prises en charge en AT-MP (3 % contre 2 % pour les employés).

Un coût de 230 millions d'euros pour la branche

Outre l’effet avéré sur la santé des victimes, les troubles psychosociaux ont un coût de plus de 230 millions d'euros pour la branche AT-MP en 2016, dont 175 millions d'euros pour les accidents du travail, 40 millions d'euros pour les maladies professionnelles et 17 millions d'euros au titre des accidents de trajet. Par comparaison, les lombalgies représentent un coût de plus d’un milliard d’euros pour la branche et les troubles musculo-squelettiques de 800 millions d'euros. Les durées moyennes d’arrêt de travail sont de 112 jours pour les affections psychiques reconnues en accidents du travail, là où la moyenne tous accidents du travail confondus est de 65 jours. De plus, 7,5 % des troubles psychosociaux reconnus débouchent sur une incapacité permanente quand le taux est de 5 % pour les accidents du travail en général.

Les maladies professionnelles psychiques sont plus graves puisqu’elles correspondent à des incapacités prévisibles de plus de 25 %, occasionnant logiquement des arrêts de plus longue durée. Les durées moyennes d’arrêt sont en effet très longues (environ 400 jours), ce qui peut s’expliquer par la lourdeur des pathologies psychiques.

Réinsertion professionnelle

Pour les professions exposées à des facteurs de risques bien identifiés (comme le métier d’aide-soignante dans un EHPAD face à des personnes démentes), le risque perdure. L’un des enjeux de la prochaine COG, pour laquelle les derniers arbitrages financiers sont rendus ces jours-ci par la DSS avant sa signature en février, sera de développer cet accompagnement en liaison avec différents partenaires comme l’INRS, l’ANSES, les SST, dont les effectifs sont dix fois supérieurs à ceux des CARSAT, voire Pôle Emploi.

La question du retour au travail des salariés concernés par un arrêt lié à des troubles psychosociaux est d’autant plus cruciale qu’ils sont jeunes (40 ans) et que la sortie vers une rente AT-MP « ne peut être vécue comme un projet social très motivant » pour eux. La branche s’interroge donc plutôt sur la possibilité de « tester des possibilités de coaching » avec un suivi éventuellement psychologique. Un volet de maintien dans l’emploi figure par ailleurs dans le projet de COG.

Pas encore de commentaires