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27 / 08 / 2025 | 8 vues
Mireille Herriberry / Membre
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Fraude et négligence: La Cour de cassation renforce les devoirs des banques

Avant l'été, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a rendu plusieurs arrêts qui marquent un tournant décisif dans la lutte contre la fraude financière et la responsabilité des banques. Explications....

 

Les décisions, saluées par les associations de consommateurs, réaffirment que la vigilance et la protection des clients sont d’abord une obligation des établissements bancaires.


Elles constituent une victoire judiciaire pour les consommateurs et les entreprises, et rappellent que la responsabilité des banques ne peut plus être contournée ou ignorée face aux risques croissants de fraude.

 

Les salariés doivent, quant à eux, disposer des moyens, des formations et des conditions de travail nécessaires pour assurer pleinement leur mission de protection des clients.

 

La charge de la preuve incombe aux banques


Dans une première affaire (1), la Cour de cassation a rappelé un principe essentiel : la négligence grave ne se présume pas. Une petite entreprise avait été victime d’une escroquerie téléphonique : un escroc, se faisant passer pour un technicien de la BNP Paribas, avait usurpé le numéro de la banque et soutiré près de 98 000 euros en abusant de la confiance d’une salariée.


Malgré les protestations de la société, la banque refusait tout remboursement, invoquant une prétendue « négligence grave » de la salariée. Or, la Cour d’appel, puis la Cour de cassation, ont écarté cet argument. La seule transmission d’informations confidentielles, même sous la pression d’un escroc, ne suffit pas à établir une négligence grave. La Cour souligne que c’est à la banque qu’il revient de démontrer concrètement la faute du client, ce qu’elle n’a pas fait en l’espèce.
 

Résultat : pourvoi rejeté, la banque condamnée
 

Bien que cette affaire concerne une entreprise, elle consacre un principe essentiel : pour refuser un remboursement d’opérations non autorisées, la banque doit apporter la preuve d’une négligence grave, notamment en cas d’escroquerie par spoofing (2).


Un devoir de vigilance renforcé pour les publics vulnérables


Dans une autre affaire (3)), la Cour de cassation a rappelé le devoir de vigilance accru des banques concernant les comptes d’épargne des mineurs. En l’espèce, une caisse du Crédit Mutuel avait permis à un père d’effectuer, seul et sans contrôle, plusieurs virements de 5 000 euros depuis l’épargne de ses enfants mineurs vers son entreprise.


La Cour a jugé que ces actes de disposition importants nécessitaient l’accord des deux parents ou, à défaut, l’autorisation du juge des tutelles, conformément aux articles 389-5 et 505 du Code civil et à l’annexe 1 du décret n° 2008 - 1484.


En laissant faire ces transferts sans vérification, la banque a manqué à son obligation de vigilance. Là encore, le pourvoi est rejeté : la banque est condamnée pour avoir failli à sa mission de protection des publics vulnérables.


Détecter activement les fraudes au président


Enfin, dans deux arrêts du même jour (4), la Cour de cassation s’est prononcée sur les fraudes dites « au président », où un escroc usurpe l’identité d’un dirigeant pour ordonner des virements urgents et confidentiels.
 

Certains jugements antérieurs considéraient que ces opérations relevaient exclusivement du régime des articles L. 133-18 et suivants du Code monétaire et financier, excluant toute autre responsabilité.
 

La Cour écarte cette interprétation : elle juge qu’un virement consécutif à une fraude au président constitue une opération autorisée, et qu’en conséquence, la responsabilité de la banque peut être engagée pour manquement à son obligation de vigilance si elle n’a pas décelé d’anomalies apparentes (montants inhabituels, bénéficiaires inconnus, etc.).
 

Le principe d’exclusivité du régime des opérations non autorisées ne fait donc pas obstacle à la mise en cause de la responsabilité bancaire dans ces situations.

 

Un combat syndical pour des pratiques bancaires responsables


Pour notre organisation syndicale , ces arrêts confirment ce que nous affirmons depuis des années : la vigilance bancaire est une obligation professionnelle et une condition essentielle pour garantir la confiance des clients et protéger l’ensemble du secteur.


Trop souvent, les banques tentent d’échapper à leurs responsabilités en rejetant la faute sur les clients ou en laissant les salariés porter seuls la pression face à des fraudes de plus en plus complexes.


Ces arrêts rééquilibrent enfin le rapport de force entre banques et clients : ils rappellent que la confiance dans le système bancaire ne se décrète pas, elle se construit par des actes, par un professionnalisme

 

Notre syndicat poursuivra son action pour que ces principes soient pleinement respectés.


La vigilance ne doit pas être qu’un slogan, mais une réalité concrète au service de tous.


FO Banques exige que ces jurisprudences soient intégrées immédiatement dans les politiques internes des établissements : cela implique des moyens accrus, des outils de détection efficaces, des formations adaptées et une réelle protection des salariés confrontés au risque de fraude et de contentieux.


La lutte contre la fraude ne peut se faire au détriment des conditions de travail et de la santé des personnels : elle doit s’accompagner d’un dialogue social renforcé et d’engagements clairs des directions


(1). Cour de cassation, pourvoi n°24-13.777

(2). Le spoofing est une cybermenace où un hackeur se fait passer pour une entité valide en falsifiant des informations comme une adresse e-mail, un numéro de téléphone ou une adresse IP. Le but est de tromper la victime pour obtenir des informations confidentielles ou infiltrer un réseau.
Contrairement au phishing, qui repose sur des messages trompeurs, il agit d’un niveau plus technique, simulant directement l’identité d’une personne ou d’une organisation.

(3). Cour de cassation, pourvoi n°24-13.604

(4). Cour de cassation, pourvoi n°24-13.697 et pourvoi n°24-10.168 


 

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